Une défaite à un fil. Si le parti DPS (Parti démocrate socialiste) du président Milo Djukanovic a remporté une majorité relative des voix (35,06 %) lors des législatives du 30 août, il échoue à un siège près (40 contre 41) à obtenir une majorité au Parlement. Et c’est bien aujourd’hui l’opposition, formée de trois coalitions, qui détient les clés pour former un gouvernement.
Mais rien n’est encore joué. Car pour ce faire, ce trio de coalitions - Pour l’avenir du Monténégro, pro-serbe et pro russe (35,55 % des voix), La paix est notre option, libéral nationaliste (12,53 %) et la plateforme citoyenne Noir sur blanc (5,53 %) -, doit être mandaté par le président lui-même. Or Milo Djukanovic est un redoutable négociateur.
Avant même l’annonce des résultats définitifs ce 31 août, le quotidien d’opposition Vjesti titrait en une ce matin “Le stylo fait tomber le pouvoir”. À ses yeux, il s’agit d’un changement historique au Monténégro. “Djukanovic aurait dû quitter le pouvoir déjà en 2006, après avoir fait entrer le Monténégro dans l’Otan. Plutôt que de prendre sa retraite politique, il est resté au pouvoir en continuant de gouverner par la force de l’argent et en privatisant l’État. De manière démocratique, les dernières législatives ont mis fin à son aventure.”
Les partisans Djukanovic le considèrent comme un réformiste pragmatique proeuropéen (il a tourné le dos à l’ancien président yougoslave Slobodan Milosevic, a présidé l’indépendance du Monténégro vis-à-vis de la Serbie en 2006 et fait entrer le pays dans l’Otan en 2017). Ses opposants au contraire l’accusent d’être un autocrate corrompu ayant trempé depuis trois décennies dans de nombreuses affaires de malversation et de népotisme.
En titrant “L’Église orthodoxe serbe et l’opposition plus fortes que l’État”, Pobjeda, quotidien pro-Djukanovic, estime pour sa part que “l’immixtion directe de l’Église orthodoxe serbe dans les élections monténégrines, ainsi que le soutien logistique et médiatique que de la Serbie a procuré à l’opposition, ont pesé sur le résultat des élections”.
Adoptée fin 2019, une loi controversée sur la liberté religieuse a été au cœur du débat politique et de la campagne électorale. La puissante Église orthodoxe serbe a vu dans ce texte une tentative de nationalisation de ses biens au Monténégro et, pour tenter de faire déjouer cette initiative, a mobilisé sans relâche ses fidèles pendant des mois.
Selon Ivan Ivanji, journaliste de l’hebdomadaire Vreme de Belgrade, au regard de la victoire serrée de l’opposition et des différences idéologiques entre ses différentes composantes (les uns sont prorusses et anti-Otan, les autres proeuropéens), le Monténégro risque d’entrer dans une période délicate. “Tout dépendra de la plate-forme citoyenne Noir sur blanc, proeuropéenne, qui exige un gouvernement d’experts, au-delà des clivages partisans, pour sortir le Monténégro de la corruption et de la crise post-Covid-19”, a-t-il commenté sur la chaîne de télévision N1.
Kika Curovic
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