Placé sous la figure tutélaire de Chak, dieu maya de la pluie qui a su atténuer à sa manière la chaleur tropicale, le contre sommet de l’OMC a pris ses quartiers du 9 au 14 septembre dans la ville de Cancun alors que parallèlement la 5e conférence de l’OMC s’était barricadée derrière des grilles à 10 km de là dans la zone hôtelière pour le grand marchandage mondial.
Pendant cette semaine de septembre, il y a bien eu un Cancun d’en haut et un Cancun d’en bas. Le Cancun d’en haut, celui de la Conférence des 146 ministres et des 1427 délégués, réunis pour la grande bataille du commerce mondial s’est retrouvé sous haute protection policière et militaire - plus de 20 000 - dans un décor de carte postale, entre plages et hôtels luxueux, dans la zone hôtelière (zona hotelera), le long de l’avenue Kukulcan, un long ruban de 25 km entre lagune et mer.
Le Cancun d’en bas a tenu pour l’essentiel son contre-sommet dans le centre-ville de la capitale de l’État du Quintana Roo. Quelques militants des ONG et des mouvements étudiants et antiglobalisations ont cependant réussi à franchir les barrières métalliques hautes de plus de 2 mètres et les multiples check-points sur la distance séparant la ville de Cancun de la zone hôtelière et ainsi tenter quelques actions symboliques à l’intérieur du Centre de Convention où se tenait la réunion de l’OMC ou à l’extérieur en occupant la rue ou en suspendant une banderole à une grue juste en face du « bunker officiel ». À noter également dans la zone rouge, le 8 septembre, la réunion du réseau parlementaire international où plus de 100 parlementaires du monde entier dont Roseline Vachetta, l’eurodéputée de la LCR, ont proposé 10 exigences à l’OMC.
Pour les autres, ceux qui n’avaient pas d’accréditation en bonne et due forme mais qui avaient entrepris un long périple souvent en autocar ou encore ceux qui avaient réussi à entrer au Mexique malgré des formalités douanières particulièrement draconiennes, le contre-sommet s’est déroulé principalement entre la casa de la cultura (maison de la culture), la plaza de la reforma (place de la réforme) et le kilomètre 0 qui marque l’entrée de la zone hôtelière. La casa de la cultura a été le centre névralgique de la mobilisation avec son espace permanent de discussion et son campement indigène à ses abords. Les mouvements de jeunes ont quant à eux investi le stade de base-ball mis à leur disposition par la municipalité. D’autres ont préféré planter leurs tentes dans le parc de Las Palapas, en plein centre-ville.
Malgré les conditions difficiles, les mouvements sociaux et altermondialisation ont tenté d’occuper tous les espaces publics possibles pour y mener des forums et des ateliers sur l’OMC. Aidés dans leur tâche par une radio pirate, radio Hurakan, d’un centre de convergence et d’un centre de presse indépendant, les militants pour la plupart originaires du Mexique, d’Amérique du Sud et du Nord ont préparé les deux principales manifestations de rue.
Ainsi le mercredi 10 septembre, 5 000 à 6 000 paysans firent route vers le kilomètre 0. Arrivés devant les grilles, les paysans forcèrent le passage puis s’en suivirent quelques échauffourées avec les forces de l’ordre. C’est à cette occasion que Lee Kyang-Hae, militant de la Ligue des paysans coréens, âgé de 55 ans s’est donné la mort en se faisant hara-kiri. La forte délégation sud-coréenne présente - plusieurs centaines - comme l’ensemble des mouvements en a été profondément affectée. Roseline Vachetta, présente lors de l’événement avec d’autres députés européens a apporté toute sa solidarité aux militants du « Pays du matin calme ». L’attention s’est dès lors focalisée autour du kilomètre 0. Le samedi 13 septembre, les 10 000 à 12 000 manifestants se rendirent à ce même endroit contre l’OMC et en mémoire au syndicaliste sud-coréen. Face au dispositif qui avait été renforcé, les manifestants eurent la géniale idée d’amarrer les grilles à de longues et solides cordes. Ainsi sous l’action coordonnée de centaines de tireurs à la corde parmi lesquels on pouvait voir les dirigeants de l’organisation paysanne Via Campesina, des syndicalistes coréens de la KCTU, ou encore des représentants de la confédération paysanne, de la FSU, de la FGTB (Belgique), des militants de Larzac 2003, de la LCR, la voie pour un autre monde possible a symboliquement été ouverte.