Avec sa forme tubulaire, son aspect visqueux et ses ventouses sur sa face ventrale, le concombre de mer n’a rien d’appétissant. Et pourtant : mets de choix, il est très populaire sur le marché asiatique. À tel point qu’au Sri Lanka, là où il est pêché, l’animal est devenu le nouvel “or du crime organisé”, rapporte le quotidien britannique The Guardian.
Le concombre de mer, aussi appelé holothurie, est très apprécié en Chine et dans les pays d’Asie du Sud-Est, “où il est considéré comme un délice culinaire et est utilisé dans la médecine traditionnelle”, explique le Guardian. “Il est aussi faussement considéré comme un aphrodisiaque, surtout en Chine”, ajoute le quotidien britannique.
2 500 livres le kilo
Cette demande alimente un marché très lucratif. Depuis les années 1980, le prix de l’animal a été multiplié par quatre, passant de 50 à 200 livres sterling (57 à 231 euros) le kilo. “Les espèces les plus rares peuvent atteindre les 2 500 livres le kilo [2 887 euros]”, assure le Guardian. Le journal raconte que le concombre de mer est ainsi devenu une marchandise convoitée par les organisations criminelles au niveau planétaire :
“La demande en concombres de mer a mené à des violences meurtrières au Mexique, à l’implication des yakuzas au Japon et à du trafic de contrebande entre la Tanzanie et Zanzibar.”
Au Sri Lanka, la pêche illégale est favorisée par les différences de législation entre l’île et son grand voisin indien. “Alors que le Sri Lanka autorise les exportations de concombres de mer, l’Inde applique une interdiction totale du commerce de cet animal”, précise le quotidien anglais.
Les autorités indiennes et sri-lankaises tentent de lutter contre le phénomène. En août dernier, un bateau transportant près d’une tonne de concombres de mer a été intercepté par les gardes-côtes indiens dans le golfe de Mannar, au nord-ouest du Sri Lanka. La valeur de la cargaison était estimée à environ 500 000 livres (environ 577 000 euros).
Sur la côte nord du Sri Lanka, zone de pêche traditionnelle de l’espèce marine, le braconnage a fait chuter le nombre d’individus de 60 %. La pêche illégale prive le pêcheur Anthony Vigrado et plus de 10 000 autres familles de leur principale source de revenu :
“Les pêcheurs illégaux traversent nos frontières et viennent collecter les concombres de mer là où nous plongeons. Nous perdons notre revenu et nous leur laissons nos richesses.”
Les criminels n’hésitent pas à détruire le matériel des pêcheurs locaux pour s’approprier la ressource. Ce sabotage révolte AM Stanny Lambert, pêcheur dans le golfe de Mannar : “C’est immoral, nous sommes coincés car ils collectent tout avant nous.”
Écosystèmes en danger
La diminution de l’espèce représente aussi un danger pour l’environnement. “Les concombres de mer jouent un rôle vital dans les écosystèmes marins”, rapporte le Guardian. Ces étranges créatures se nourrissent en majorité de détritus tels que des débris d’animaux ou de végétaux. Ils filtrent une grande quantité de sédiments et rejettent des éléments chimiques dont se nourrissent d’autres espèces marines comme les coraux.
L’argument écologique constitue un point crucial de la lutte contre la surexploitation de la ressource. “Nous devons convaincre les pêcheurs du rôle environnemental de l’espèce […]. C’est lorsqu’ils réalisent que leur subsistance et celle de leurs enfants est affectée” que les trafiquants arrêtent leurs activités, estime Sivakumar Kuppusamy, scientifique au Wildlife Institute of India.
The Guardian
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