“Étonnante nouvelle au XXIe siècle en provenance du Turkménistan : le pays souffre d’une grave pénurie de produits alimentaires”, informe le journal russe en ligne Vzgliad. Mais les autorités de ce pays – parmi les plus fermés au monde – ne le reconnaissent pas officiellement.
Depuis le printemps, pour les produits alimentaires de base, les Turkmènes reçoivent des bons de rationnement. Mais, en six mois, “la ration individuelle a été divisée par deux”. Conséquence : depuis le début d’octobre, pour acheter sucre, huile végétale, lait, riz et cigarettes, de longues files d’attente serpentent, des heures durant et même la nuit, devant les magasins d’État où les prix sont fixes et bas. Dans les commerces privés, les prix sont inabordables pour la majorité de la population.
Selon le site Turkmen News,, dans la région de Mary, une famille a le droit d’acheter, deux fois par mois, un litre d’huile végétale, 2-3 cuisses de poulet, 5 kg de farine de blé, 1,5 kg de légumes “de piètre qualité” et 1 kg de sucre.
“C’est comme un retour vers le passé soviétique” de la pénurie totale de tout, observe Vzgliad. “Même le Tadjikistan voisin, pays pauvre, n’a pas connu de telles situations”, s’étonne le journal, aussi se demande-t-il comment le Turkménistan, “pays de seulement cinq millions d’habitants et doté de réserves de gaz gigantesques”, a pu en arriver là.
Une forte dépendance aux importations
Les experts évoquent trois raisons : une gouvernance économique inefficace et incompétente, la baisse drastique des prix des hydrocarbures sur les marchés mondiaux, et une très forte dépendance aux importations de produits alimentaires, dans un pays dont 80 % du territoire est occupé par le désert de Karakoum. La totalité du gaz turkmène – principal poste d’exportation – est vendue à la Chine, qui dicte les prix et ne se presse pas d’augmenter le volume acheté.
En fermant ses frontières dans le contexte de la pandémie de Covid-19,, Achgabat ne peut plus importer de produits alimentaires (à bas prix) depuis l’Iran voisin. En revanche, selon le journal Khronika Tourkmenistana, en 2020, les achats par le Turkménistan de produits de base ont augmenté auprès de la Russie et d’autres pays postsoviétiques. Mais cela ne semble visiblement pas suffire à combler le déficit.
Le président a d’autres occupations
“Le modèle économique turkmène est au bord du gouffre”, alerte Vzgliad. Mais le président, Gourbangouly Berdymoukhammedov, n’en a cure. Comme le rapporte le site d’information sur le Caucase Vesti Kavkaza, le 13 novembre, dans un nouveau quartier huppé de la capitale turkmène, lors d’une cérémonie solennelle, avec chants et danses, il a inauguré un monument doré de 15 mètres de hauteur à la gloire du berger d’Asie centrale (alabaï), une race de chien endémique.
Après avoir écrit un livre et une chanson sur la célèbre race de chevaux turkmènes akhal-teke, le président, dentiste de formation mais poète, écrivain, musicien et chanteur à ses heures, s’est fendu d’un opus et d’une chanson sur l’alabaï. Il estime nécessaire de “montrer ainsi le respect de la nation pour ce chien digne et sûr de lui, connu pour son courage et son grand cœur”.
Alda Engoian
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