Quelles sont les raisons de cette journée de grève dans la métallurgie ?
Jean-Pierre Delannoy - Si les raisons de l’appel du 15 mars sont multiplent, les licenciements chez les équipementiers de l’automobile, les délocalisations et les transferts de productions dans le ferroviaire ont été les détonateurs principaux. Alors que les profits des actionnaires des activités industrielles de la métallurgie cotées au CAC 40 ont augmenté, entre 2003 et 2005, de 211,3 %, le patronat organise les réductions d’effectifs par les licenciements et réduit encore plus le pouvoir d’achat des salariés. La pression des actionnaires étrangle les équipementiers et les sous-traitants des constructeurs, et elle fait des ravages chez les travailleurs et leurs familles. Cette situation pose forcément la question des filières industrielles dans les deux départements du Nord et du Pas-de-Calais.
Quels sont les mots d’ordre de cette journée ?
J.-P. Delannoy - Les mots d’ordre portent sur l’emploi, les salaires, la retraite à 55 ans et la défense les libertés syndicales. Sur l’emploi, nous réclamons l’embauche des précaires et des jeunes, l’arrêt des licenciements et le contrôle des fonds publics qui ne font que financer les plans de licenciements, faussement appelés PSE (plan social pour l’emploi). Sur les salaires, nous voulons engager un processus de rattrapage de la perte de notre pouvoir d’achat avec comme objectif un Smic à 1 600 euros net. Il faut rappeler qu’en 1983, un ouvrier avait un salaire de base à 30 % au-dessus du SMIC. Aujourd’hui, son salaire se retrouve « noyé » au niveau du Smic. Les profits patronaux réalisés ces dernières années sont inversement proportionnels aux reculs que nous avons subis. La rentabilité par salarié, sur ces quinze dernières années, a été multipliée par deux, voire par trois. La production des travailleurs dans la métallurgie a été décuplée. Faire aujourd’hui huit heures de travail équivaut à presque le double il y a quinze ans ! Nous voulons aussi la retraite à 55 ans. De plus en plus de métallos décèdent bien avant l’âge de la retraite, non seulement à cause des maladies liées à l’activité professionnelle, mais aussi en raison des accidents de travail qui sont en recrudescence. Enfin, plus que jamais, le capital mène, avec son outil qu’est le patronat, un combat féroce contre nos militants. Nous exigeons l’arrêt des procédures de licenciement à l’encontre de militants syndicaux de classe. Ces procédures sont de plus en plus soutenues par le ministère de l’Emploi et de la Cohésion sociale qui n’hésite pas à casser les décisions des inspections du travail et des directions départementales du travail quand elles refusent les demandes de procédures de licenciement des patrons.
Un programme revendicatif pour faire converger les luttes ?
J.-P. Delannoy - L’objectif du 15 mars, c’est de fédérer les luttes sur des objectifs clairs, qui créent une véritable dynamique pour une mobilisation puissante car les revendications portées le 15 mars sont celles des travailleurs et de leur syndicat d’entreprise. Si l’on veut créer un véritable rapport de force, celui-ci doit se construire sur les revendications des salariés et ainsi imposer l’unité d’action sur leurs revendications. Engager une mobilisation pour 0,5 ou 1 % de salaire ne peut répondre aux exigences des salariés dont la perte de pouvoir d’achat atteint ou dépasse les 33 %. Les questions qui nous sont posées sont : est-ce que l’on considère que c’est notre dû et, si oui, que fait-on pour engager la bataille et à quel niveau l’engageons-nous ?
Au moment où le patronat s’invite dans la campagne présidentielle, c’est une façon de rappeler les exigences des travailleurs ?
J.-P. Delannoy - Oui, il est plus que jamais nécessaire de répondre aux exigences des travailleurs qui ne font que réclamer leur dû ! Car rien n’est dit sur ce que représente le poids du chômage sur les comptes de la Sécurité sociale. Rien n’est dit sur la faiblesse du pouvoir d’achat. Rien n’est dit sur les profits faramineux des actionnaires qui pourraient servir à la solidarité. Et rien n’est encore dit sur les aides publiques et les fonds attribués aux entreprises privées. Le patronat veut profiter de l’élection présidentielle pour mettre encore plus de pression sur les politiques dans le seul but d’accroître ses profits. Il s’agit d’asservir encore plus les travailleurs au nom du fric ! Pour cela, il n’hésite pas à rappeler aux politiques que le véritable pouvoir, c’est le pouvoir économique au service du système capitaliste. Si les élections pouvaient changer la souffrance des travailleurs de ce pays, il y a longtemps qu’on le saurait. De tout temps, les acquis revendicatifs ont été obtenus lorsque les travailleurs ont pris en main leur destinée. Aussi longtemps que les travailleurs n’imposeront pas leurs revendications par la lutte, en imposant l’unité de tous les syndicats sur la grève pour leurs revendications, ils auront à souffrir de l’exploitation des patrons. Seule la lutte pour la défense de nos revendications obligera les patrons et les politiques à débattre des véritables enjeux pour les prochaines élections.
Et au-delà du 15 mars ?
J.-P. Delannoy - Le 15 mars est une étape importante. Cette journée régionale de mobilisation doit démontrer que la grève et le blocage de l’outil de production sont non seulement possibles mais indispensables. Le mouvement des jeunes contre le CPE a montré la voie. Il faut redonner confiance dans la lutte. C’est la seule façon de satisfaire les revendications des jeunes et des travailleurs. C’est aussi la meilleure façon de s’investir pour l’avenir.