À l’issue de sa nouvelle visite à Beyrouth, la deuxième en l’espace d’un mois après la double explosion du 4 août, Emmanuel Macron a notamment obtenu l’engagement des partis confessionnels bourgeois du pays à former rapidement un gouvernement, après la désignation du nouveau Premier ministre, Moustapha Adib.
« Gouvernement de mission »
Ce « gouvernement de mission », formule employée par Macron, doit mettre en œuvre les « réformes » exigées notamment par la France et le FMI. Ces « réformes » sont basées sur les termes de la conférence de Paris d’avril 2018 qui réserve plus de 11 milliards de dollars en prêts et dons pour le Liban en échange de l’engagement du gouvernement libanais à développer des partenariats public-privé, à réduire le niveau de la dette et à promulguer des mesures d’austérité.
Tous les partis politiques confessionnels dominants au Liban sont d’accord sur ces mesures. Le gouvernement d’union nationale composé par tous les partis confessionnels dominants et mené par l’ancien Premier ministre Saad Hariri, avant sa démission à la suite du déclenchement du mouvement de protestation populaire en octobre 2019, avait d’ailleurs prévu la fusion ou suppression de certaines institutions publiques et la privatisation du secteur de l’électricité, dans le cadre de son plan budgétaire 2020. Toutes ces mesures satisfaisaient aux exigences de la Banque mondiale, du FMI et de l’accord du CEDRE.
Le président français a annoncé qu’il serait de retour au Liban en décembre pour suivre les progrès réalisés par le gouvernement libanais, et qu’il inviterait à Paris, en octobre, des représentants libanais à une réunion organisée parallèlement à une nouvelle conférence d’aide internationale.
Macron poursuit donc ses démarches pour assister les partis confessionnels dominants à maintenir leur pouvoir dans le pays en les appelant à s’unir pour réaliser ces « réformes » dans un gouvernement dirigé par un nouveau Premier ministre qui dispose du soutien de toutes ces forces.
En Irak contre les « ingérences étrangères » (sic)
À la suite de sa visite en grande pompe au Liban, le président français s’est rendu à Bagdad pour rencontrer les autorités du pays. Il y a en Irak depuis octobre 2019 un important mouvement de protestation populaire qui remet en cause, comme au Liban, le système confessionnel et néolibéral.
Officiellement, la visite d’Emmanuel Macron visait à lancer, en lien avec les Nations unies, « une initiative pour accompagner une démarche de souveraineté ». Le président français a notamment affirmé son soutien à l’Irak face aux « ingérences étrangères » (sic).
Le pays est l’objet de vives tensions entre ces deux partenaires les plus importants, les États-Unis et l’Iran, depuis l’arrivée au pouvoir de Donald Trump aux États-Unis et sa politique de « pression maximale » contre l’Iran, mais surtout depuis la double élimination en janvier 2020 par la Maison Blanche de l’ancien commandant en chef de l’unité d’élite al-Qods au sein des gardiens de la révolution iraniens, Kassem Soleimani, et d’Abou Mahdi al-Mouhandis, ancien leader de facto de la coalition paramilitaire du Hachd el-Chaabi, affiliée à la République islamique d’Iran. Même s’il n’y a pas eu d’escalade trop violente entre Washington et Téhéran à la suite des assassinats, plus d’une trentaine de roquettes ont visé des soldats et des diplomates américains en Irak depuis octobre 2019. Quelque 5 000 soldats et diplomates US sont encore déployés dans le pays, tandis que l’Iran dispose d’alliés importants en Irak, y compris des milices paramilitaires affiliés à Téhéran.
Washington et Téhéran ont collaboré pendant des années en Irak à la suite de l’invasion du pays en 2003 par les forces armées d’occupation étatsuniennes et britanniques. D’ailleurs, l’actuel Premier ministre irakien, Moustafa al-Kazimi, joue les équilibristes entre Washington et Téhéran.
La France cherche à étendre son influence
Au cours de sa visite, Emmanuel Macron a aussi affirmé que la guerre contre « l’État islamique » n’est pas finie et que la France continuera à soutenir le gouvernement irakien dans le cadre de la coalition internationale pour lutter contre les forces djihadistes. Depuis 2014, les forces françaises sont ainsi engagées en Irak dans le cadre de l’opération Chammal. Les responsables français ont d’ailleurs déclaré vouloir reprendre rapidement la formation et l’armement des forces de sécurité irakiennes, suspendu durant la période de la pandémie. La France a également alloué un prêt d’un milliard d’euros pour aider à la reconstruction de l’Irak en janvier 2019. Les intérêts de la France en Irak ne sont néanmoins pas comparables à ceux au Liban, où Paris dispose encore d’une influence politique et économique significative.
La puissance impérialiste française tente par les visites de son président au Liban et en Irak de maintenir et étendre son influence politique, économique et militaire dans la région. De plus, l’État français cherche également à montrer son utilité à l’impérialisme étatsunien en voulant jouer un rôle d’intermédiaire pour Washington avec la République islamique d’Iran dans Ces pays et d’autres dossiers comme le nucléaire iranien.
Joseph Daher