« Le chlorure de fer est très corrosif et est donc un danger pour les baigneurs, les poissons, les coquillages et les mammifères marins. » L’association écologiste Robin des Bois ne cache pas sa vive inquiétude après la découverte d’une nappe acide polluante de quelques hectares en Méditerranée au niveau de l’anse d’Auguette près de Martigues (Bouches-du-Rhône). Cette pollution est la conséquence d’une fuite survenue dans la nuit de mercredi à jeudi au sein du complexe pétrochimique Lavéra. Le groupe industriel Kem One, numéro 2 européen du PVC, l’a détectée « au niveau d’un bac de stockage de solution de chlorure ferrique au sein de l’atelier de production » de ce site classé Seveso seuil haut [1].
« Un épandage accidentel de cette fuite vers le réseau d’égout pluvial s’est produit, ayant entraîné un rejet liquide vers l’anse d’Auguette », ajoute l’industriel. Ce produit chimique hautement corrosif, utilisé notamment pour le traitement des eaux usées, s’est ensuite transformé en solution acide marron au contact de la mer, formant une nappe toxique d’environ six hectares dans la Grande Bleue. Quarante hommes du bataillon des marins-pompiers de Marseille (BMPM) et dix sapeurs pompiers ont été envoyés sur le site de l’incident, qui n’a fait aucun blessé, selon le groupe Kem One. Une enquête est en cours pour préciser les circonstances de cette fuite.
La préfecture maritime de Méditerranée précise que le Pionnier, un navire de soutien et d’assistance de la Marine nationale, spécialisé dans la lutte antipollution, a été déployé sur place « afin de contribuer aux opérations en cours ». Par ailleurs, un arrêté interdisant la navigation de plaisance, la pêche maritime, la plongée sous-marine et la baignade dans la partie sud du golfe de Fos, de la plage de Ponteau au cap Couronne, a été émis.
Vendredi, la préfecture a fait savoir que la nappe s’était « solubilisée dans l’eau mais il reste encore un hectare pollué, elle a quasiment disparu en surface ».
Des sites pétrochimiques déjà attaqués en justice
Le site pétrochimique Lavéra fait partie de l’un des plus gros complexes industriels d’Europe, autour de l’étang de Berre, qui génère une pollution suscitant régulièrement les craintes des habitants des environs. En octobre 2019, certains d’entre eux avaient notamment attaqué en justice quatre industriels, le chimiste Kem One, ArcelorMittal, Esso et le dépôt pétrolier de Fos-sur-Mer [2], pour « trouble du voisinage ».
« Kem One Martigues-Lavéra a fait l’objet de quatre arrêtés de mise en demeure depuis 2016, affirme de son côté l’association Robin des Bois. Le dernier en date du 26 décembre 2019 mettait en demeure l’exploitant de renforcer la sécurité de ses stockages de chlore au plus tard le 31 mars 2020. » L’usine Kem One de Lavéra est l’un des sites majeurs de la production chlorochimique européenne. Il produit notamment du chlore, de la soude, de l’hydrogène et de l’eau de javel. « Cet accident neuf mois après Lubrizol [3] remet au goût du jour la cohabitation difficile entre les usines Seveso seuil haut et les autres activités humaines », estime Charlotte Nithart, qui suit ce dossier au sein de Robin des Bois.
« Les services du ministère sont sur place »
« La répétition des arrêtés de mise en demeure sur ce site et l’absence de mise à jour en temps voulu de son étude de dangers montre que l’exploitant ne considère pas la protection des travailleurs, des populations et de l’environnement comme une priorité », dénonce l’ONG.
Contacté ce jeudi après-midi, le ministère de la Transition écologique ne nous a pas répondu. « Les services du ministère sont sur place pour établir les circonstances de cette fuite et analyser ses conséquences sur les milieux naturels. Les dégâts qui seront constatés seront réparés par les responsables », indiquait ce soir dans un tweet la ministre Barbara Pompili.
Frédéric Mouchon