Trente-sept entreprises chinoises en Birmanie ont été incendiées et saccagées, trois salariés blessés. Le 16 mars, l’ambassade de Chine a a confirmé ces chiffres à Jiemian, média en ligne de Shanghai. Les attaques des entreprises chinoises ont notamment débuté le dimanche 14 mars, journée la plus sanglante depuis le coup d’État du 1er février en Birmanie, avec plusieurs dizaines de manifestants morts sous les balles de la junte militaire.
Des ressortissants chinois choqués
Lin Tian, employé chinois, raconte ces moments avec effroi au journaliste de Jiemian. L’après-midi du 14 mars, alors qu’il était dans son dortoir, en vidéo- communication avec son père, l’homme a entendu de l’agitation. Il est sorti de sa chambre et a vu une dizaine d’individus, armés de couteaux, bâtons et bombes incendiaires, envahir l’usine après en avoir défoncé la porte. “Ils ont chassé les Chinois de l’usine, puis ont jeté des bombes dans le bâtiment.”
Contacté par Jiemian, l’entrepreneur chinois Dong Hong livre également son témoignage. Patron d’une usine dans la zone industrielle de la banlieue ouest de Rangoon, il était en vacances dans son pays natal le soir du 14 mars quand il a été informé par ses salariés que le bâtiment avait été incendié. “Lorsque les assaillants ont attaqué l’usine, les ouvriers birmans se sont dispersés rapidement, et les quelques employés chinois restants n’ont pas pu résister”. Selon le patron, “vu le comportement de ces attaquants, ils n’avaient pas l’intention de blesser qui que ce soit, ils voulaient surtout faire du bruit”.
Sur le réseau social chinois WeChat, l’hebdomadaire hongkongais Fenghuang Zhoukan constate que, “alors que la situation devenait progressivement incontrôlable, non seulement des entreprises chinoises ont subi des pillages et des incendies ciblés, mais les attaques violentes contre des ressortissants chinois se sont également multipliées”.
Selon le magazine, “des Chinois locaux ne cessent d’envoyer des SOS sur WeChat : ‘Aidez-moi, j’ai été assiégé’, etc.” Wang Yue, Chinoise de Rangoon, a confirmé au journaliste que deux de ses amis ont été détenus la nuit du 14 mars par une vingtaine de personnes munies de couteaux et de bâtons. “Leur voiture a été endommagée, leurs téléphones portables confisqués. Jamais je n’ai vu une telle violence envers les Chinois depuis mon arrivée en Birmanie il y a onze ans”, déplore-t-elle.
Les entreprises du textile très touchées
Selon le tabloïd Huanqiu Shibao, 340 entreprises sont enregistrées auprès de la Chambre de commerce des entreprises chinoises de Birmanie. Le journal avance toutefois une estimation de 700 à 800 entreprises, “car certaines d’entre elles n’ont pas été enregistrées”. L’industrie du textile concerne à elle seule près d’un tiers de ces entreprises, “qui créent 400 000 emplois en Birmanie” et qui sont malgré tout les “cibles de ce vandalisme”.
Plusieurs médias chinois citent un message de Kyaw Win, dirigeant et fondateur du Burma Human Rights Network (BHRN), une ONG installée à Londres, avertissant sur Twitter que “pour chaque civil tué il y aura une usine chinoise réduite en cendres”. Ce message, certes menaçant, reflète un doute profond des manifestants birmans sur la main invisible de Pékin, qui soutiendrait l’armée birmane. Pourquoi certains Birmans déversent-ils leur colère sur les entreprises chinoises plutôt que contre la junte, responsable du coup d’État ? Xu Liping, chercheur à l’Institut de l’Asie-Pacifique de l’Académie chinoise des Sciences sociales, estime que, “d’une part, on ne peut pas exclure que certaines forces occidentales soient impliquées, et d’autre part, les manifestants birmans ont besoin de libérer leur colère. En attaquant les entreprises chinoises, ils tentent peut-être de forcer la Chine à faire pression sur l’armée birmane”, relate le site nationaliste chinois Guanchazhe.
Zhang Zhulin
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