Lundi 7 juin, les ministres des Affaires étrangères de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (Asean) et de la Chine se rencontraient à Chongqing (Chine), et “la crise en Birmanie était en tête de l’agenda”, comme l’écrit The Straits Times.
Mais la déclaration finale de ce sommet, limitée aux formules diplomatiques d’usage, est décevante, estime le grand journal anglophone de Singapour. Ce qui montre à quel point “l’Asean est divisée sur la façon d’exercer une pression sur l’un de ses membres”.
À la fin d’avril, des signes encourageants avaient été enregistrés, les dirigeants de l’Asean réussissant, lors d’un sommet à Jakarta, à faire adopter par le général putschiste Min Aung Hlaing un “consensus en cinq points” incluant l’arrêt des violences contre les civils. Mais “la dynamique est rompue”, insiste le Straits Times, et le consensus en cinq points n’a pas été mis en œuvre. À la fin de la réunion de Chongqing, les ministres des Affaires étrangères de Singapour et d’Indonésie ont d’ailleurs exprimé leur déception face à cette absence de progrès.
Légitimation de la junte
Pour le Jakarta Post, la crédibilité de l’Asean a été également gravement “mise à mal par la visite en Birmanie du vice-ministre des Affaires étrangères de Brunei, Erywan Yusof, et du secrétaire général de l’Asean, Lim Jock Hoi, les 4 et 5 juin.”
Mais, selon le quotidien indonésien, la plus grave erreur commise est un texte publié sur le site officiel du secrétariat de l’Asean après cette visite, qui mentionnait les membres du régime militaire birman par leurs titres actuels, manière de les légitimer. Le texte a finalement été retiré du site mardi 8 juin.
“En lisant cette déclaration, on comprend qu’ils [les représentants de l’Asean] n’ont parlé qu’aux militaires. Certes, il est sans doute complexe d’avoir accès aux représentants du gouvernement d’union nationale, dont certains membres se trouvent en prison ou se cachent. Néanmoins, cela donne une très mauvaise image”, juge dans le Straits Times Joel Ng, chercheur à l’École d’études internationales S. Rajaratnam, à Singapour. L’armée birmane a pris le pouvoir le 1er février et a emprisonné les membres du gouvernement en place. Le gouvernement d’union nationale assure qu’il représente les autorités démocratiquement élus par le peuple birman.
Aux yeux du professeur Dylan Loh, de l’université technologique de Nanyang, à Singapour, également interrogé par le journal de Singapour, cette série d’événements montre le peu d’efficacité de l’Asean et ne préfigure rien de bon pour l’avenir du groupement régional :
“C’est préjudiciable pour l’Asean, qui pourtant se présentait comme la seule organisation capable d’entrer en contact avec les militaires birmans.”
Absence de mécanisme de sanctions
La Chine, qui partage une frontière poreuse avec la Birmanie, tient à éviter d’être vu comme le “marionnettiste” qui, derrière la scène, manipulerait les protagonistes. Elle confirme son soutien à la position de l’Asean. Sa ligne a toujours été constante sur ce point.
“Les membres de l’Asean et la Chine, contrairement aux États-Unis et à ses alliées occidentaux, n’ont pas voulu imposer de sanctions à la Birmanie”, rappelle le journal.
Adriana Elisabeth, analyste à l’Institut indonésien des sciences, porte dans le Straits Times un jugement sévère sur cette impuissance :
“Le mécanisme de résolution des conflits dans l’Asean doit être revu afin de le rendre plus efficace. Sinon, il ne consiste qu’à se rencontrer, discuter, et puis rien ne se passe.”
Elle rappelle que la charte de l’Asean s’appuie sur “les principes de démocratie, de droits de l’homme, de libertés fondamentales et d’État de droit. Tout ceci ne serait que des vœux pieux sans sanctions.”
Courrier International
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