Au cours des deux prochaines décennies, les températures risquent d’augmenter de plus de 1,5 °C par rapport aux niveaux préindustriels, ce qui est contraire aux objectifs de l’Accord de Paris sur le climat de 2015 et entraînera une dévastation très étendue et des conditions météorologiques extrêmes.
Seules des réductions rapides et drastiques des gaz à effet de serre au cours de cette décennie peuvent empêcher un tel effondrement du climat, chaque fraction de degré de réchauffement supplémentaire étant susceptible d’aggraver l’accélération des effets, selon le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), la principale autorité mondiale en matière de climatologie.
L’influence humaine a réchauffé le climat à un rythme sans précédent au cours des 2000 dernières années au moins
L’évaluation exhaustive opérée par la science du climat telle que publiée ce lundi 9 août – soit le sixième rapport de ce type publié par le GIEC depuis 1988 – a nécessité huit ans de travail, rassemblant les travaux de centaines d’experts et d’études d’évaluation par les pairs. Ce rapport représente l’ensemble des connaissances acquises à ce jour sur les fondements physiques du changement climatique et conclut que l’activité humaine est « sans équivoque » la cause des changements rapides du climat, notamment l’élévation du niveau de la mer, la fonte des glaces et des glaciers polaires, les vagues de chaleur, les inondations et les sécheresses.
Des dirigeants du monde entier ont déclaré que ces conclusions brutales devaient imposer de nouvelles mesures politiques de toute urgence, afin de faire passer l’économie mondiale sur la voie de la réduction des émissions de carbone. Les gouvernements de 197 pays se réuniront en novembre prochain à Glasgow pour des négociations essentielles sur le climat, appelées COP26 [voir à propos de cette réunion de Glasgow l’article de Patrick Bond publié sur le site le 10 juillet http://alencontre.org/laune/glasgow-cop26-et-au-dela-plaidoyer-alternatif-pour-la-justice-climatique-illustre-dans-laccord-de-glasgow-et-ses-limites.html].
Chaque nation est invitée à présenter à la COP26 de nouveaux plans de réduction des émissions de gaz à effet de serre afin de limiter le réchauffement de la planète à 1,5 °C par rapport aux niveaux préindustriels, soit l’objectif de l’Accord de Paris sur le climat, un objectif que le GIEC a souligné comme étant encore possible, mais de justesse.
António Guterres, le secrétaire général des Nations unies, a lancé un avertissement : « [Ce rapport] est une ligne rouge pour l’humanité. La sonnette d’alarme est assourdissante et les preuves sont irréfutables : les émissions de gaz à effet de serre provenant de la combustion de combustibles fossiles et de la déforestation étouffent notre planète et mettent des milliards de personnes en danger immédiat. »
Il a appelé à la fin de la construction de nouvelles centrales au charbon et de toute nouvelle exploration et exploitation des combustibles fossiles. Il a demandé aux gouvernements, aux investisseurs et aux entreprises de consacrer tous leurs efforts à un avenir à faible émission de carbone. « Ce rapport doit sonner le glas du charbon et des combustibles fossiles, avant qu’ils ne détruisent notre planète », a-t-il déclaré.
Les simulations de modèles climatiques montrent comment les facteurs humains ont contribué à l’augmentation des températures à la surface du globe
Boris Johnson, premier ministre du Royaume-Uni, hôte de la Cop26, a déclaré : « Le rapport d’aujourd’hui donne à réfléchir et il est clair que la prochaine décennie sera déterminante pour l’avenir de notre planète… J’espère que le rapport d’aujourd’hui sera un signal d’alarme pour que le monde prenne des mesures dès maintenant, avant que nous nous retrouvions à Glasgow en novembre pour le sommet crucial de la COP26. »
John Kerry, envoyé spécial du président américain Joe Biden, a affirmé : « Le rapport du GIEC souligne l’urgence impérieuse de ce moment. Le monde doit s’unir avant que la possibilité de limiter le réchauffement climatique à 1,5°C ne soit hors de portée… Glasgow doit être un tournant dans cette crise. »
Les températures ont augmenté d’environ 1,1°C depuis la période 1850-1900, mais la stabilisation du climat à 1,5°C est encore possible, selon le GIEC. Ce niveau de réchauffement entraînerait toujours une augmentation des vagues de chaleur, des tempêtes plus intenses et des sécheresses et des inondations plus graves, mais il représenterait un risque beaucoup plus faible que celui de 2°C.
Richard Allan, professeur de climatologie à l’Université de Reading (Angleterre) et un des auteurs principaux du GIEC, a déclaré que chaque fraction de degré de réchauffement était cruciale. « Avec de nouvelles hausses de température, vous faites passer des phénomènes météorologiques extrêmes modérés au premier rang de phénomènes extrêmes [avec de nouvelles hausses de température]. »
Les groupes de la société civile ont exhorté les gouvernements à agir sans délai. Doug Parr, responsable scientifique de Greenpeace GB, a déclaré : « Ce n’est pas la première génération de dirigeants mondiaux à être avertis par les scientifiques de la gravité de la crise climatique, mais ce sont les derniers qui peuvent se permettre de les ignorer. La fréquence, l’ampleur et l’intensité croissantes des catastrophes climatiques qui ont brûlé et inondé de nombreuses régions du monde ces derniers mois sont le résultat de l’inaction passée. Si les dirigeants du monde ne commencent pas enfin à agir en fonction de ces avertissements, les choses vont empirer considérablement. »
Stephen Cornelius, conseiller principal sur le changement climatique au WWF, a ajouté : « Il s’agit d’une évaluation sévère de l’avenir effrayant qui nous attend si nous n’agissons pas. Alors que le monde est au bord de l’irréversible, chaque fraction de degré de réchauffement compte pour limiter les dangers. »
Même si le monde parvient à limiter le réchauffement à 1,5°C, certains impacts à long terme du réchauffement déjà en cours seront probablement inévitables et irréversibles. Il s’agit notamment de l’élévation du niveau des mers, de la fonte des glaces de l’Arctique, du réchauffement et de l’acidification des océans. Selon les scientifiques du GIEC, des réductions drastiques des émissions peuvent éviter que le changement climatique ne s’aggrave, mais elles ne ramèneront pas le monde aux schémas météorologiques plus modérés du passé.
Ed Hawkins, professeur de sciences du climat à l’Université de Reading, et un des auteurs principaux du GIEC, a souligné : « Nous sommes déjà confrontés au changement climatique, notamment à des événements météorologiques plus fréquents et plus extrêmes, et pour nombre de ces impacts, il n’y a pas de retour en arrière possible. »
Ce rapport est susceptible d’être le dernier du GIEC à un moment où il est encore temps de rester en dessous de 1,5°C, a ajouté Joeri Rogelj, directeur de recherche à l’Institut Grantham de l’Imperial College London, et un des auteurs principaux du GIEC. « Ce rapport montre que plus nous nous rapprochons de la limite de 1,5°C, plus le climat dans lequel nous vivrons sera acceptable. Ce rapport montre que nous pouvons rester en deçà de 1,5°C, mais seulement de justesse – seulement si nous réduisons les émissions au cours de la prochaine décennie. » « Si nous ne le faisons pas, d’ici le prochain rapport du GIEC, à la fin de cette décennie, la limite de 1,5 °C sera dépassée. »
Le rapport publié ce lundi 9 août sera suivi l’année prochaine de deux autres volets : la deuxième partie portera sur les impacts de la crise climatique, et la troisième détaillera les solutions potentielles. Le travail sur le rapport a été entravé par la pandémie de Covid-19, qui a retardé la publication de quelques mois, et a obligé les scientifiques à collaborer principalement en ligne et par vidéoconférence.
Fiona Harvey