• Où en est la procédure judiciaire engagée suite à l’occupation du Pascal-Paoli et à son rapatriement en Corse ?
Alain Mosconi - Le 16 mai, Félix Dagrégorio et moi sommes convoqués devant le juge, à Marseille, afin d’être entendus pour la deuxième fois. La première fois, c’était pendant notre garde à vue. Cela signifie que, un an et demi après, la justice et le gouvernement s’entêtent, dans un pays supposé être celui des droits de l’Homme. Ils veulent aller jusqu’au bout de la procédure où, pour la première fois de l’histoire, quatre syndicalistes seront jugés par une cour d’assises, donc jugés pour crime en fin de compte.
• Les soutiens continuent-ils d’affluer ?
A. Mosconi - Oui, en Corse, en France et, au-delà, en Europe, ainsi que dans le monde. Nous avons de très bons contacts dans le Pacifique et ailleurs, nous laissant penser qu’il y a encore des gens qui, heureusement, refusent l’ordre établi, un ordre où les dirigeants dicteraient nos conditions de lutte. C’est-à-dire, au-delà de leurs lois, au-delà de ce qu’ils nous imposent à travers des lois qui ne conviennent pas ou qui ne nous conviennent plus, qu’ils dicteraient non seulement nos conditions de vie, mais aussi les règles du jeu, définissant ce qui est autorisé et ce qui ne l’est pas. Je pense que, comme révolutionnaires, à partir du moment où nous restons dans un cadre clairement identifié, nous pouvons nous autoriser, face à l’agression qui nous est faite, toute forme de résistance.
• La collectivité territoriale de Corse a renouvelé l’appel d’offre, et la SNCM vient d’obtenir la délégation de service public pour la desserte maritime. Qu’en penses-tu ?
A. Mosconi - J’ai suivi de près cette affaire. En fin de compte, les élus de l’Assemblée de Corse ont le choix entre deux compagnies privées. D’un côté, Corsica ferries, qui pourrait aussi bien s’appeler Italy ferries ou Bangladesh ferries, quand on connaît les conditions de travail imposées aux salariés de cette compagnie. C’est même une offense de l’appeler « Corsica », car les conditions de travail imposées ne correspondent en rien aux conceptions de la société que nous avons en Corse. De l’autre, une multinationale [Veolia, qui contrôle la SNCM, NDLR]. C’est le choix entre la peste et le choléra. C’est pourquoi les nationalistes, après avoir explicité leur vote, ont refusé de participer à cette mascarade et de prendre part à ce choix. Pour eux, le gouvernement et ses valets locaux - le président de l’exécutif, le président de l’Office des transports, le président de l’Assemblée de Corse - ont contribué à brader un outil public, une compagnie publique. C’est le casse du siècle. Cette compagnie d’État, qui avait 500 millions d’euros d’actifs, a été bradée à une multinationale pour 35 millions d’euros.
• En tant que militant syndicaliste, quelle continuité établis-tu entre ton engagement syndical et ta participation au mouvement national corse ?
A. Mosconi - En Corse, pour un territoire insulaire, les transports sont stratégiques, c’est un secteur qui doit rester public, tout comme l’Éducation, la formation ou la santé. Ces secteurs doivent rester publics et se développer en fonction des intérêts des usagers, des besoins du peuple. Mais, quand nous avons devant nous Corsica ferries ou Veolia, nous sommes face à des compagnies privées et, avec elles, ce sont les intérêts privés qui l’emportent sur les intérêts collectifs. En tant que syndicalistes, nous sommes opposés à Veolia, même si nous sommes salariés de la SNCM - on s’en fout que ce soit Veolia qui nous fasse le chèque à la fin du mois pour le travail que nous effectuons.
Nous nous opposons fermement et définitivement à Veolia à cause du danger que cette multinationale représente en Corse et dans le monde. Nous voulons que des secteurs stratégiques, comme les transports, redeviennent publics, parce qu’il en va du choix de société. Nous voulons que la Corse dans laquelle nous souhaitons vivre soit une Corse non repliée sur elle-même, émancipée, qui se situe dans un cadre de partage, de tolérance et de solidarité, afin que cela puisse servir d’exemple, comme cela a été le cas il y a un peu plus de deux siècles - quand la Corse était indépendante et à la pointe des libertés -, pour d’autres peuples et d’autres nations voulant s’inscrire dans une logique de solidarité entre les peuples.
• Lors de la venue d’Olivier Besancenot en Corse, tu as publiquement déclaré, aux meetings de Calvi et d’Ajaccio notamment, que tu voteras pour Olivier Besancenot au premier tour de l’élection présidentielle. Quel sens donnes-tu à cet engagement ?
A. Mosconi - Le choix a été fait de manière spontanée et éminemment politique. Un ami à moi, José Bové, était candidat dans cette élection. Mais, Kipling a écrit : « Si tu sais aimer tous tes amis en frères sans qu’aucun d’eux ne soit tout pour toi... » J’aime José en frère, mais José n’est pas tout pour moi. Aujourd’hui, la raison politique nous impose de vérifier les orientations politiques des uns et des autres. La politique et le dynamisme de la LCR, que l’on voit sur le terrain, le dynamisme d’Olivier Besancenot, sa reconnaissance du fait national corse et de la spécificité corse est importante.
La LCR reconnaît qu’en France, il y a des peuples qui ont le droit d’exister, un droit identitaire et que, ce qui n’a rien d’antinomique, les peuples ne se combattent pas entre eux, mais ont le droit de vivre de manière indépendante, en Corse, comme dans d’autres endroits du monde. C’est le capital qui nous élève les uns contre les autres, en cherchant les antagonismes. Cette question m’a permis d’aller vers Olivier Besancenot. C’est un homme passionnant, à l’écoute, avec qui il fait bon échanger. Je lui ai déclaré publiquement mon choix, même si, de par mon statut et celui de mon syndicat, je ne peux pas appeler officiellement à soutenir la candidature d’Olivier Besancenot. Mais, en tant que citoyen libre, j’affirme publiquement que je voterai pour lui.