Les mouvements ouvrier, étudiant et une coalition d’organisations non gouvernementales ont montré leur force et leur union en s’opposant à la loi sur la création d’emplois [une loi qui favorise les investissements étrangers au détriment de la protection de l’environnement, du droit des communautés coutumières et des ouvriers]. Le 8 octobre 2020, une foule rassemblant ces trois courants de la société civile est descendue dans la rue et a encerclé divers bâtiments gouvernementaux, dont les deux palais présidentiels, à Jakarta et à Bogor.
Le secrétaire général du Congrès de l’alliance des syndicats indonésiens (Kasbi), Sunarno, a affirmé qu’environ 6 000 travailleurs se sont rassemblés près du palais présidentiel, dans le centre de Jakarta. Ils ont rejoint une autre alliance appelée Mouvement des ouvriers et du peuple (Gebrak). Cette dernière se compose d’environ 40 organisations ouvrières.
Une convergence informelle
Au départ, le Gebrak a été formé pour rejeter la révision de la loi sur le travail et sur la Commission d’éradication de la corruption. C’était il y a un an. Plus tard, le Gebrak a rejoint la Faction du peuple indonésien (FRI), une alliance d’organisations des droits civiques et d’associations étudiantes. Lorsque le Parlement a décidé de discuter le projet de loi sur la création d’emplois en séance plénière, Gebrak a aussitôt prévu une action simultanée les 6, 7 et 8 octobre 2020. “La consolidation de ces différents courants s’est faite de manière informelle”, rapporte Sunarno.
Deux militants pour la démocratie qui ont rallié la FRI témoignent de la façon dont cette convergence s’est constituée : “Au départ, elle s’appelait la Coalition contre l’Omnibus Law et nous, les activistes, nous l’avons désignée par l’acronyme ‘cilaka’ [malheur, en javanais]”, explique ce militant écologiste, qui ne souhaite pas être nommé pour des raisons de sécurité [plus de 500 personnes ont été arrêtées à Jakarta après les manifestations. Elles sont accusées d’avoir voulu semer le chaos dans le pays]. Afin d’éviter toute connotation négative, le gouvernement a changé le libellé de ce projet de loi en “loi pour la création d’emplois”.
“Lors de sa formation, cette alliance ne comprenait que quelques organisations non gouvernementales et de défense des droits humains. Elles sont ensuite entrées en contact avec les syndicats et les associations étudiantes pour former la Faction du peuple indonésien. La communication s’est effectuée via des groupes WhatsApp et les réseaux sociaux. Nous avons également tenu des réunions en ligne”, précise une deuxième source.
Assistance juridique et médicale
La Faction du peuple indonésien a divisé ses forces en deux équipes : l’une pour la réflexion, l’autre pour l’action. Les membres de l’équipe d’action ont mis en place diverses initiatives pour soutenir les manifestants lorsqu’ils sont descendus dans la rue, telles qu’une solide assistance juridique et médicale.
Le coordinateur pour les affaires sociales et politiques du Conseil exécutif des étudiants de l’université d’Indonésie, Rozy Brilian Sodik, confirme que la coordination technique des manifestations a effectivement été discutée avec le Gebrak et la FRI. Les derniers préparatifs ont été élaborés lors d’une réunion en ligne quelques jours avant les manifestations. “Nous avons également travaillé très activement à la coordination avec les organisations étudiantes d’autres campus” précise Rozy.
Le palais présidentiel encerclé
Selon Rozy, pour les manifestations du 8 octobre, ils ont décidé d’encercler le palais présidentiel. L’action a commencé à partir de la rue Diponegoro, dans le centre de Jakarta, et les étudiants se sont dirigés vers le palais. Le groupe des ouvriers est parti d’un autre point dans l’idée de converger au même endroit. Mais le plan ne s’est pas déroulé sans heurts, car la police a dispersé la foule des manifestants quand ils sont arrivés devant l’ambassade des États-Unis, rue Merdeka Selatan.
Une chercheuse de l’Institut d’aide juridique de Jakarta (LBH), Ayu Eza Tiara, témoigne comment son organisation s’est efforcée d’aider les manifestants en leur fournissant une assistance juridique : “Notre bureau national s’est coordonné avec son réseau de citoyens, actif dans dix-huit provinces d’Indonésie.”
Quant au président de la Fédération des ouvriers interusines, Jumisih, il prévoit de renforcer la convergence entre les divers courants pour les prochaines manifestations. “Même si on nous réprime, nous continuerons à manifester jusqu’à ce que la loi sur la création d’emplois soit retirée”, clame cet activiste.
Courrier International
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