“Mener une enquête journalistique n’est pas un crime !” ont crié des personnes assistant à l’audience du tribunal de première instance de Kowloon Ouest, le 22 avril. Après avoir entendu la sentence, Choy Yuk-ling a pleuré en se retenant à son avocat, rapporte le journal Ming Pao. Cette dernière, réalisatrice à la radio publique de Hong Kong, RTHK, également connue sous le nom de Bao Choy, vient d’être condamnée par le tribunal à une amende de 6 000 dollars hongkongais (640 euros), pour “avoir fait de fausses déclarations sur des éléments essentiels”. Comme le souligne le média local en ligne Lichang Xinwen (Stand News), jamais un journaliste à Hong Kong n’avait été condamné pour le simple fait d’avoir consulté des archives.
Les faits remontent à 2019, en plein mouvement de protestation contre le projet de loi d’extradition vers la Chine. Le documentaire Qui contrôle la vérité du 21 juillet ? est consacré à la fameuse soirée marquée de violentes attaques perpétrées par des hommes en T-shirt blanc contre des manifestants dans le quartier de Yuen Long. Le documentaire examine les responsabilités dans cette attaque et les raisons de la lenteur de la police à intervenir, et Choy a voulu vérifier l’immatriculation d’un véhicule présent sur place, suspecté d’avoir transporté des attaquants ou leur matériel.
Parmi les trois options proposées sur le site du département des Transports quant à la motivation de la demande – procédures juridiques, achat et vente de véhicule, autres questions liées à la circulation ou au transport –, Choy a coché la troisième. C’est ce geste qui a été jugé comme une “fausse déclaration” par la juge. Choy “est la première personne reconnue coupable et condamnée dans l’affaire du 21 juillet”, commente le quotidien Apple Daily.
Prix de la liberté de la presse refusé
La veille, la presse hongkongaise avait largement relayé le fait que l’employeur de la réalisatrice avait refusé un prix de la liberté de la presse : une réaction jusqu’à présent inimaginable pour cette métropole où la liberté est une fierté revendiquée. “Qui contrôle la vérité du 21 juillet ? a remporté le Grand Prix du journalisme Kam Yiu-yu, la radio publique de Hong Kong l’a refusé”, a annoncé le site de la radio, dont la direction éditoriale vient d’être retirée à un journaliste respecté et attribuée à un fonctionnaire. Ce prix, créé en 2009 au nom de l’ancien rédacteur en chef du journal Wenweipo, a pour objectif de récompenser les journalistes qui contribuent à la liberté de la presse à Hong Kong.
Le 21 avril, en annonçant le nom des lauréats du prix du journalisme Kam Yiu-yu, les premiers mots que l’Association des journalistes de Hong Kong a prononcés décrivaient les circonstances : “À l’heure où la liberté de la presse est mise à rude épreuve…”
Il est vrai que la situation des médias ne cesse de se dégrader à Hong Kong. Le nouveau classement de la liberté de la presse de Reporters sans frontières témoigne de cette chute vertigineuse : de la 18e place en 2002, Hong Kong est passé à la 80e aujourd’hui.
Zhang Zhulin
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