Les donateurs internationaux se réunissent ce lundi 13 à Genève pour discuter de l’aide humanitaire à l’Afghanistan. Les États-Unis et les Occidentaux hésitent désormais à investir des fonds, pour ne pas cautionner le régime taliban. Des scrupules que n’a pas la Chine qui place déjà ses pions.
– Sur le plan humanitaire, Pékin s’est engagé à expédier en Afghanistan de la nourriture et des fournitures médicales pour un montant de 31 millions de dollars. Aucun pays n’a promis autant.
– Sur le plan diplomatique aussi, la Chine a pris une longueur d’avance pour remplir le vide laissé par Washington : elle s’est rapproché des talibans bien avant la chute de Kaboul. Et quand les fondamentalistes ont pris le pouvoir de la capitale, à contre-courant de la communauté internationale, elle s’est immédiatement dite prête « à une coopération amicale (...) avec l’Afghanistan », en laissant son ambassade ouverte.
Un rapprochement qui pourtant n’allait pas de soi, puisqu’en 1996, quand les talibans sont arrivés au pouvoir une première fois, les Chinois ont fermé leur ambassade et ne sont revenus qu’en 2001, une fois le régime chassé par les Américains.
Aujourd’hui, l’intérêt de la Chine à se rapprocher de l’Afghanistan est triple.
1. C’est d’abord un intérêt de voisinage : les deux pays ont une frontière commune.
Certes, il n’y a que 76 kilomètres, qui plus est dans les montagnes, à 5 000 mètres d’altitude et sans point de passage routier.
Malgré tout, Pékin ne veut surtout pas laisser le chaos afghan déborder, ni sur son territoire, ni dans les autres pays limitrophes comme le Pakistan ou le Tadjikistan.
La Chine, qui a fait de l’Asie centrale sa zone d’intérêt et d’influence directe, est très attentive aux risques de déstabilisation. En premier lieu dans sa province musulmane du XinJiang. En échange de ses promesses d’investissements, elle a obtenu des talibans l’assurance qu’ils ne soutiendraient pas les militants séparatistes ouïghours.
Pour les talibans, qui sont à la recherche d’une légitimité internationale, la reconnaissance officielle et le soutien de la Chine valent bien cet engagement. Même s’il est difficile aujourd’hui de dire s’ils seront capables de garder le contrôle du pays, entre les velléités des seigneurs de guerre locaux et celles d’autres mouvements radicaux islamistes comme Al-Qaïda, qui pourraient utiliser l’Afghanistan pour s’étendre vers l’est.
2. C’est ensuite un intérêt géostratégique.
Les talibans sont assis sur un gigantesque trésor inexploité qu’ils ne pourront pas valoriser sans aide : des réserves de fer, de bauxite, de chrome, de mercure, de cuivre, d’or, de pierres précieuses, de pétrole, de gaz... mais surtout de métaux rares, graphite, cobalt, lithium, composants indispensables dans la fabrication des véhicules électriques et autres technologies de la transition énergétique.
Les enjeux sont énormes. Selon l’Agence internationale de l’énergie, la demande mondiale de lithium va être multipliée par 40 d’ici vingt ans. Là encore, la Chine veut prendre la main avant les Américains, qui sont déjà très dépendants d’elle pour les minerais clés liés aux nouvelles technologies.
Même si la plupart des zones minières intéressantes sont situées dans des zones difficilement accessibles et qu’il y a encore beaucoup d’obstacles en termes d’insfrastructures, de bureaucratie et de corruption.
3. C’est enfin un intérêt économique.
Pékin veut faire avancer son projet des « nouvelles routes de la soie », un gigantesque programme de construction d’infrastructures hors de ses frontières, qui passe par l’Afghanistan. Le pays y participe depuis 2016.
C’est un intérêt partagé avec les nouveaux maîtres du pays puisque ces investissements massifs sont une garantie de relance économique rapide pour l’Afghanistan, voire de viabilité à long terme. Débarrassé de son encombrante tutelle américaine, le pays peut désormais s’offrir sans retenue à la Chine. Ce n’est qu’une question de temps.