La pandémie de coronavirus continue de stimuler la demande d’équipements de protection individuelle. Dans ce contexte, le New York Times révèle que certaines entreprises chinoises utilisent la main-d’œuvre ouïgoure dans le cadre d’un “programme controversé parrainé par le gouvernement” qui, selon les experts, “fait souvent travailler les ouvriers contre leur gré”.
Le laboratoire d’enquêtes sur les droits de l’homme de l’université de Californie à Berkeley et le projet ouïgour sur les droits de l’homme ont recueilli des dizaines de vidéos et de rapports de médias sociaux qui documentent les récents transferts de main-d’œuvre ouïgoure vers les usines textiles.
Propagande
Une vidéo, “largement diffusée par la télévision d’État chinoise”, semble montrer un groupe de travailleurs “reconnaissants”, se préparant pour la journée de travail. “Mais derrière cette propagande se cache l’histoire d’un programme de travail gouvernemental très controversé”, souligne le New York Times.
Les images des conditions de vie des Ouïgours à l’usine Hubei Haixin, “fièrement diffusées” par les médias d’État, “aident à comprendre” pourquoi le programme de transfert de main-d’œuvre est si controversé. “Les travailleurs sont tenus d’apprendre le mandarin et de jurer fidélité à la Chine lors de cérémonies hebdomadaires de lever du drapeau”, raconte le quotidien américain.
“Pour le gouvernement, la maîtrise du mandarin et les compétences en matière de travail en usine sont essentielles pour s’assimiler à la société chinoise.”
De son côté, le gouvernement salue ce programme comme une forme de “réduction de la pauvreté”. En réponse au New York Times, le porte-parole de l’ambassade de Chine aux États-Unis indique qu’il aide “les résidents locaux à sortir de la pauvreté grâce à l’emploi et à mener une vie épanouie”.
Travail forcé
Cependant, les “quotas sur le nombre de travailleurs” du programme de transfert de main-d’œuvre et “les pénalités encourues” par ceux qui refusent de coopérer montrent que la participation est souvent “contrainte”. Amy Lehr, directrice de l’Initiative pour les droits de l’homme au Centre d’études stratégiques et internationales, détaille ainsi :
“Il y a des quotas coercitifs qui font que des personnes sont mises au travail en usine alors qu’elles ne le souhaitent pas. Et cela pourrait être considéré comme du travail forcé en vertu du droit international.”
À la mi-mars, le gouvernement a ainsi transféré près de 2 000 Ouïgours de Hotan, dans le sud du Xinjiang, vers Urumqi, la capitale du Xinjiang, au nord. Cinquante d’entre eux ont été envoyés à Tianshan Textile pour y fabriquer des masques. Plusieurs entreprises textiles en Chine ont commencé à produire des masques au début de la crise de coronavirus.
Dans le Xinjiang, le nombre d’entreprises produisant des équipements de protection médicaux est passé de quatre à cinquante et un. “Nous avons constaté qu’au moins dix-sept d’entre elles participent au programme de transfert de main-d’œuvre”, détaille le New York Times.
Depuis 2017, près de trois millions de personnes par an ont été placées dans le programme. Mais la parole étant muselée et contrôlée, “il est pratiquement impossible de savoir qui, dans le programme de transfert, a été forcé de participer”, explique le quotidien américain.
Plus tôt cette année, un groupe de réflexion australien a identifié 83 grandes marques internationales dont les chaînes d’approvisionnement sont liées aux transferts de main-d’œuvre ouïgoure, dont Nike et Apple.
Lundi 20 juillet, l’administration Trump a interdit à onze entreprises chinoises d’acheter des technologies et des produits américaines sans licence spéciale, indique le New York Times dans un autre article. Les États-Unis affirment que ces entreprises sont “complices de violations des droits de l’homme” dans le cadre de la campagne chinoise visant les minorités musulmanes dans la région du Xinjiang.
The New York Times
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