La tension est à nouveau palpable à Portland et à Chicago, deux villes parmi “les plus explosives” des États-Unis selon le Washington Post, Dans la plus grande ville de l’Oregon, où une relative accalmie avait été constatée après le retrait des agents fédéraux envoyés maintenir l’ordre, des manifestants ont en effet mis le feu samedi 8 août au siège du syndicat de la police.
À Chicago, un homme de 20 ans armé a été blessé par la police dimanche 9 août dans le quartier d’Englewood, et dans la nuit du 9 au 10 août cette fusillade a été le point de départ de nombreux pillages dans le centre de Chicago. Plus de 100 personnes ont été interpellées et 13 agents blessés, et lundi 10 août une centaine de personnes se sont rassemblées, à l’appel de Black Lives Matter, devant un commissariat de la troisième plus grande ville américaine. Selon le Chicago Tribune, plusieurs manifestants portaient une banderole proclamant : “On nous a pillé notre avenir… pillez à votre tour.”
Pour le Washington Post, ces événements montrent que “le long été américain de manifestations et de violence n’est pas terminé”. Et le quotidien de la capitale de signaler que Donald Trump, qui a “construit sa campagne de réélection sur des images de villes en feu”, compte en profiter. Lundi 10 août, le président américain a notamment suggéré que les troupes de la garde nationale étaient la solution à une situation qui était devenue “hors de contrôle” à Portland.
Dans la plus grande ville de l’Oregon, le retrait des forces fédérales a été l’occasion pour un noyau dur de manifestants de se concentrer à nouveau sur “les tensions de longue date avec la police locale” et avec les dirigeants démocrates de la municipalité, souligne le Washington Post. D’après le Chicago Tribune, des tensions similaires existent dans l’Illinois. Black Lives Matter Chicago a notamment fustigé la maire démocrate Lori Lightfoot pour avoir “accepté la version policière des événements et ne pas avoir fait davantage pour mener des réformes”, observe le quotidien de l’Illinois dans un autre article.
À Portland, un maire “exaspéré”
Le Washington Post observe qu’à Portland le maire démocrate Ted Wheeler se montre “de plus en plus exaspéré” par la violence de certains manifestants. “Lorsque vous […] tentez de brûler un bâtiment occupé par des personnes que vous avez intentionnellement piégées à l’intérieur, vous ne manifestez pas, vous tentez de commettre un meurtre”, a-t-il déclaré après l’incendie du siège du syndicat de la police, samedi 8 août.
D’après le quotidien de la capitale, Wheeler est soutenu par certains habitants de sa ville, dont Terrance Moses, un résident noir du quartier de Kenton, qui a déclaré avoir suivi “avec consternation” les manifestations nocturnes, dont le message “se perd” au milieu des destructions :
“Cela doit cesser. Ce n’est pas le but de Black Lives Matter.”
Des déclarations accueillies comme du pain bénit par la presse conservatrice américaine. Selon le Wall Street Journal, “le récit des manifestations pacifiques réprimées par des forces de l’ordre assoiffées de sang à Portland devient insoutenable, même pour les progressistes” :
“Plus longtemps cette distorsion des faits se poursuivra, plus longtemps la paupérisation de villes comme Chicago persistera, même après la fin de la pandémie.”
Reste que, comme le souligne le chroniqueur du New York Times Charles Blow, si les manifestations pour la justice sociale ont été massives aux États-Unis ces derniers mois, les progrès attendus par les manifestants sur la question de la responsabilité et de la réforme de la police “sont incertains”.
“La batterie de réformes de la police adoptées par la Chambre des représentants [à majorité démocrate] s’enlise maintenant au Sénat [à majorité républicaine].”
Rien de bien surprenant selon Charles Blow : l’Amérique “a un excellent bilan lorsqu’il s’agit de doucher les espoirs des Noirs”.
Nicolas Coisplet
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