Parmi les nombreux fronts ouverts, il y en a qui suscitent une vive inquiétude parmi les dirigeants du MAS et le nouveau président bolivien. C’est la résistance des groupes d’extrême droite qui tournent autour du Comité civique de Santa Cruz de la Sierra et de Luis Camacho, qui a reçu son investiture avec des blocus et des manifestations et refusant de reconnaître le résultat électoral, dénonçant une fraude présumée dans le plus pur style Trump.
Les relations du MAS avec l’est du pays, qui est la région la plus riche du pays, ont été conflictuelles pendant les 14 années du gouvernement d’Evo Morales. Ce vaste pan du territoire national qu’on surnomme « Media Luna » (la demi-lune) a piloté une tentative de coup d’État stoppée par Unasur en 2008 et qui est revenue au premier plan avec le renversement du gouvernement du MAS en 2019. Pour Arce, les questions se multiplient : comment confronter ces secteurs réactionnaires ? Comment les isoler, établir des liens avec les secteurs d’opposition les plus modérés ? Sans oublier le rôle des États-Unis dans l’équation, que Arce espère plus accommodant si Bident parvient effectivement à la présidence.
L’autre front complexe est l’armée. Les forces armées ont joué un rôle décisif dans le coup d’État contre Evo lorsqu’elles ont décidé de « suggérer » la démission du président, au milieu des protestations de la police et des classes moyennes urbaines qui ont précédé le coup d’État. Evo avait réussi à subordonner l’armée sans trop de heurts lors de sa prise de fonction en 2005, mais cette relation s’est progressivement érodée jusqu’à atteindre un point de non-retour en 2019. Arce doit effacer cette bombe à retardement en imposant la retraite aux plus hauts gradés les plus engagés avec la droite. Il restera un autre défi, soit celui des poursuites légales contre les responsables des massacres ordonnés par l’ancien régime.
Un autre scénario conflictuel l’ttend sur le front économique. Marxiste et keynésien, l’ancien ministre de l’Économie d’Evo doit encore une fois montrer ses talents dans un contexte moins favorable que celui de 2005. Les prix des matières premières que la Bolivie exporte ne sont plus ce qu’ils étaient. Et les réserves de gaz, qui étaient essentielles pour stimuler le développement et la distribution des richesses sous Evo, montrent des signes d’épuisement.
Comme si cela ne suffisait pas, la pandémie a aggravé la récession économique. La gestion d’Añez dans ce domaine a été désastreuse. L’achat de respirateurs a été parsemé d’affaires de corruption et le pays ne dispose pas des ressources ou des infrastructures adéquates pour faire face à l’urgence sanitaire. La pandémie étant toujours en action, le nouveau président devra mettre de l’ordre dans un système de santé fragilisés tandis que l’opposition tentera de politiser la question en refusant de se plier aux mesures de prévention et d’isolement.
Enfin, Arce devra faire face à un problème qui a un prénom et un nom : Evo Morales. Celui-ci ne semble pas très disposé à abandonner les feux de la rampe, même si dans ses récentes déclarations, il a affirmé qu’il ne voulait pas entravé le travail de son successeur. Le choix d’Arce et de Choquehuanca comme formule gagnante était une décision magistrale de l’ancien président, ce qui a permis au MAS de regagner le vote des classes moyennes inférieures et des autres secteurs que le MAS avait perdus ces dernières années. En ce moment, ce n’est pas clair si Evo veut réellement laisser la place.
Aux frontières, le Brésil radicalisé de Jair Bolsonaro apparaît comme le dernier fantôme auquel le nouveau président devra faire face. Lula a joué dur pour arrêter les tentatives séparatistes de l’est en 2008. Au contraire, Bolsonaro s’est déplacé pour précipiter la chute d’Evo en 2019. Dans une région secouée par la crise économique envenimée par la pandémie, Arce devra apparaître comme le bon capitaine capable de naviguer à travers la tempête en montant sur un bateau où n’y a pas beaucoup de gilets de sauvetage.
Oscar Guisoni
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