“Nous refusons les avocats désignés par le pouvoir” : la famille de l’un des douze Hongkongais arrêtés le 23 août par la police chinoise tient cette pancarte devant le Bureau de liaison chinois à Hong Kong, l’organisme qui représente Pékin dans l’ancienne colonie britannique.
Les douze interpellés, opposants à la loi sur la sécurité nationale adoptée en juin dernier par la Région administrative spéciale, ont été arrêtés au large des côtes de la province du Guangdong alors qu’ils s’enfuyaient vers Taïwan en bateau. Ils sont depuis retenus à Shenzhen, en Chine continentale.
“Nous voulons nos propres avocats, nous refusons les avocats désignés par le pouvoir chinois”, confie le 30 septembre la mère de l’un des détenus au journaliste de Mingpao, journal local de Hong Kong.
Dix jours plus tôt, John Lee, secrétaire à la Sécurité de Hong Kong, révélait que “toutes les personnes arrêtées ont choisi deux avocats [de Chine continentale] sur une liste d’avocats fournie par les autorités [chinoises]”. “Elles sont en bonne santé”, mais les autorités hongkongaises “n’ont aucun droit de visite et ne peuvent pas envoyer quelqu’un”, précisait aussi John Lee, cité par le site de la Radio Télévision de Hong Kong.
Les familles rejettent les avocats désignés
Selon le journal taïwanais Lianhe Bao, “les familles sont stupéfaites par ces propos” de John Lee, accusant ce dernier d’“embrouiller” l’affaire. Les familles des douze détenus ont publié une déclaration commune soulignant leur “refus des avocats désignés” et demandant que les avocats qu’elles ont choisis soient immédiatement autorisés à rencontrer les détenus. Elles demandent également à pouvoir s’entretenir avec leurs proches par téléphone, ainsi que leur rapatriement immédiat de Chine continentale vers Hong Kong.
De son côté, Carrie Lam, cheffe de l’exécutif de Hong Kong depuis 2017, a jugé le 15 septembre que cette affaire était traitée par la Chine continentale de manière “tout à fait appropriée” :
“Le cas de ces douze Hongkongais entrés illégalement [dans les eaux territoriales de la province du Guangdong] doit être traité par les forces de l’ordre et les autorités judiciaires du continent.”
En précisant les raisons pour lesquelles les familles des détenus rejettent les “avocats désignés”, notamment le doute sur l’indépendance de ces derniers, Lichang Xinwen, média hongkongais en ligne, indique ce que prévoit l’article 35, alinéa 1 de la loi de procédure pénale de la République populaire de Chine :
Si un suspect ou un accusé ne désigne pas de défenseur en raison de difficultés financières ou pour d’autres raisons, lui et ses proches peuvent s’adresser à l’organisme d’aide judiciaire. Si les conditions le permettent, le service nomme un avocat pour assurer la défense.
Lichang Xinwen estime toutefois que les autorités chinoises n’ont pas respecté le règlement sur l’aide judiciaire, qui prévoit que seuls les accusés qui n’ont pas les moyens de se payer les services d’un avocat s’en voient assigner un.
Appel à la mobilisation des internautes
Les protestations des familles d’accusés face aux désignations d’office sont de plus en plus fréquentes en Chine, surtout dans les affaires de grande ampleur liées aux droits humains ou à la liberté d’expression.
C’est le cas des militants Chen Mei et Cai Wei, arrêtés le 19 avril dernier pour avoir archivé puis partagé à l’étranger des informations sur l’épidémie de Covid-19 en Chine. La diffusion de ces articles et commentaires censurés leur a valu une lourde accusation de “provocation”. Ils risquent jusqu’à cinq ans de prison.
“Notre mère vous a demandé par téléphone avec insistance de vous retirer” : sur Twitter, Chen Kun, frère aîné de Chen Mei, accuse les deux avocats désignés. Depuis fin août, il appelle constamment sur les réseaux sociaux les internautes chinois à téléphoner aux deux avocats du cabinet d’avocat pékinois désignés par les autorités, pour leur demander de se retirer. En vain, pour l’instant.
Zhang Zhulin
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