Après la délégalisation en octobre 2020 de l’interruption volontaire de grossesse (IVG) dans les cas de malformation grave du fœtus, le nombre d’avortements pratiqués en Pologne dans le cadre du système public de santé a chuté de plus de 50 %, relève le quotidien juridique Dziennik Gazeta Prawna dans son édition du 19 mai 2021. “En janvier et février 2020, il était de 255, mais cette année, sur la même période, il est tombé à 112.”
Dans le même temps, le journal constate que “le nombre de patientes ayant passé des examens prénataux a reculé de 30 400 à 26 600, soit une différence d’environ 4 000. Si cela a pu résulter d’une chute générale du nombre de grossesses [en 2020, la Pologne a enregistré son plus faible nombre de naissances depuis 2004], des médecins affirment que la décision de justice au sujet de l’avortement a pesé. ‘Nous avons moins de patientes, leur attitude change. Parfois elles renoncent aux examens, car elles savent qu’ensuite elles n’auront pas le choix’, explique ainsi une spécialiste des examens génétiques.”
Certaines Polonaises trouvent toutefois des moyens de contourner le nouveau cadre juridique en vigueur. Par exemple, un gynécologue interrogé par le quotidien relate deux cas de femmes qui, après avoir découvert qu’elles étaient porteuses d’un fœtus victime d’une malformation grave, ont obtenu d’un psychologue ou d’un psychiatre un certificat attestant que leur grossesse présentait un risque pour leur santé ou leur vie – le dernier motif légal d’accès à l’IVG en dehors des situations de viol ou d’inceste.
Néanmoins, poursuit Dziennik Gazeta Prawna, “le problème est qu’en Pologne même les femmes qui ont le droit à un avortement légal ont du mal à le faire valoir”, notamment en raison de la réticence de certains médecins et directeurs d’hôpital. Dans un pays où l’immense majorité de la population s’identifie au catholicisme, les professionnels sont en effet nombreux à invoquer la clause de conscience, ou bien tout simplement à craindre d’être pris pour cibles par les très actives organisations pro-vie. À Federa, une fédération d’associations féministes et de planning familial, une juriste souligne que si “toutes les femmes qui ont demandé de l’aide ont fini par obtenir un avortement, elles ont dû avant cela parcourir des centaines de kilomètres, car elles étaient renvoyées d’un hôpital à un autre.”
La solution la plus courante serait donc de se faire avorter à l’étranger. “Depuis le 22 octobre 2020, 597 femmes ont bénéficié du soutien du collectif informel Avortement sans frontières. Parmi elles, 163 ont confirmé que la cause était un fœtus atteint de malformations. Pour les autres, le motif n’est pas toujours connu, car aux Pays-Bas et en Angleterre l’avortement est accessible sans devoir fournir de justification. En outre, près de 200 femmes ont pu interrompre leur grossesse au deuxième trimestre et à domicile grâce à des médicaments livrés avec l’aide d’Avortement sans frontières”, conclut Dziennik Gazeta Prawna.
Dziennik Gazeta Prawna
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