Des milliers de manifestants ont afflué ce 28 juillet vers El Alto, ville située tout contre la capitale, La Paz, pour dénoncer le nouveau report des élections générales du 6 septembre au 18 octobre, décidé la semaine dernière par le tribunal suprême électoral, rapporte le correspondant bolivien d’El País. Des rassemblements ont également eu lieu dans d’autres villes du pays, répondant à l’appel de syndicats liés au MAS (Mouvement vers le socialisme, gauche), le parti de l’ancien président Evo Morales.
Ce dernier, élu en 2006, a quitté le pouvoir le 10 novembre dernier, dans un contexte que ses partisans qualifient de coup d’État. Il a alors été remplacé par la conservatrice Jeanine Áñez, deuxième vice-présidente du Sénat et issue de l’opposition, qui s’est autoproclamée présidente par intérim,, en promettant des élections “dès que possible”.
Les élections ont été fixées au 3 mai et Jeanine Áñez, qui s’était engagée à ne pas se présenter, est revenue sur sa position.. Quant à Evo Morales, qui est réfugié en Argentine et s’est vu interdire toute candidature à ce scrutin présidentiel et législatif, il a choisi comme candidat de son parti son ancien ministre Luis Arce Catacora.
Mais en raison de la pandémie de Covid-19, le scrutin a été reporté au 6 septembre, puis au 18 octobre.
Échange d’accusations
Dans le cortège d’hier, El País a relevé les slogans suivants : “Des élections maintenant !”, “Oui à la démocratie, non à la dictature” et “Áñez, dégage”.
De son côté, le gouvernement intérimaire a tenté de minimiser la mobilisation, tout en accusant ses organisateurs de vouloir, par ce biais, propager le virus à la population urbaine. Le journal espagnol observe que les accusations du gouvernement “ont été bien accueillies sur les réseaux sociaux par une partie de la classe moyenne citadine, qui s’est insurgée contre l’‘irresponsabilité’ et la ‘cruauté’ des dirigeants du MAS. Elle leur reproche d’avoir appelé à des rassemblements de grande ampleur au moment même où le pays est submergé par la pandémie, qui a fait plus de 2 500 morts.”
Pour le MAS, c’est là une tentative de “criminaliser la colère du peuplei”. Le parti estime que “la lutte pour le ‘retour de la démocratie’ est suffisamment importante pour prendre des risques qui, par ailleurs, guettent de toute façon les populations défavorisées”.
Une situation sanitaire catastrophique
En effet, comme le souligne El País, la plupart des Boliviens ne peuvent pas se permettre de rester confinés chez eux s’ils veulent manger. Quant au système de santé, s’il était déjà dans un piètre état quand le Covid-19 est arrivé – il disposait de moins de spécialistes et d’unités de soins intensifs que la moyenne des pays en développement –, il est aujourd’hui dans une situation catastrophique.
“En Bolivie, il y a une pénurie de respirateurs et de médicaments essentiels pour traiter le Covid-19, comme l’azithromycine et la dexaméthasone, rapporte le journal.
“Le nombre de décès inexpliqués continue d’augmenter dans les foyers, les automobiles, les salles d’attente des centres médicaux, et même dans la rue. On estime que 80 % de ces morts sont attribuables au coronavirus.”
C’est pour cette raison que le tribunal électoral a décidé de repousser à nouveau l’échéance électorale. Ce qui a déclenché le mouvement de protestation du MAS et des syndicats. Parmi leurs revendications, il en est une qui n’était pas explicite, précise le correspondant d’El País : le maintien de la candidature de Luis Arce Catacora. Car il n’est pas sûr que celui-ci soit autorisé à se présenter. Le gouvernement intérimaire a déposé une plainte contre lui auprès du tribunal électoral, l’accusant d’avoir diffusé son propre sondage, ce qui est interdit par le code électoral.
Le quotidien espagnol cite une dernière revendication du cortège : l’obligation, pour les centres de soins privés, de prendre en charge les malades du Covid-19 à un coût fixé et financé par l’État. Le Parlement a adopté une loi en ce sens, mais, bloquée par la présidente Añez, elle ne peut pas entrer en application.
El País
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