La ville de Katmandou et sa vallée viennent d’être balayées par les pluies de la mousson, mais voilà qu’une autre tornade s’abat sur la capitale du Népal. À la surprise générale, lundi 12 juillet, “la Cour suprême a ordonné à la présidente Bidya Devi Bhandari de nommer Premier ministre Sher Bahadur Deuba”, rapporte le Kathmandu Post. D’ici mardi 17 heures, le président du parti Congrès népalais, qui a déjà dirigé le petit État himalayen à quatre reprises par le passé, va devoir prêter serment.
“La Cour suprême a par ailleurs restauré le Parlement qui avait été dissous” le 22 mai par Khadga Prasad Sharma Oli, chef du gouvernement depuis février 2018. Fin mai, “Sher Bahadur Deuba avait affirmé disposer d’une majorité de 149 parlementaires sur 275, et alors estimé être en mesure de diriger l’exécutif”, mais la présidence de la république avait rejeté cette initiative et maintenu le marxiste-léniniste Khadga Prasad Sharma Oli en fonction.
Ce dernier a donc fini par échouer dans sa tentative de se maintenir coûte que coûte aux commandes du Népal. En décembre 2020 déjà, il avait annoncé une première fois la dissolution du Parlement et la convocation de législatives anticipées, après quoi la Cour suprême l’avait renvoyé dans ses buts en février 2021.
Ce énième rebondissement “suscite des réactions mitigées”, note l’Himalayan Times. Pour Sher Bahadur Deuba, qui revient sur le devant de la scène de manière inattendue à l’âge de 74 ans, “la Cour suprême a sauvé la Constitution, fait renaître l’État de droit et rétabli la confiance du peuple dans un système judiciaire indépendant”.
“Événement historique”
Pour le leader maoïste Pushpa Kamal Dahal, dit Prachanda, qui gouvernait en coalition avec Sharma Oli depuis 2018 avant que les deux dirigeants communistes ne finissent pas se séparer avec fracas cet hiver, “la décision de la Cour suprême est en soi un événement historique. C’est une victoire non seulement de l’opposition, mais aussi du pays et du peuple.”
De son côté, le directeur de la rédaction de l’hebdomadaire Nepali Times, Kunda Dixit, considère que le coup de théâtre de lundi, consistant à “rétablir le Parlement népalais pour la deuxième fois après sa dissolution par le Premier ministre Oli, était prévisible”. En revanche, ce qui était inattendu, “c’est que la Cour suprême ordonne à Deuba” de succéder à Oli en tant que Premier ministre. “La personne la plus surprise par cette décision est probablement Deuba lui-même”, pense-t-il.
La plupart des commentateurs estimaient que le choix du chef du gouvernement était “une question strictement politique” relevant du Parlement et non de la Cour suprême. Cet épilogue est “une claque pour Khadga Prasad Sharma Oli, qui s’était maintenu au pouvoir malgré l’entrée en dissidence”, d’abord d’une faction de feu le Parti communiste népalais, qui aura associé maoïstes et marxistes pendant trois ans seulement, puis d’une faction au sein de son propre parti, le Parti communiste unifié marxiste-léniniste.
Guillaume Delacroix
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