Au nord de l’Éthiopie, les forces tigréennes censées avoir été écrasées par les troupes fédérales depuis le 4 novembre 2020, donnent des sueurs froides au gouvernement d’Abiy Ahmed. Fin juin, après des mois d’affrontements, le Front de libération du peuple du Tigré a repris la capitale de la province, Mekele, forçant l’armée fédérale à battre en retraite. Depuis, les forces régionales en rupture avec le gouvernement ont élargi les combats à la frontière avec la région Amhara, avant de pénétrer dans la région de l’Afar, à l’est, jusque-là épargnée par le conflit.
“Nous ne cherchons pas de gains territoriaux. Ce qui nous intéresse, c’est de dégrader les capacités de combat de notre ennemi”, assurait lundi 19 juillet le porte-parole des forces tigréennes, Getachew Reda, à l’agence Reuters. D’après une ONG locale citée par le Addis Standard, plus de 50 000 personnes auraient déjà fui les violences dans la région de l’Afar. Dans le même temps, des dizaines de milliers de manifestants défilaient dans la capitale éthiopienne, Addis Abeba, en soutien au Premier ministre Abiy Ahmed, réélu à une écrasante majorité le 10 juillet 2020.
Nommé prix Nobel de la paix en 2019, Abiy Ahmed est sévèrement critiqué par de nombreuses organisations qui dénoncent les massacres de civils et les viols de masse menés par les troupes alliées au gouvernement fédéral dans le Tigré. Les Nations unies, les États-Unis, et l’Union européenne ont évoqué des “crimes de guerre” à plusieurs reprises. Dimanche 18 juillet, les États-Unis ont annoncé une nouvelle série de sanctions contre l’Éthiopie dans l’espoir de faire monter la pression sur le Premier ministre.
Nombre grandissant de milices
En plus de supprimer une partie de ses aides financières à l’Éthiopie, le secrétaire d’État américain Anthony Blinken a indiqué que tous les acteurs impliqués dans le conflit au Tigré seraient désormais interdits de séjour aux États-Unis. Un geste “rare” contre “un allié africain clef”, estime le New York Times. En réponse, le ministère des Affaires étrangères éthiopien accuse le gouvernement américain d’ingérence et menace de “réévaluer” les relations de l’Éthiopie avec les États-Unis.
De leur côté, les dirigeants du Front de libération du peuple du Tigré ont déjà fait savoir qu’ils ne cesseraient pas les combats tant qu’ils n’auraient pas repris le contrôle de toute leur province. En face, officiellement, le gouvernement a décrété un cessez-le-feu unilatéral après la reconquête de Mekele. Dans les faits, un nombre grandissant de milices ont pris le relais des troupes fédérales.
Le 14 juillet, la région d’Amhara a appelé à la mobilisation générale face aux attaques du Front de libération du peuple du Tigré, accusé de saper les efforts du parti au pouvoir pour maintenir l’unité du pays et de multiplier les atrocités. Trois provinces ont répondu à son appel et promis à leur tour de prêter main-forte aux forces gouvernementales. “Tous les peuples d’Éthiopie doivent se rassembler pour combattre ce groupe diabolique”, a lancé à son tour le gouvernement régional de l’Afar après l’arrivée des troupes tigréennes sur son territoire.
Courrier International
Abonnez-vous à la Lettre de nouveautés du site ESSF et recevez par courriel la liste des articles parus, en français ou en anglais.