Le Pantanal du Brésil, une zone de grands marais au centre-ouest du pays, brûle depuis des semaines. Le feu s’est déjà propagé sur la presque totalité (85 %) du parc naturel protégé Encontro das Águas (“Confluence des eaux”), d’une superficie de 108 000 hectares et où subsistait la plus grande concentration de jaguars du monde, écrit El País.
Encore une fois, et alors que l’Amazonie brûle aussi et encore davantage qu’en septembre 2019, réactions et avertissements se font entendre du côté de la communauté internationale et des ONG de protection de l’environnement, mais aussi du côté de certaines multinationales brésiliennes et étrangères du secteur agro-industriel, regroupées au sein d’un collectif Coalition Brésil climat (Coalizão Brasil Clima).
Prendre des mesures fortes, disent les entreprises
Ce groupe avait déjà lancé l’alerte en 2019 alors que l’indignation était à son comble dans le monde entier devant l’inaction du pouvoir brésilien face aux feux en Amazonie et à la revendication par Jair Bolsonaro d’une politique de développement agricole dans le poumon de la planète.
À la mi-septembre, la “coalition” a envoyé au gouvernement brésilien un document proposant six mesures fortes pour lutter contre la déforestation et, notamment, des sanctions beaucoup plus sévères contre les responsables, qui peuvent souvent être identifiés par les images satellites de plusieurs instituts de surveillance et par les registres cadastraux.
En 2019, le Brésil a diminué de 34 % le nombre d’amendes infligées pour déboisement illégal.
Le document de la coalition a également été envoyé au Congrès brésilien et à plusieurs ambassades européennes. Six de ces dernières, dont l’ambassade de France, ont à leur tour adressé le 15 septembre un message commun au vice-président Hamilton Mourão. Cité par El País, il prévient :
“Le Brésil agit de telle sorte qu’il devient difficile, pour les entreprises et les investisseurs, d’honorer leurs engagements environnementaux, sociaux et de bonne gouvernance.”
Le 18 septembre, la France s’est par ailleurs à nouveau prononcée contre le projet d’accord commercial de l’Union européenne avec le Mercosur, qui regroupe quatre pays d’Amérique latine dont le Brésil, en raison des inquiétudes sur l’impact environnemental de ce projet.
Des incendies provoqués
La zone humide du Pantanal couvreprès de 190 000 km2 à cheval sur le Brésil, la Bolivie et le Paraguay. Au Brésil, elle s’étend sur deux États, le Mato Grosso et le Mato Grosso do Sul. Elle est considérée comme l’une des plus grandes réserves d’eau douce de la planète, arrosée par les crues de plusieurs fleuves dont le rio Paraguay.
Une sécheresse sévère a été annoncée en début d’année par les organismes brésiliens et internationaux de monitoring du climat, mais il a fallu trois mois, explique le journal, pour que le gouvernement de Jair Bolsonaro dépêche des pompiers dans la région. Et parallèlement, “les budgets brésiliens pour lutter contre les incendies ont été réduits de 48 %”.
La sécheresse n’est pas la cause directe de ces feux, la région n’étant pas affectée par des orages apportant des impacts de foudre. Selon les relevés de la police fédérale sur place, “le feu est intentionnel et sert à transformer la végétation indigène en pâturages pour du bétail”.
Des images satellites de la Nasa et de l’Institut brésilien de recherches spatiales (INPE) chargé de suivre la déforestation montrent qu’une bonne partie des départs de feu repérés “proviennent de propriétés privées”, et que les propriétaires “encourent une responsabilité pénale pour ne pas avoir préservé la zone”, rapporte El País.
Contre-attaque du gouvernement
Mis en cause pour sa négligence, le gouvernement de Jair Bolsonaro nie la gravité des incendies et contre-attaque “avec des arguments sans fondement scientifique”, relève au passage l’ONG Greenpeace.
Le vice-président, le général Hamilton Mourão, est, avec le ministre de l’Environnement Ricardo Salles, aux commandes d’une campagne visant à “discréditer les discours des défenseurs de l’environnement et de ceux qui les soutiennent” en évoquant une “désinformation”.
Dans un post publié sur Twitter le 10 septembre, il écrit notamment que “le Brésil est le pays qui protège le plus ses forêts naturelles”.
“De que lado você está ? De quem preserva de verdade ou de quem manipula seus sentimentos ?” O Brasil é o país que mais preserva suas florestas nativas no mundo. Essa é a verdade.Nós cuidamos ! #ConselhoNacionalDaAmazoniaLegal #QueimadaNÃO pic.twitter.com/TkWi0uclo1
— General Hamilton Mourão (@GeneralMourao) September 10, 2020
Il réitère le 19 septembre dans un texte en réponse aux “divers acteurs” qui font des reproches au Brésil, le pays qui, selon lui, “a le moins déboisé dans l’histoire de l’humanité”.
Il ne peut toutefois pas nier que tous les budgets des organismes chargés de la protection de l’Amazonie ont été sévèrement amputés, parfois de plus du tiers, quand ils n’ont pas été supprimés. Ni même contester les images satellites et les données d’institutions comme la Nasa, l’INPE ou de l’Ibama, l’institut brésilien de l’environnement.
El País
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