Enedis justifie ce programme en invoquant une obligation qui lui est faite par la « loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte » du 17 août 2015, élaborée par Ségolène Royal (ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie) sous la houlette de François Hollande (président).
La peur d’une fronde populaire
Or il est absolument impossible d’organiser une affaire aussi gigantesque en quelques semaines. En réalité, cela fait des années qu’EDF et sa filiale préparent ce programme, les « dirigeants » politiques aux affaires le moment venu étant chargés de valider l’ensemble par une loi, pour donner l’impression qu’il s’agit d’une décision démocratique et pour qu’Enedis se dise « bien obligée d’obéir » et donc de procéder à l’installation des compteurs communicants…
Cette mise en scène s’explique par le fait que la direction d’Enedis est inquiète des possibles mouvements de résistance qui, dans d’autres pays, ont déjà marqué l’installation des compteurs communicants. Pour assurer le coup, une stratégie marketing est mise au point : le compteur communicant français d’électricité portera un petit nom sympa, Linky, et sera doté d’une couleur moderne, le vert fluo.
Il est certain que, avec le recul, les dirigeants politiques et industriels regrettent amèrement cette idée « lumineuse ». En effet, un compteur vert fluo est aisément reconnaissable et, surtout, il est bien plus efficace d’avoir un collectif appelé « Stop Linky » plutôt que « Non au nouveau compteur communicant d’électricité ».
Les raisons du refus
Nous nous contenterons ici de lister les raisons de refuser les compteurs Linky :
– destruction injustifiée de 35 millions de compteurs en parfait état de marche : un des pires programmes d’obsolescence délibérée de tous les temps, et ce d’autant que les Linky ont une durée de vie d’environ 5 à 7 ans, alors que les bons vieux compteurs électromécaniques peuvent durer jusqu’à 70 ans ! ;
– incendies parfois mortels [1] ;
– dysfonctionnements divers (appareils électroménagers détruits, contenus des congélateurs perdus, lampes qui s’allument n’importe quand, etc) ;
– problématique sanitaire (ondes) ;
– potentielle surveillance totale et totalitaire de la population (les belles promesses et assurances données actuellement, à savoir que les données récoltées ne seront jamais utilisées sans l’autorisation des habitants, seront balayées par un simple décret)
Voir de nombreux exemples de ces divers problèmes : [2]
Big brother
Il est notable que, lors du confinement de mars 2020 lié à la crise de la Covid-19, le très « démocrate » maire de Nice, M. Estrosi, a demandé à Enedis de répertorier, par le biais des compteurs Linky, les familles qui se seraient réfugiées dans leurs résidences secondaires. Cela n’a pas pu se faire cette fois car le programme Linky n’est pas achevé, mais il ne faut avoir aucun doute : très bientôt, tel Big Brother chez Orwell, les Linky seront utilisés pour « fliquer » l’ensemble de la population française. A nouveau, les belles assurances données par la CNIL (Commission nationale informatique et libertés) pourront être balayées par l’exécutif en quelques minutes, et les prétextes ne manqueront pas : pandémie, attentat terroriste, crise économique, etc.
Linky, programme anti-social
Notons que, même si Enedis et divers médias ont essayé de réduire la fronde anti-Linky au débat sur les ondes, les problématiques sont bien plus nombreuses. Par ailleurs, il est bien clair que le programme Linky est antisocial : après la pose du Linky, il est très fréquent que les factures d’électricité augmentent fortement. De même, les installations se mettent à disjoncter continuellement, obligeant à prendre un abonnement plus élevé… et donc plus cher. Par ailleurs, un des intérêts (pour Enedis) du programme Linky est de pouvoir supprimer des milliers d’emplois de releveurs de la consommation…
La « justice » administrative au secours du Linky
Il n’est donc pas étonnant que, dès 2016, les collectifs de résistance se sont rapidement multipliés partout en France. De même, près de mille municipalités ont adopté des délibérations s’opposant à la pose des Linky avec une légitimité incontestable puisque, spécificité du système électrique français, les réseaux basse tension, dont font partie les compteurs, appartiennent aux municipalités.
Certes, en quasi-totalité, les communes ont délégué leur compétence de distribution de l’électricité à un Syndicat départemental d’énergie (SDE), mais cela ne remet théoriquement pas en cause la propriété municipale des compteurs.
Enedis a immédiatement mobilisé son cabinet d’avocat pour attaquer les délibérations « anti-Linky » en justice administrative. Mais, aucun texte ne permettant de mettre en cause la position des communes, le cabinet d’avocat n’a pu trouver qu’un pauvre subterfuge : en « combinant » un certain article du code des collectivités territoriales et un autre du code de l’énergie, cela « démontrerait » que les compteurs appartiendraient en fait aux fameux SDE et non plus aux communes.
Enedis a ensuite mobilisé les préfets et sous-préfets - qui sont objectivement au service des industriels et non des citoyens - pour qu’ils attaquent en justice administrative, grâce à cette trouvaille, les délibérations anti-Linky. Ce qu’ils ont fait avec la plus grande obéissance.
Pourtant, en « combinant » dans tous les sens possibles ces fameux deux articles, on ne démontre… absolument rien. Pas de quoi refroidir l’enthousiasme des Tribunaux administratifs qui, tout aussi disciplinés que les préfets, ont repris dans un bel ensemble la ridicule « démonstration » du cabinet d’Enedis. Et ce jusqu’au Conseil d’Etat, instance suprême de la justice administrative, qui s’est lui-même aligné à l’été 2019 sur le subterfuge d’Enedis, confirmant ce que Tocqueville pensait déjà du Conseil d’Etat en 1868 ! [3]
Des centaines de délibérations ont ainsi été annulées, seules quelques dizaines, ayant été attaquées hors délais, ont pu subsister comme à Saint-Macaire (Gironde) ou Chauconin-Neufmontiers (Seine-et-Marne) [4]
Une mobilisation citoyenne dans tout le pays
Pour autant, les annulations de délibérations municipales n’empêchent en aucun cas chaque habitant de ce pays de s’opposer, individuellement ou en collectif, à la pose des Linky. Pourtant, il faut du courage et de l’obstination, en France, pour faire respecter ses droits face à Enedis… et surtout ses sous-traitants. En effet, ce ne sont pas les agents du service public qui ont été chargé de la pose des Linky mais des boites privées sans état d’âme car motivées par des bonus généreusement offerts - avec notre argent (**) - par Enedis : plus elles posent de Linky, plus elles gagnent !
Les méthodes de voyous d’Enedis et de ses sous-traitants
On compte parmi ces boites de véritables voyous comme Solution 30, délocalisée au Luxembourg pour « optimisation fiscale » et accusée de liens avec la mafia et de comptabilité malhonnête [5].
Mais, globalement, ce sont tous les sous-traitants qui se livrent depuis 5 ans dans toute la France, avec la bénédiction d’Enedis, à une campagne de mensonges, de menaces, de poses forcées par intimidation, par ruse, par effraction, etc.
Les mensonges les plus courants sont : « Si vous ne prenez pas le Linky, on va vous couper l’électricité » ou « On va appeler la police », ou « Vous allez payer des amendes » ou « On vous obligera plus tard à prendre le Linky et alors vous devrez le payer et payer son installation », etc. Or tout ceci est totalement impossible juridiquement, mais la plupart des gens ne le savent pas, en particulier les personnes âgées qui sont très nombreuses à être ainsi intimidées, et souvent même terrorisées.
Les méthodes utilisées ne sont pas plus reluisantes : violations de propriétés, effractions, destruction de biens (il est illégal de briser les protections installées pour empêcher la pose du Linky, comme l’a rappelé le jugement du tribunal de La Rochelle du 20 juin 2017 [6], violences physiques [7], coupure totalement illégale de l’électricité [8] etc.
Une résistance partie pour durer
En 2021, le programme d’installation des Linky touche à sa fin mais il y a énormément de « trous dans la raquette », aussi Enedis tente désormais de réduire le nombre de récalcitrants par deux biais :
– renvoyer de temps en temps ses sous-traitants à la charge, souvent avec de nouveaux mensonges comme par exemple « Une loi vient d’être votée, cette fois vous ne pouvez plus échapper au Linky ».
– profiter de tout évènement pour tenter de mettre un Linky : déménagement, réouverture d’une habitation non occupée, panne d’un compteur, avec un chantage ignoble : « Si vous ne prenez pas le Linky, on ne vous remet pas l’électricité ». Et là aussi avec des mensonges comme « Il est malheureusement impossible de remettre votre compteur en marche, il faut donc le changer, et il ne nous reste plus que des Linky ». Cette stratégie est mensongère et illégale (la mission première d’Enedis est de raccorder les gens au réseau d’électricité) et elle est régulièrement mise en échec par les habitants par le recours aux médias locaux pour dénoncer ce chantage abject.
Malgré ces actes indignes du service public, les compteurs ordinaires sont conservés par des centaines de milliers de personnes, peut-être des millions : seul Enedis connait les vrais chiffres et prétend que les taux de refus sont infimes, ce qui est assurément un nouveau mensonge. Cette résistance est partie pour durer : installés par le service public (EDF, ErDF ou Enedis suivant les années), les compteurs ordinaires restent et resteront légaux, et il est possible de les conserver encore de longues années, voire des décennies. Peut-être bien jusqu’au jour où, si un vrai service public est rétabli en France, les Linky seront désinstallés…
Stéphane Lhomme
Directeur de l’Observatoire du nucléaire
Animateur de http://refus.linky.gazpar.free.fr