Comment vivez-vous cette campagne ?
Je fais mon travail, j’essaie de démontrer que l’étalon de l’intérêt de la société pour l’écologie, ce sera le score des Verts. Et que si la seule candidate à porter haut et fort la bannière de l’écologie fait 1 ou 2 % des voix, le message sera limpide pour les candidats du deuxième tour : ils pourront négliger l’écologie dans les cinq ans qui viennent. Car des Verts à 1 %, ce sera le réacteur EPR, des incinérateurs partout, des OGM en plein champ, pas d’argent pour les énergies renouvelables, mais beaucoup pour les autoroutes. On prendra du retard par rapport aux autres pays européens et aux Etats-Unis. On adore détester les Américains au prétexte qu’ils n’ont pas ratifié le protocole de Kyoto ; mais la réalité, c’est aussi que les budgets de recherche, de formation professionnelle et de financement des nouvelles technologies aux Etats-Unis sont sans commune mesure avec ce que nous faisons.
Quelles sont vos priorités ?
J’ai quatre priorités. On doit affronter la révolution écologique et les effets du réchauffement climatique. Ce n’est pas un problème technique, mais une question de civilisation, de changement d’imaginaire. Car aucune activité humaine, aucune communauté et aucun territoire ne seront épargnés. Ma deuxième priorité, c’est de faire reculer la pauvreté et la précarité. L’écologie est riche en emplois plus responsables, non délocalisables, de niveaux de formation variés. Ma troisième priorité : la place de la France dans l’Europe et dans le monde. Je trouve préoccupant que l’on n’ait pas parlé de la relance de l’Europe dans cette campagne. Le dernier point, c’est la démocratie et la VIe République. Je suis pour des mesures assez fortes, comme le non-cumul des mandats, un Parlement au rôle revalorisé, un Sénat qui deviendrait une chambre des régions.
Comment réagissez-vous aux appels au vote utile ?
Il y a une sorte de terreur du 21 avril. Mais je constate que le FN est une bête goulue qui se nourrit de trente ans de crise et de renoncements, de la droite comme de la gauche. Est-ce que la gauche a fait son boulot ? Non. Est-ce qu’elle peut le faire ? Je l’espère. Observer qu’à une semaine du scrutin, Bayrou est à un niveau élevé et que ce sont des électeurs de Royal qui sont tentés par le vote UDF devrait conduire à réexaminer la stratégie du vote utile. Ne serait-il pas plus intéressant pour le PS d’aller rechercher ses électeurs en vadrouille, plutôt que de culpabiliser les différentes composantes de la gauche ? Chaque candidat doit faire son travail et mobiliser son électorat. Se laisser piéger et culpabiliser par la perspective d’un second tour sans candidat de gauche nous mettrait dans la situation de n’avoir aucune réserve de voix pour le 6 mai. C’est une perspective perdante.
Les autres candidats ont-ils intégré les thématiques environnementales ?
On a pu penser au moment du débat sur le Pacte écologique de Nicolas Hulot qu’ils avaient pris conscience de la réalité des problèmes. La démonstration est faite que non. Que reste-t-il dans les discours et les propositions concrètes, deux mois après ? Rien.
Vous en voulez à Hulot ?
Non. La leçon que je tire de tout ça, c’est que le poids des états-majors des partis, soulagés d’en avoir fini avec l’écologie, a été supérieur à la volonté de débattre. Nicolas Hulot est un peu désolé de ce qui se passe. Moi aussi, mais je fais avec. Aujourd’hui, tout le monde est d’accord pour mettre en place une taxe carbone. Est-ce qu’on nourrit l’illusion que ce n’est pas un sujet conflictuel ? Je n’ai pas cette illusion. Nicolas Hulot l’avait sans doute, et pensait qu’il suffisait de convaincre de la nécessité de changer. Mais il faut s’en donner les moyens. Mettre en place une taxe carbone, ça veut dire négocier avec les professionnels les agriculteurs, les transporteurs routiers, les pêcheurs, les associations de locataires les moyens qui permettent de se reconvertir et qui permettent aux usagers les plus modestes de ne pas supporter de contraintes supplémentaires.
Pour cela, il faut un vice-Premier ministre ?
Ce qui compte, c’est la ténacité et la force du Premier ministre pour mettre en musique un projet. Mais si l’idée est de donner à un vice-Premier ministre une capacité d’arbitrer les décisions qui ont un impact sur l’environnement et les territoires, c’est peut-être une bonne chose. Je suis pour un vice-Premier ministre et un ministre de l’Environnement, plusieurs ministres Verts et un groupe parlementaire. Car on ne peut faire peser sur une seule personne le soin de faire respecter les engagements.
Ça pourrait être vous en cas de victoire de la gauche ?
Je fais partie des gens qui fantasment moins que d’autres sur les postes ministériels, car je l’ai déjà fait. Je ne participerai pas à un gouvernement qui ne reviendrait pas sur la décision de construction de l’EPR, qui ne dirait pas qu’il faut cantonner les OGM à de la recherche en milieu confiné et non pas en plein champ. J’aimerais que ces débats aient lieu. Mais dans cette campagne, le fait de demander à Ségolène Royal si elle entend généraliser les 35 heures à l’ensemble des entreprises est déjà un crime qui vous expose à laisser penser que vous préféreriez revivre le 21 avril. Demander s’il n’est pas temps, pour financer les services publics et faire reculer la pauvreté, de revenir sur les baisses d’impôts, c’est déjà attaquer la candidate socialiste.
Vous en voulez à Bové ?
Je suis surtout désolée de voir qu’il n’est pas venu à nos journées d’été sous prétexte que nous avions invité Hulot, puis de l’entendre dire aujourd’hui qu’il le prendrait comme Premier ministre pour lorgner les voix écolos.
Y a-t-il eu un moment où vous vous êtes dit : ça ne vaut pas la peine ?
Ça a été difficile tous les jours. Et ce le sera jusqu’au 22 avril. Mais je veux que les Verts se donnent tous les moyens d’être en responsabilité, à tous les niveaux. Sans abandonner les luttes.