Chaque année à la mi-avril, Phnom Penh se vide, ses habitants partant célébrer le nouvel an khmer dans leur village natal, au bord de la mer ou dans les temples d’Angkor. Mais cette année, si la capitale a pris des airs de ville morte, c’est en raison du confinement strict imposé depuis le 14 avril par les autorités. Et ce pour deux semaines, au moins. Plus personne n’est autorisé à sortir de son domicile, à de rares exceptions près : des courses alimentaires à raison de trois fois par semaine ou des soins médicaux.
Dans les rues entièrement vides, il est aisé de repérer les contrevenants. Ce dont ne se privent pas les patrouilles de police qui sillonnent la ville. Mais ne pousseraient-elles le zèle un peu trop loin ? C’est ce que dénonce en tout cas le site CambojaNews, qui fait état de policiers sermonnant ces quelques téméraires à coups de cannes en bambou. La méthode, écrit le site, a été décrite comme “extrême” par des représentants d’organisations des droits de l’homme.
Une vidéo filmée par les autorités d’un des arrondissements de Phnom Penh et montrant les policiers à l’œuvre a été largement partagée et commentée sur la Toile cambodgienne.
Selon CambojaNews, le chef de la police de Phnom Penh, Sar Thet, a nié que ses hommes recouraient à de telles méthodes. “Ils font juste semblant”, a-t-il assuré. Pourtant, The Phnom Penh Post abonde dans ce sens.
“Dernier recours pour les autorités : les bâtons.”
Un ministre embarrassé
Ces mêmes autorités, qui, au sommet de la hiérarchie, semblent désormais embarrassées par les images qui ont circulé, note le journal. Dans une lettre en date du 21 avril, le ministre de l’Intérieur lui-même salue les forces de l’ordre dans “leurs efforts pour faire respecter les mesures anti-Covid-19 du gouvernement” mais les exhorte aussitôt “à ne pas aller trop loin”. Sar Kheng leur rappelle ainsi d’accomplir leur devoir avec “tolérance, discipline, professionnalisme, bonnes manières et minutie”.
Un message que le ministre de l’Information, Khieu Kanharith, a lui aussi fait passer sur sa page Facebook. “N’oubliez pas ces mots : ‘servir la population’”, écrit le ministre, avant de rappeler qu’en Inde les méthodes musclées des policiers l’an dernier contre ceux qui bravaient le confinement n’ont abouti qu’à une seule chose : se mettre les habitants à dos.
សូមនិយាយពីរឿងមួយ : ការអនុវត្តច្បាប់មិនមែនជាស្វ័យប្រវត្តិភ្ជាប់ជាមួយអំពើហឹង្សាទេ…- Publiée par Kanharith Khieu sur Mercredi 21 avril 2021
Une vision des choses que ne partage pas le gouverneur de Phnom Penh. Au journal Khmer Times, Khuong Sreng a expliqué que renvoyer les contrevenants chez eux avec des bâtons, c’était un peu comme si des parents éduquaient leurs enfants.
“S’ils ne se plient pas aux règles, les autorités les frapperont.”
Arrestations et emprisonnement
Les coups de bâton ne sont pas les seules armes dont disposent les forces de l’ordre. Elles peuvent aussi saisir les motos des contrevenants et même les arrêter. Depuis le 15 avril, le Khmer Times fait ainsi état de 121 personnes, dont onze ont été traduites devant la justice et six écrouées. Les autres ont écopé une amende après avoir été “éduquées”.
Le Cambodge, qui s’est claquemuré l’an dernier lorsque l’épidémie de Covid-19 a commencé à se propager depuis la Chine, avait jusqu’en février réussi à empêcher toute flambée de contaminations. Mais, à cette date, un foyer a fait son apparition à Phnom Penh après que des Chinoises ont violé leur quarantaine et contaminé plusieurs personnes dans des lieux de divertissement. Depuis les autorités ont commencé à prendre des mesures de plus en plus strictes pour tenter de juguler la propagation. À ce jour, le royaume enregistre près de 9 000 cas, dont 522 nouveaux le 22 avril, et 61 décès.
Courrier International
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