“Même après une série de pressions” de la part “d’investisseurs nationaux et internationaux” sur le gouvernement brésilien pour des “actions pour la préservation de l’Amazonie”, le nombre d’incendies détectés en juillet dans la plus grande forêt tropicale du monde a augmenté de 28 % par rapport à la même période l’an dernier, selon les données de l’Institut national de recherches spatiales (INPE), rapporte le portail d’information Uol.
Quelque 6 803 départs de feu ont ainsi été enregistrés en Amazonie en juillet, contre 5 318 l’année précédente. Il s’agit du pire bilan pour ce mois depuis juillet 2017, quand le nombre d’incendies avait atteint un record, avec 7 986 départs de feu, pointe le site.
Un décret présidentiel publié le 15 juillet interdit pourtant l’usage du feu dans la plupart des zones rurales brésiliennes, et ce pendant cent vingt jours. Le chef de l’État, Jair Bolsonaro,, a signé ce texte après que l’Amazonie a connu son pire mois de juin en treize ans en termes de feux de forêt.
Interrogée par Uol, Ane Alencar, de l’Institut de recherche environnementale de l’Amazonie (Ipam), affirme que les foyers actuels sont en partie liés “à la hausse de la déforestation survenue en 2019, la plus élevée de l’histoire”. “Les personnes impliquées dans la déforestation vont encore brûler les zones déboisées, ce qui va provoquer davantage d’incendies”, avertit-elle, le feu étant “la manière la plus pratique de nettoyer un terrain déboisé”.
Entre 2016 et 2019, 22 % des foyers d’incendie ont été détectés dans des zones récemment déboisées et 42 % dans des aires converties en exploitations agricoles, indique un rapport de l’Ipam repris par le site G1. Pour 2020, le pire reste à craindre : la saison sèche a commencé en juin mais “90 % des feux” en Amazonie “sont historiquement recensés entre juillet et octobre, avec un pic en septembre”, précise le rapport.
“Tâche difficile”
Le vice-président du Brésil, Hamilton Mourão, s’est d’ailleurs “montré préoccupé” par la situation, rapporte Correio Braziliense. Lors d’une émission sur l’Amazonie diffusée par Rádio Nacional, lundi 3 août, le général a expliqué que, bien que le feu soit un outil traditionnel de défrichage des champs, “une bonne partie” de ces “incendies sont pratiqués de manière criminelle”, provoquant des flammes incontrôlables.
“Nous savons que la culture du feu existe encore dans les champs, et l’affronter ne sera pas une tâche facile mais c’est une question […] fondamentale pour que nous puissions démontrer au reste de la société brésilienne et à la communauté internationale non seulement notre capacité de préservation de la forêt, mais aussi et surtout notre engagement dans ce domaine.”
Interrogé par le quotidien, le porte-parole de l’ONG Greenpeace, Rômulo Batista, estime que cette “pratique s’est généralisée en raison du manque de surveillance et du démantèlement des organismes environnementaux” publics. En outre, insiste Rômulo Batista, “la déforestation doit être combattue tout au long de l’année”.
Des investissements conditionnés à la préservation
Or, selon le journal O Globo, le ministre de l’Environnement, Ricardo Salles, a envoyé, le 10 juillet dernier, une proposition au ministère de l’Économie dans laquelle il suggère de “supprimer l’objectif de réduction de 90 % de la déforestation et des incendies illégaux dans tout le pays entre 2020 et 2023”, inscrit dans le plan pluriannuel du gouvernement brésilien. En lieu et place de cet objectif, il souhaitait créer une zone de conservation de 390 000 hectares de forêt primaire en Amazonie. Cette superficie “équivaut à un tiers de la fôrêt qui a été abattue en 2019”, souligne le quotidien.
Mais l’équipe technique du ministère de l’Économie a mis son veto. Preuve, selon un chercheur de l’Ipam interviewé par O Globo, que les autorités comprennent que “les investissements mondiaux restent conditionnés à la protection de l’environnement et de la possibilité pour le Brésil d’être simultanément une puissance verte et agricole”.
Un avis que ne partage pas Márcio Astrini, secrétaire de l’Observatoire du climat. À ses yeux, la proposition de Ricardo Salles est au contraire “un signe”, pour les investisseurs, que “l’on ne peut pas faire confiance à la politique environnementale actuelle” du Brésil. Début juillet, plusieurs fonds d’investissement étrangers avaient en effet fait part de leurs préoccupations au gouvernement concernant la forêt amazonienne. Le gouvernement leur avait donné des gages, désormais démentis.
Situation compliquée sur le terrain
Sur le terrain, les agents de contrôle de l’Institut brésilien de l’environnement (Ibama) mobilisés depuis juillet se plaignent du manque d’équipements de protection contre le coronavirus et de la mauvaise qualité des gilets pare-balles, révèle Folha de São Paulo. “Ils affirment que s’ils refusent d’y aller, ils sont menacés de poursuites administratives”, indique le journal.
“On dirait qu’à cause de la pression des secteurs économiques”, le gouvernement veut “montrer qu’il travaille”, alors que l’opération militaire engagée depuis mai en Amazonie pour protéger la forêt “est un fiasco”, critique la responsable d’une association de fonctionnaires environnementaux.
Courrier International
Abonnez-vous à la Lettre de nouveautés du site ESSF et recevez chaque lundi par courriel la liste des articles parus, en français ou en anglais, dans la semaine écoulée.