« Il s’agit tout simplement de se réapproprier ensemble l’avenir de notre monde » : voilà le but qu’Attac s’est fixé, dès ses débuts, en 1998. L’association s’est inscrite d’emblée dans la critique de l’ordre économique néolibéral et est apparue comme une force de propositions - dont la fameuse taxe Tobin. Association d’éducation populaire tournée vers l’action, elle s’est enrichie peu à peu de plus de 200 comités locaux et de dizaines de milliers d’adhérents, en même temps qu’elle est restée un lieu de convergences, puisqu’elle compte plus de 60 organisations et personnalités fondatrices.
Mais ne nous racontons pas d’histoires : le temps n’est pas au beau fixe pour nos luttes et nos idées. Le néolibéralisme n’a jamais autant marqué la société. Le premier tour de la présidentielle s’est déroulé en occultant des thèmes fondamentaux pour les citoyens. C’est le cas, tout particulièrement, des enjeux mondiaux et européens. Parallèlement, le mouvement social et le mouvement altermondialiste peinent à se faire entendre et connaissent des difficultés. C’est bel et bien d’un nouveau départ dont Attac et l’ensemble du mouvement altermondialiste ont besoin.
En notre sein, une majorité nette a été élue, favorable à une conception collégiale, d’Attac, ancrée dans l’altermondialisme et indépendante du champ des partis politiques. Cela doit être l’occasion de repenser la question du pouvoir et de la démocratie dans des organisations qui se veulent émancipatrices, notamment Attac, qui réunit des composantes et des militants aux opinions et horizons divers. La publication du « Manifeste altermondialiste » marque une nouvelle étape : allier nos luttes et nos résistances à un ensemble de propositions viables, posées comme alternatives à la domination de la logique marchande. Autour d’un journal, d’un livre et d’un site interactif, à travers les multiples débats organisés par nos comités locaux, nous voulons stimuler et recentrer le débat public sur l’essentiel, tant à l’occasion des élections qu’au-delà de celles-ci.
L’essentiel, pour nous, se résume dans une question : comment scier les piliers du néolibéralisme économique ? Pour cela, sept points nous apparaissent fondamentaux : une mondialisation solidaire contre la libre circulation des capitaux et le libre-échange ; une planète durable, car la nature n’est ni un réservoir inépuisable, ni un dépotoir ; l’intervention citoyenne contre la mise sous tutelle de la démocratie ; des biens publics mondiaux et des services publics contre les politiques des gouvernements au service des propriétaires du capital ; une sécurité économique et sociale face au pouvoir des actionnaires ; la coopération contre la guerre permanente et les politiques sécuritaires ; la diversité culturelle contre le formatage des esprits.
Dans ces nouvelles orientations, un axe transversal émerge : l’articulation entre les impératifs sociaux et écologiques. C’est ce qui nous a amenés, le 24 mars, à organiser une grande rencontre, moment riche de dialogue entre mouvements sociaux et écologistes, sur cette question : comment « croiser » et faire converger leurs campagnes, dès lors que les mouvements sociaux sont confrontés à une crise écologique majeure ?
Il importe également de reconstruire les rapports de force au sein de la société, pour faire entendre nos exigences de solidarité, d’écologie et de démocratie. Des campagnes unitaires se construisent, par exemple pour dire « non » à la libéralisation du secteur électrique, puisque l’ouverture du marché à tous les particuliers est prévue le 1er juillet 2007. Ces mobilisations doivent se renforcer du local au global, puisque c’est à présent à tous ces échelons que se prennent les décisions antidémocratiques, repoussant toujours plus les frontières de la marchandisation. Au niveau international, le contre-sommet du G8, du 2 au 8 juin 2007 en Allemagne, sera un rendez-vous central pour les forces altermondialistes internationales. Il rassemblera des dizaines de milliers de manifestants contre la réunion, à huis clos, des huit pays les plus riches du monde. Une réunion où se concoctent la domination des pays les plus pauvres et la prospérité toujours plus grande des détenteurs de capitaux.
Enfin, c’est sur les enjeux européens qu’il nous faudra être présents, de la même façon que nous avons pu l’être lors de la campagne du « non » au traité constitutionnel européen. À l’occasion du cinquantenaire du Traité de Rome, le 25 mars, le très néolibéral gouvernement allemand, qui préside actuellement l’Union européenne, a dévoilé des plans qui pourraient bien être ceux de l’Union européenne : un traité voté par voie parlementaire et élaboré par conférence intergouvernementale. Bien loin des peuples, donc, et dans le déni complet de notre rejet populaire du 29 mai 2005.
Ainsi, il nous faut très rapidement engager une campagne ambitieuse sur l’Europe. Nous exigerons des processus démocratiques d’élaboration et de ratification des traités, mais aussi nous proposerons une autre Europe, qui soit démocratique, solidaire et écologique. C’est dans ce sens que seize Attac d’Europe (Allemagne, Autriche, Belgique, Danemark, Espagne, Finlande, France, Grèce, Hongrie, Italie, Jersey, Norvège, Pays-Bas, Pologne, Suède, Suisse) se sont penchées sur des propositions alternatives, dans une déclaration intitulée : « Vers une refondation de l’Union européenne : les dix principes d’Attac pour un traité démocratique. » Nous y exigeons notamment une assemblée élue par les citoyens, afin d’élaborer, avec l’association des parlements nationaux, un nouveau traité démocratique pour l’Union européenne, soumis ensuite à un référendum dans tous les pays.
Notes
1. Lire notamment la publication, pour Attac, de Jean-Marie Harribey, Le Petit Alter, Dictionnaire altermondialiste, Mille et une nuits, 20 euros.
2. Site Attac : http://www.attac.org/