Il était impossible que sur 12 millions d’élèves, dès 2 ans et demi en petite section de maternelle et mineurs pour l’écrasante majorité, on ne puisse pas relever des entorses, des résistances, des propos absurdes d’enfants, car quoi qu’ils en disent en haut lieu, ce sont des enfants. Par exemple, des comportements tout à fait anodins pour des enfants (rires ou agitations pendant l’hommage) sont jugés déviants et ont conduits à des signalements, faisant entrer ces enfants dans une machine répressive infernale. Evidemment, comme après l’attentat de Charlie Hebdo en 2015 à l’occasion d’une autre minute de silence, la focale médiatique se place sur ceux et celles que France Culture avait nommés « les enfants perdus de la République ». Si en 2015 la chasse aux soi-disant « islamistes radicaux » a été un fiasco et l’occasion d’atteinte aux droits de l’Homme dénoncée par toutes les organisations nationales et internationales antiracistes, la pêche aux enfants suspects d’intelligence avec l’ennemi ou de soutien au terrorisme l’est encore davantage.
Nous ne discuterons pas ici du nombre de ces 400 signalements effectués par des enseignants et personnels de direction – pour certains d’entre eux totalement saisis par l’effroi ou pénétrés par l’idéologie dominante, ou encore mus par un zèle rappelant des heures sombres de l’histoire raciste de France ; ces signalements se sont traduits notamment par un appel à la police pour s’emparer d’une élève qui avait juste photocopié un texte en arabe. Non, le nombre ne fait pas le compte. Ce qui importe n’est pas la dimension quantitative mais qualitative, et en l’espèce la manœuvre du gouvernement consiste à déshabiller l’enfant de son enfance et à le parer des atours de l’adulte ennemi de l’intérieur.
C’est comme cela et uniquement comme cela que l’on peut donner du sens à la garde à vue rebaptisée « retenue »qui a été infligée à des enfants de 10 ans pendant 9 à 11h dans un commissariat. C’est assassiner l’enfance chez cette enfant de 10 ans que d’envoyer dans sa chambre à 7h du matin une dizaine d’hommes armés et cagoulés, pour l’arracher à son sommeil, la défaire de la chaleur de son lit puis la saisir et l’éloigner des regards en larmes de ses parents à qui on signifie de venir la chercher dans deux heures au commissariat. Ce sera finalement 11 heures pour elle et pour d’autres, après avoir signés à leur âge une déclaration. Déjà en 2015 à Nice, Ahmed, un enfant de 8 ans, avait été poursuivi pour apologie du terrorisme pour avoir dit « Je ne suis pas Charlie » à une partie du corps enseignant qui lui avait refusé l’accès à son traitement médical.
La gravité des faits auxquels nous assistons dans une atonie et une sidération généralisées, n’est rien moins qu’un processus de déshumanisation, symptôme de la fascisation en cours. L’islamophobie à la française, qui repousse sans cesse les limites de l’acceptable, en est un signe fort. La suspicion qui repose sur les musulmans et musulmanes ou assimilés comme tels, en France ne vise plus uniquement les adultes mais aussi les enfants. L’école n’est plus seulement invitée à jouer son rôle d’éducation et parfois d’assimilation plus ou moins bienveillante, elle doit désormais participer au côté des institutions policière et judiciaire à exclure et broyer les enfants désignés comme « ennemis de l’intérieur », séparatistes, tout comme leurs parents.
Pour le FUIQP, la réaction et la construction d’une alternative est urgente ! Soit nous nous soulevons ensemble contre ces pompiers pyromanes qui aux postes de pouvoir ou dans les médias dominants relaient leurs thèses et leurs constructions racialistes, soit nous laissons faire, reculant sans cesse le niveau d’acceptabilité, et alors ce « nous » disparaîtra.
8 novembre 2020
Déclaration du FUIQP