Pornhub se vante d’être la face joyeuse du porno, le site qui se paye un panneau d’affichage à Times Square et met à disposition des chasse-neige pour nettoyer les rues de Boston. Il fait des dons à des organisations qui se battent contre les inégalités raciales et se targue d’offrir gratuitement des contenus torrides pour aider les gens à supporter les confinements.
Ce site porno attire 3,5 milliards de visites par mois, plus que Netflix, Yahoo ou Amazon. Il encaisse l’argent d’annonces publicitaires qui apparaissent près de 3 milliards de fois par jour. Pornhub vient même d’être classé comme le dixième site le plus visité au monde.
Viols et agressions
Mais il y a une autre face : ce site est infesté de vidéos de viols. Il se fait de l’argent avec des viols d’enfants, du revenge porn, des images volées de femmes sous la douche, des contenus racistes et misogynes, des vidéos de femmes se faisant étouffer dans des sacs plastiques. En recherchant en anglais des mots-clés comme “filles moins 18” ou “14 ans”, on obtient chaque fois plus de 100 000 vidéos. Si la plupart d’entre elles ne montrent pas des agressions, beaucoup trop le font.
En Floride, une mère a trouvé sur Pornhub sa fille de 15 ans portée disparue – dans 58 vidéos sexuelles. Plusieurs agressions sexuelles d’une jeune Californienne âgée de 14 ans ont été postées sur Pornhub et signalées aux autorités non pas par le site, mais par un de ses camarades de classe. Dans les deux cas, les agresseurs ont été arrêtés, certes, mais Pornhub n’a pas été poursuivi pour avoir partagé les vidéos et en avoir tiré profit.
Pornhub, comme YouTube, permet aux gens de poster leurs propres enregistrements. Une grande majorité des 6,8 millions de nouvelles vidéos envoyées chaque année sur le site implique vraisemblablement des adultes consentants, mais beaucoup d’entre elles montrent des agressions de personnes majeures et mineures. Il est impossible de déterminer avec certitude si un jeune qui apparaît sur une vidéo a 14 ou 18 ans ; ainsi, personne ne sait exactement, pas même Pornhub, combien de ces contenus sont illégaux.
Contrairement à YouTube, Pornhub autorise ses utilisateurs à télécharger ses vidéos. Aussi, même lorsqu’une vidéo de viol est retirée à la demande des autorités, il est souvent déjà trop tard : elle continue d’être postée encore et encore.
“Pornhub est mon proxénète”, m’a raconté une femme du nom de Cali. Née en Chine, elle a été adoptée aux États-Unis, où sa famille adoptive l’a forcée à tourner dans des vidéos pornographiques à partir de l’âge de 9 ans. Certaines vidéos ont fini sur Pornhub et y réapparaissent régulièrement.
Aujourd’hui, à 23 ans, elle poursuit des études et espère devenir un jour avocate. Mais ces vieilles vidéos sont toujours là. “Je ne m’en sortirai peut-être jamais. Peut-être que quand j’aurai 40 ans, huit enfants, il y aura toujours des gens qui se masturberont devant mes images. Si vous cherchez ‘jeune Asiatique’, vous me trouverez probablement.”
Pas forcément. Quand on tape “young Asian”, Pornhub propose 26 000 vidéos. Ce chiffre n’inclut pas les résultats proches suggérés par le site, comme “très jeune ado”, “très jeune ado asiatique” ou juste “jeune fille”. Il ne prend pas non plus nécessairement en compte les vidéos de la chaîne de Pornhub “Ados exploités Asie”.
Le problème du consentement
Le problème, ce n’est pas la pornographie, mais le viol. Il est tout simplement scandaleux et répréhensible de promouvoir les violences sexuelles sur des enfants et les relations non consenties. Le problème avec le comédien Bill Cosby, le producteur Harvey Weinstein ou le financier Jeffrey Epstein, ce n’est pas le sexe, mais l’absence de consentement. Idem avec Pornhub.
Sur Pornhub, je suis tombé sur de nombreuses vidéos d’agressions de femmes et de jeunes filles inconscientes. On y voit les violeurs ouvrir leurs paupières et toucher leurs globes oculaires pour montrer qu’elles ne réagissent pas.
Cet automne, la plateforme a également gagné de l’argent avec la vidéo d’un gang en train de torturer une femme, en Chine. Il s’enrichit régulièrement avec des compilations de vidéos aux titres comme “Ado qui hurle” et “Suffocation extrême”.
La direction de Pornhub a refusé de répondre à nos questions, mais elle a publié une déclaration : “Pornhub est engagé sans équivoque dans la lutte contre les images d’abus sexuels d’enfants et a mis en place une vaste politique de confiance et de sécurité, sans égale dans le secteur, pour identifier et éradiquer les contenus illégaux de notre communauté.” Le géant du porno ajoute qu’il “est irresponsable et faux” d’affirmer qu’il diffuse des vidéos d’enfants.
Le “cas” Serena
À 14 ans, Serena K. Fleites était une élève de 4e douée de la ville de Bakersfield, en Californie, et n’était jamais sortie avec un garçon. Elle s’est amourachée d’un élève qui avait un an de plus qu’elle, et qui lui a demandé de lui envoyer une vidéo d’elle, nue. Serena l’a fait. Sa vie a basculé.
Il en a demandé une autre, puis une autre. Serena était gênée, mais flattée. “C’est là que j’ai commencé à sentir des regards étranges à l’école”, se souvient-elle. Il avait partagé les vidéos avec d’autres garçons et quelqu’un les avait postées sur Pornhub.
Le monde de Serena a implosé.
Le garçon a été renvoyé du collège, mais Serena a commencé à sécher les cours parce qu’elle avait honte. Sa mère a réussi à convaincre Pornhub de retirer les vidéos de sa fille et elle a changé Serena d’école. Mais des rumeurs l’ont suivie jusque dans son nouvel établissement, et les vidéos n’ont pas tardé à être de nouveau postées sur Pornhub.
Serena se disputait de plus en plus avec sa mère et elle s’est mise à se scarifier. Un jour, elle a avalé tous les antidépresseurs qu’elle avait trouvés dans la boîte à pharmacie. Trois jours après, elle s’est réveillée à l’hôpital, abattue, mais toujours vivante. Plus tard, elle a essayé de se pendre dans la salle de bains ; c’est sa petite sœur qui l’a trouvée.
Une fois, un ami lui a donné de la méthamphétamine et des opioïdes ; elle est devenue accro aux deux. Elle a quitté l’école et s’est retrouvée à la rue. À 16 ans, elle a déposé des petites annonces sur Craigslist pour vendre des photos et des vidéos la montrant nue. C’était une manière de se faire un peu d’argent, et peut-être de se punir.
Ces vidéos-là ont aussi fini sur Pornhub. Par la suite, elle a demandé au site de les supprimer. La plupart l’ont été, explique-t-elle, mais elles ont de nouveau été mises en ligne. Une vidéo réalisée lorsqu’elle avait 14 ans totalise 400 000 vues, et Serena ne veut pas postuler pour un job dans un fast-food de peur que quelqu’un ne la reconnaisse.
Aujourd’hui, à 19 ans, Serena n’a pas touché à la drogue depuis un an, mais elle est traumatisée et sans emploi. Elle vit dans sa voiture, avec ses trois chiens, à Bakersfield. Elle rêve de devenir vétérinaire, mais ne sait pas comment s’y prendre. “Une vie entière peut basculer à cause d’une seule petite erreur.”
Pédopornographie en ligne
Le problème va bien au-delà de Pornhub. Son concurrent XVideos, qui semble avoir moins de scrupules, attire peut-être encore plus de visiteurs. Et des contenus pédophiles apparaissent également sur de grands sites comme Twitter, Reddit et Facebook.
Quant à Google, il soutient des entreprises qui prospèrent grâce à des agressions sexuelles d’enfants. Le géant de la Silicon Valley propose en effet quelque 920 millions de vidéos pour une recherche “young porn”. Parmi les premiers résultats, une vidéo de XVideos d’une “très jeune ado” nue, ainsi qu’une vidéo de Pornhub dont le titre est trop obscène pour être cité dans cet article.
En 2015, le Centre national pour les enfants disparus et exploités a reçu 6,5 millions de signalements de vidéos et autres contenus pédophiles ; en 2017, 20,6 millions ; en 2019, 69,2 millions.
Cette année, en l’espace de trois mois, Facebook a supprimé 12,4 millions d’images liées à l’exploitation d’enfants. L’an dernier, en l’espace de six mois, Twitter a fermé 264 000 comptes impliqués dans l’exploitation sexuelle d’enfants.
Pornhub se défend en disant que l’Internet Watch Foundation, une ONG anglaise qui lutte contre les contenus pédophiles en ligne, ne fait état que de 118 cas d’images pédophiles sur son site en près de trois ans – des chiffres infimes. La fondation ne s’explique pas cette bizarrerie. Peut-être les utilisateurs de Pornhub sont-ils tellement habitués à ce genre de choses qu’ils ne les signalent plus ? Reste qu’en l’espace de trente minutes, on trouve sur Pornhub des centaines et des centaines de vidéos d’agressions sexuelles manifestes d’enfants. Dernièrement, le site proposait même des listes de lecture avec des titres comme “Moins de 18 ans”, “Best of jeunes garçons” et “Mineurs”.
Des autorités passives
Aux États-Unis, le Congrès et les présidents successifs n’ont quasiment rien fait pour lutter contre ce problème grandissant. Et dans sa majorité, le monde des nouvelles technologies se montre passif, voire sur la défensive.
Cela dit, Pornhub suscite de plus en plus de polémiques. Une pétition appelant à sa fermeture a reçu 2,1 millions de signatures. Le sénateur républicain du Nebraska Ben Sasse a demandé au ministère de la Justice américain d’ouvrir une enquête sur le site. PayPal a cessé de travailler avec Pornhub, et toutes les sociétés de cartes de paiement ont été invitées à faire de même. Une campagne baptisée Traffickinghub qui a rapporté d’innombrables abus exige la fermeture de la plateforme. Et au Canada, 20 membres du Parlement pressent leur gouvernement de prendre des mesures contre Pornhub, qui est basé à Montréal.
“Ils se font de l’argent avec ma souffrance”, m’a confié Taylor, 18 ans. Un de ses petits amis avait secrètement filmé une relation sexuelle avec elle lorsqu’elle avait 14 ans, et cette vidéo a fini sur Pornhub. “Le lendemain, à l’école, tous les élèves avaient les yeux vissés sur leurs téléphones et m’ont dévisagée quand je suis passée dans le couloir”, poursuit-elle en pleurant. “Ils riaient.” Humiliée et traumatisée, Taylor a essayé de se suicider deux fois.
Mindgeek, mastodonte porno établi au Canada
Pornhub appartient à Mindgeek, une multinationale spécialisée dans la pornographie qui possède une centaine de sites Internet (dont RedTube, Youporn, Xtube, SpankWire, ExtremeTube, etc.), de studios de production et de marques. Il existe d’autres grandes entreprises pornographiques, notamment XHamster et XVideos, mais Mindgeek est le mastodonte du secteur. S’il opérait dans un autre domaine, le ministère américain de la Justice pourrait envisager de faire valoir la loi antitrust contre lui.
Pornhub et Mindgeek sortent aussi du lot par leur influence. Selon une étude réalisée cette année par une société de marketing numérique, Pornhub est le géant des technologies qui, après Facebook et Google, a le plus grand impact sur la société au XXIe siècle.
Alors que la société est domiciliée au Luxembourg pour des raisons fiscales, le siège de Mindgeek est installé à Montréal. L’entreprise refuse de divulguer le nom de son ou ses propriétaires, mais elle est dirigée par deux Canadiens, Feras Antoon et David Tassillo – qui ont décliné notre demande d’interview.
Le Premier ministre du Canada, Justin Trudeau, se dit féministe et se targue du travail de son gouvernement en faveur des femmes du monde entier. Alors pourquoi le Canada abrite-t-il une entreprise qui diffuse des vidéos de viols aux quatre coins du monde ?
Les modérateurs de l’impossible
Mindgeek emploie une équipe de modérateurs chargés de filtrer les vidéos d’enfants, or, son modèle économique profite de ces vidéos d’enfants. “L’objectif des modérateurs est de laisser passer le plus de contenus possible”, m’a confié un ancien employé de Mindgeek. À ses yeux, les dirigeants du groupe ne sont pas nécessairement de mauvaises personnes ; ils veulent simplement maximiser leurs profits.
Pornhub ne souhaite pas communiquer le nombre de modérateurs qu’elle emploie. L’un d’entre eux m’a rapporté que Mindgeek en compte environ 80 à l’échelle mondiale (à titre de comparaison, Facebook a 15 000 modérateurs). Avec 1,36 million d’heures de nouvelles vidéos postées sur Pornhub chaque année, cela signifie que chaque modérateur doit visionner plusieurs centaines d’heures de contenus chaque semaine. Les modérateurs font souvent défiler les vidéos en accéléré. Et il est généralement difficile de déterminer si une personne a 14 ou 18 ans, ou si des actes de torture sont réels ou simulés. La plupart des mineurs sont des adolescents, mais certains contenus réalisés avec une caméra-espion dans des toilettes ou des vestiaires montrent des enfants de 8 ou 12 ans à peine. “C’est un boulot qui détruit l’âme”, m’a lâché le modérateur.
Pornhub semble de plus en plus s’inquiéter d’éventuelles poursuites au civil, voire au pénal. Plusieurs avocats lui tournent autour. Neuf femmes poursuivent la société pour avoir diffusé des vidéos d’elles filmées par une caméra-espion. Ces images les montrent en train de se doucher et de se changer dans les vestiaires du Limestone College, en Caroline du Sud.
Par le passé, les dirigeants de Pornhub partaient du principe qu’ils bénéficiaient d’une immunité au titre de la section 230 du Communications Decency Act [loi sur la décence des communications], qui protège les plateformes Internet où des gens postent des contenus. Mais, en 2018, le Congrès a limité la section 230 de sorte qu’elle ne protège plus forcément Mindgeek, qui a en conséquence amélioré son comportement. Ces deux dernières années, Mindgeek a doublé le nombre de ses modérateurs et, cette année, Pornhub a pour la première fois signalé spontanément des contenus illégaux au Centre national pour les enfants disparus et exploités.
Zoophilie, scatologie et mutilations
Pornhub a également dressé une liste de contenus interdits, qui vise les vidéos avec des termes ou des thèmes comme “viol”, “préado”, “pédophilie” et “zoophilie” (en précisant que cela inclut “les anguilles, poissons, poulpes et insectes”). Les couches, OK, “à condition qu’il ne s’agisse pas de pratiques scatophiles”. Certaines mutilations sont admises en fonction du contexte, mais il est interdit de montrer quelqu’un en train de “couper des parties du corps d’une personne”.
Aujourd’hui, si Pornhub ne donne plus de résultats lorsqu’on recherche en anglais des termes comme “mineur” ou “viol”, il n’a pas fait grand-chose pour éliminer ces vidéos. Par exemple, il autorise le membre dont le pseudonyme est “13yoboyteen”, c’est-à-dire “garçon de 13 ans”, à poster des vidéos. La recherche “r*pe” [“vi*l”] donne encore 1 901 vidéos. Et la recherche “13yo” [“13 ans”] en génère 155 000. La plupart ne montrent en réalité pas des jeunes de 13 ans, mais pourquoi Pornhub met en avant ces termes si ce n’est pour attirer des pédophiles ?
Tandis que la plateforme prête de plus en plus d’attention aux vidéos d’Américaines et d’Américains, qui pourraient la poursuivre en justice, elle reste très cavalière avec les victimes qui vivent à l’étranger. Une vidéo indonésienne intitulée “Collégienne après les cours” montre des rapports sexuels d’une personne qui semble bel et bien être une jeune adolescente. Une vidéo chinoise, qui vient d’être retirée, était présentée ainsi : “Magnifique lycéenne emmenée par des camarades de classe en haut d’un bâtiment où ils l’insultent et la violent”.
“Ils se font de l’argent avec le pire moment de ma vie, avec mon corps”, m’a déclaré une adolescente colombienne. À 16 ans, deux Américains l’ont payée pour avoir des rapports sexuels, qu’ils ont filmés puis postés sur Pornhub. Elle aussi fait partie des victimes de Pornhub qui m’ont dit avoir pensé au suicide ou tenté de se suicider.
Pour les victimes, une souffrance interminable
“Ces images resteront toujours en ligne”, m’a confié Nicole, une femme britannique qui apparaît nue dans des vidéos indéfiniment postées et repostées sur Pornhub. “J’ai très peur d’avoir des enfants, qu’ils voient ça.” C’est un thème récurrent chez les victimes : un viol a une fin ; Pornhub rend la souffrance interminable. Nicole a 15 ans sur les vidéos d’elles qui ont été mises en ligne. Aujourd’hui, elle en a 19, et cela fait deux ans qu’elle essaie de les faire retirer.
“Pourquoi des vidéos qui me montrent quand j’avais 15 ans, obtenues sous la menace, pourquoi ces images de pédopornographie sont-elles continuellement repostées ?” L’an dernier, Nicole a envoyé à Pornhub ce message : “Vous devez améliorer votre système. […] J’ai essayé de me tuer plusieurs fois en voyant que mes vidéos avaient de nouveau été publiées sur votre site.”
Pornhub a mis en place une technologie “fingerprint” censée marquer les vidéos de viol et empêcher qu’elles soient de nouveau partagées. Mais cette technologie s’avère très facile à contourner.
La plateforme a provoqué dernièrement de nombreux scandales, dont un qui implique le studio de production Girls Do Porn. Celui-ci a recruté plusieurs jeunes femmes pour des missions de mannequinat habillé. Ensuite, il les a poussées à réaliser des vidéos pornographiques, leur assurant qu’elles seraient exclusivement diffusées à l’étranger, sous la forme de DVD, et qu’elles ne seraient jamais publiées en ligne. Certaines jeunes femmes ont accepté. Or, les images ont été publiées sur Pornhub.
Girls Do Porn, poursuivi pour traite d’êtres humains à des fins d’exploitation sexuelle, a fermé. Mais ces vidéos continuent, encore et encore, de refaire surface sur Pornhub. Une des femmes en est morte. Elle a été assassinée à 20 ans par un ex-petit ami en colère.
Je pensais que les victimes de Pornhub voudraient faire fermer le site et envoyer ses dirigeants en prison. C’est le cas de certaines, mais d’autres sont plus nuancées. Lydia, qui a aujourd’hui 20 ans, a été abusée sexuellement quand elle était enfant et beaucoup de vidéos d’elle ont été postées sur le site. “J’ai tout le temps mal au ventre, m’a-t-elle dit, je ne suis pas contre le porno. Je veux juste que l’on arrête de faire du mal à des enfants.”
Je demande à Leo, 18 ans, ce qu’il suggère. De nombreuses vidéos filmées quand il avait 14 ans ont été postées sur Pornhub. “C’est difficile à dire. Je pense qu’il faudrait laisser le porno aux studios de production professionnels” – qui demandent des preuves de l’âge et du consentement des personnes.
À l’heure actuelle, ces studios professionnels ne font pas le poids face à des sites essentiellement gratuits comme Pornhub et XVideos. “Pornhub a détruit le modèle économique des sites payants”, explique Stoya, une actrice et réalisatrice adulte. Elle pense aussi que toutes les plateformes, depuis YouTube jusqu’à Pornhub, devraient demander des preuves du consentement des personnes qui apparaissent dans les vidéos qui sont partagées.
Pas de solution miracle
Malheureusement, si Pornhub se mettait à surveiller de plus près ses vidéos, les contenus les pires risqueraient de migrer vers le dark web ou des sites implantés dans des pays moins réglementés. Mais, au moins, ils ne seraient pas banalisés sur un site qui a pignon sur rue.
Il n’existe pas de solution miracle. Cela étant, en plus de limiter l’immunité des sites pour les pousser à mieux se comporter, les trois mesures suivantes me paraissent souhaitables : n’autoriser que les utilisateurs vérifiés à poster des vidéos, interdire les téléchargements et intensifier la modération.
Ces mesures ne tueraient pas le porno et n’importuneraient pas tellement ses consommateurs. Siri Dahl, une star du porno qui travaille avec Pornhub, trouve ces propositions “extrêmement raisonnables”.
Le monde ne fait guère de cas des violences sexuelles infligées aux enfants, depuis celles perpétrées au sein l’Église catholique jusqu’à celles des scouts. Et c’est avec beaucoup de retard que nous traduisons en justice des individus comme Jeffrey Epstein ou comme le chanteur R. Kelly [accusé de pédophilie]. Mais nous devons aussi nous opposer aux entreprises qui exploitent de façon systématique les enfants. Pornhub, c’est Jeffrey Epstein multiplié par 1 000.
Nicholas Kristof
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