
Le même tableau non reproduit mais pour le nombre de cas, moins fiable étant donné qu’il repose sur l’intensité du testage, donne le Québec en troisième triste position loin derrière les ÉU et depuis quelques jours derrière la Suède. Ce qui montre en corollaire un ratio morts/cas québécois passablement élevé dû presque exclusivement, plus qu’ailleurs, à une perte de contrôle prolongée dans les résidences de personnes âgées du Grand Montréal sacrifiées pour éviter le débordement, qui n’a jamais eu lieu, du complexe médico-hospitalier au centre d’une des grappes industrielles stratégiques de Québec Inc. cherchant désespérément un deuxième souffle après les déboires de ses joyaux, Bombardier et SNC-Lavallin. Les « anges gardiens » du paternaliste premier ministre caquiste, travailleuses sous payées, sous équipées et débordées en grande partie racisées auront malgré elles été les anges de la mort porteuses du coronavirus envers des gens âgées mourant dans la solitude.
Si tout ne va pas bien aujourd’hui, l’horizon climatique s’annonce pire que prévue. Une nouvelle recherche révèle que le coût humain de la crise climatique sera plus dur et plus tôt que précédemment anticipé :
« La grande majorité de l’humanité a toujours vécu dans des régions où les températures annuelles moyennes se situent entre 6°C (43°F) et 28°C (82°F), ce qui est idéal pour la santé humaine et la production alimentaire. [...] L’humanité est particulièrement sensible parce que nous sommes concentrés sur la terre - qui se réchauffe plus rapidement que les océans - et parce que la plus grande croissance démographique future se fera dans des régions déjà chaudes d’Afrique et d’Asie. En raison de ces facteurs démographiques, l’humain moyen connaîtra une augmentation de la température de 7,5°C lorsque les températures mondiales grimperont de 3°C, ce qui est prévu vers la fin de ce siècle. [...] À ce niveau, environ 30% de la population mondiale vivrait dans une chaleur extrême ― définie comme une température moyenne de 29°C (84°F). Ces conditions sont extrêmement rares en dehors des régions les plus chaudes du Sahara, mais avec un réchauffement climatique de 3°C, elles devraient couvrir 1,2 milliard de personnes en Inde, 485 millions au Nigeria et plus de 100 millions au Pakistan, en Indonésie et au Soudan. » (Jonathan Watts, One billion people will live in insufferable heat within 50 years – study, The Guardian, 5/05/20)
Il y a de quoi se retrousser les manches aujourd’hui pour demain... et non après-demain. Alors on entreprend la lutte sans plus tarder pour mettre en œuvre un plan anti-pandémie qui débouche sur un plan de relance post pandémie climatique.
Sans changement structurel, la substitution des énergies renouvelables au pétrole ne suffira pas
Côté blockadia, s’impose un échéancier pour sortir des hydrocarbures, y compris pour la fabrication des plastiques qui engluent le cycle de la vie, bien avant 2050. Ce combat commande une stratégie de l’étouffement passant par l’interdiction de l’exploration, de l’exploitation, du transit, des exportations, par la substitution et surtout par la réduction drastique des besoins énergétiques. Il est impossible de convaincre le peuple travailleur de se débarrasser des hydrocarbures s’il ne voit pas une alternative crédible ce qui est davantage qu’une miraculeuse source d’énergie renouvelable, ce que n’est pas vraiment l’hydro-électricité ― pensons au chamboulement des bassins hydrographiques ― bien que les importants surplus hydro-québécois reportent le débat à l’heure du démantèlement des cathédrales dans le nord. En creux, le très critiquable et très populaire film The Planet of the Humans a au moins le mérite de poser le problème de la limite de la solution des énergies renouvelables sans changement structurel de l’économie.
Malgré ses biais et sa conclusion droitière implicitement raciste tels qu’explicités par George Monbiot [1] le film, tout en « oubliant » la critique des énergies nucléaire et hydroélectrique, montre le cul-de-sac du recours aux énergies renouvelables comme substitut aux hydrocarbures dans un monde resté accro à l’accumulation du capital et à la consommation de masse. Monbiot, toutefois, insiste plus sur les biais anti énergies solaire et éolienne du film en négligeant de préciser qu’il est exact que la tendance dans l’économie capitaliste énergivore est l’addition des énergies renouvelables aux énergies fossiles au lieu de s’y substituer. Le film reste muet sur la critique du capitalisme et du mode de vie insoutenable qu’il induit. La conséquence est de ramener le cinéphile au point de départ soit que l’énergie fossile est inéluctable, un mal nécessaire, que le problème est la surpopulation... de certains peuples racisés dont la consommation par habitant est pourtant dérisoire et dont l’accès à un niveau de vie, de services publics et de programmes sociaux adéquats, surtout pour les femmes, réduirait quasi automatiquement la taille des familles.
L’économie n’est pas une affaire de croissance du PIB mais de reproduction sociale du genre humain
La tâche principale d’un plan de relance climatique porte avant tout sur l’aspect alternativa. L’expérience de la pandémie a amplement démontré que son noyau dur en est le « prendre soin » des gens en commençant par leur santé d’où la revendication plus qu’évidente d’un ré-investissement massif et d’une restructuration humanisante dans ce secteur en débutant par le soin aux personnes âgées. On comprend mieux aussi que le logement est un lieu vital de repli sécuritaire. Il se doit d’être abordable, confortable, suffisamment spacieux, sain et épanouissant, certainement pas menaçant, pour les femmes et les enfants. Sauf pour les gens relativement riches, le marché privé est incapable de remplir ces conditions. Le droit au logement en fait une responsabilité publique ce qui amène à revendiquer la prédominance du logement social éco-énergétique de propriété publique et de gestion démocratique sur le logement privé tous les deux régis par un code du bâtiment tendant à l’autonomie énergétique devenu technologiquement possible. En attendant, le contrôle des loyers et l’interdiction des évictions restent nécessaires.
La pandémie fait comprendre que l’économie n’est pas une affaire de croissance du PIB comme condition sine qua non à l’accumulation du capital mais en est une affaire de reproduction sociale du genre humain auquel il faut de basiques produits et services à déterminer socialement dont le noyau reste l’alimentation, l’habitat, l’habillement auxquels l’urbanisation a ajouté les services de santé, d’éducation, de mobilité. L’être humain n’a pas besoin de valeur d’échange pour trafiquer et s’enrichir mais de valeur d’usage pour vivre et se reproduire. Plus profondément, la production de valeur d’échange déshumanise car elle est centrée sur la marchandise dont l’équivalent général est l’argent, celle de la valeur d’usage est centrée sur la satisfaction du besoin humain dont la mesure est la solidaire « égaliberté ». La première mène à l’asservissement de la seconde, à l’exploitation cumularde de la force de travail, à l’appropriation dominatrice des femmes pour se reproduire gratuitement ou à peu de frais, au racisme qui divise la grande majorité d’en bas pour que gouverne un groupe restreint d’hommes armés dont le pouvoir est assis sur la propriété privée des moyens de produire aux mains d’une poignée d’entreprises ne cessant de se concentrer.
La révolution du transport personnel commence par l’interdiction du véhicule privé et de la maison seule
Le revers du « prendre soin » des gens est le « prendre soin » de la terre-mère dont la clef de voûte est de juguler l’hypertrophie du transport. Le bon marché du pétrole a permis son boursouflement au point d’accaparer l’espace urbain tout en faisant exploser cet espace sur les terres avoisinantes agricoles et forestières. Ce bon marché a aussi permis la rentabilité toute relative, car largement subventionnée, et l’expansion globalisante de l’agro-industrie ― le régime de subventions la transformant en arme alimentaire au détriment des pays dépendants ― et de son dérivé l’alimentation carnivore. Pour l’atrophier, il s’agit moins de substituer une énergie bon marché extractiviste et polluante à une autre qui l’est tout autant. La démesure du transport des personnes s’est incrustée socialement par l’individualisation des moyens de transport devenu le socle de la consommation de masse car l’auto privée conduit à la maison unifamiliale qu’il faut ensuite meubler et enjoliver. L’esclavage de la dette hypothécaire et l’incrustation idéologique de la mentalité de petit propriétaire orbite le prolétariat autour de la planète capital, malédiction des « trente glorieuses » dans les pays impérialiste qui avec la société spectacle ont pavé la voie à la défaite du prolétariat par le néolibéralisme.
La mesure clef est l’interdiction de toutes les autos solos, à essence et électriques, dès 2030 dans les régions métropolitaines et leur remplacement par un transport en commun gratuit et dès que possible électrifié sur la terre ferme y compris des mini-bus éventuellement sans chauffeur dans les banlieues d’unifamiliales et un service complémentaire et bon marché d’autopartage. Au fur et à mesure de la disponibilité des alternatives, les autos solos seraient rachetées à leur coût d’achat déprécié. Cette urgence impose une interdiction immédiate de la construction de maisons unifamiliales et même en rangées, la densification obligatoire de celles existantes quitte à soutenir leurs résidents soit pour le déménagement soit pour la subdivision. Autrement il est impossible de construire une urbanité basée sur le transport actif et sur celui collectif et de maximiser la mixité des fonctions et l’agriculture urbaine. Le paradigme auto solo-pétrole-unifamiliale doit être remplacé non pas par celui auto solo-électricité-condo du capitalisme vert perpétuant l’étalement urbain mais par le paradigme transport en commun (autobus, tramways, minibus, autopartage complémentaire) gratuit, fréquent, confortable, partout, électrifié et construit principalement au Québec sur toutes les autoroutes et boulevards existants mais sans en ajouter aucun.
La réduction du transport des marchandises, le cœur de la bête, trouve sa solution hors transport
La disparition du véhicule privé induira automatiquement une efficacité accrue du transport des marchandises et par là une réduction de ses émanations de GES. Mais ce champion de la croissances des GES, beaucoup plus que le transport des personnes, nécessite une révolution structurelle pour atteindre les objectifs du GIEC dont la clef de l’énigme se trouve hors du secteur des transports, soit la réduction drastique de la consommation de masse, la souveraineté alimentaire, en particulier la généralisation des circuits courts et le réaménagement urbain-rural. La collectivisation des moyens de transport des personnes et celle de l’habitat frappera au cœur de la consommation de masse. La fin de l’obsolescence programmée par la durabilité et la mise à jour garanties des produits et la fin de la mode en faveur de la diversité fera le reste.
La fin du régime alimentaire basé sur la consommation de viande réduira grandement les surfaces cultivées (et l’apport en intrants dont surtout l’eau) de sorte à faciliter l’imbrication ville-campagne en partant de l’agriculture urbaine jusqu’à la grande culture des céréales et des oléagineux, très réduite, en passant par celle des fermes maraîchères, boostée. La mixité des fonctions urbaines maximisera le transport actif non seulement pour le travail mais aussi pour la logistique de la distribution électrifiée des produits vers des centres de quartier minimisant les énergivores grandes surfaces à la Walmart et, de l’autre côté de la médaille, la toute aussi énergivore livraison à domicile à la Amazon. Dans les zones rurales, le regroupement de l’habitat au village ira dans le même sens y compris pour faciliter le transport collectif, avec une part plus grande pour l’autopartage et même la camion-partage électrique, et l’habitat collectif qui pourrait inclure la maison en rangée.
La quantité consommée ainsi minimisée tout comme le transport à longue distance et même la distribution finale, resterait à déterminer la meilleure structure de moyens de transport de marchandises. Le rail (et le cabotage) électrifié est le moins énergivore et moins coûteux moyen de transport de moyenne et longue distance dont la souplesse qui lui manque peut être compensée par le transbordement de containers camions-navires-rail. Resterait le défi de rendre moins énergivore la navigation océanique par un mélange d’électrification et de voile. Cette modernisation-retour d’une technologie ancienne s’applique aussi au transport aérien avec le retour du dirigeable qui pourrait remplacer le très énergivore avion... à condition de rompre avec le culte de la vitesse découlant de la maximisation capitaliste de la rotation du capital. Le retour à une certaine lenteur pour le travail, les repas, la socialisation est au cœur du style de vie d’une société anticapitaliste.
Les crises des abattoirs et des fermes maraîchères peuvent paver la voie à la sortie de l’agro-industrie
L’agro-industrie, quand on tient compte non seulement de la production agricole proprement dite comme dans les statistiques officielles, mais aussi de la transformation de ses matières premières et de ses produits et particulièrement de leur transport y compris celui des consommateurs pour se les procurer, engendre plus du tiers des GES mondiaux. Si la forte atténuation du régime carnivore ferait un bout de chemin pour les réduire tout comme la souveraineté alimentaire, c’est la révolution agro-biologique qui est déterminante. (Contrairement aux dires de l’UPA, souveraineté alimentaire et agro-industrie sont antinomiques car la diversité de l’assiette contredit la monoculture de l’agro-industrie.) La pandémie crée l’opportunité de s’y mettre tant en matière agricole que plus généralement pour la reconnexion de l’humain à la nature.
Les abattoirs sont devenus de hauts lieux de contamination et il est impossible de faire autrement sans beaucoup baisser la productivité ce qui engorge les fermes d’élevage, ce qui oblige à nourrir improductivement les animaux ou les tuer à perte, ce qui entraîne un gaspillage de la production céréalière leur étant destiné qui « accapare plus de 80 % de la production [céréalière du Québec] » (MAPAQ). Pourquoi ne pas convertir dès cet été une petite partie de cette production en céréales pour consommation humaine directe ou maraîchère et embaucher une main d’œuvre pour ce faire, même peu productive, qui pourrait venir travailler en auto (eh oui !), en autobus et/ou être logé à proximité, le tout subventionné par l’État, qui le fait déjà à la planche pour l’agro-industrie, pour compenser le manque de productivité des urbains qui refusent les inacceptables conditions de travail des travailleurs agricoles.
Pour les grandes fermes maraîchères, le critère de la rentabilité de l’agro-industrie, assis sur la productivité du prolétaire agricole dont la balise est le rendement du travailleur mexicain-guatémaltèque sous-payé et surexploité, tendent à amener les producteurs agricoles à opter durant la pandémie pour une moindre production payante plutôt qu’une pleine production moins rentable malgré les programmes de soutien de revenu pandémiques auxquels les travailleurs non expérimentés d’ici ont droit. Pour cet été, n’aurait-il pas été possible d’offrir à ces travailleurs et à leurs familles le statut d’immigrant reçu sans compter leur accorder un meilleur salaire et conditions de travail, justice qui leur est due depuis longtemps. À moyen terme, il faut offrir aux travailleurs de l’extérieur la pleine protection du code du travail et le droit de syndicalisation.
Transformer les pelouses urbaines en jardins maraîchers comme voie vers la ferme paysanne
Pourquoi ne pas transformer les pelouses urbaines en autant de jardins maraîchers, familiaux et communautaires, avec masques, distanciation physique et lavage de mains ? Celles et ceux expérimentés, dûment payés et guidés par des experts, encadreraient les novices y compris les adolescents et les enfants. Ce serait une manière écologique de sortir en sécurité du pesant et, pour plusieurs, risqué confinement tout en préparant l’avenir. Cette expérience commencerait à créer un lien des urbains avec la terre en passant par sa jeunesse tout en s’appuyant sur celles et ceux qui y ont déjà le pouce vert grâce au jardinage dans les arrières-cours, de balcon et communautaire.
Cette expérience susciterait l’apparition d’une main-d’œuvre qui resterait ou retournerait au village pour devenir co-propriétaire ou coopérante de fermes paysannes assises sur l’agro-biologie. Ces fermes ont besoin d’une abondante main d’œuvre car elle vise la maximisation de la productivité du sol sous contrainte du maintien de sa fertilité et non celle de la maximisation de la productivité de la main-d’œuvre aux dépens du sol artificialisé comme l’agriculture industrielle. C’est cette caractéristique qui en fait par définition une agriculture anticapitaliste.
La ferme paysanne serait soutenue autant que l’est aujourd’hui la ferme agro-industrielle en particulier par une socialisation de sa finance et de sa distribution ce qui empêcherait l’étranglement de l’agriculture par la banque, ce que dénonçait le rapport Pronovost, et permettrait la mise sur pied de circuits courts et marchés paysans comme moyen principal de distribution et non pas comme méthode marginale à l’ombre des oligopoles Métro-Sobey-Loblaw-Walmart (dont une seule entreprise québécoise) qui contrôle l’approvisionnement en fonction de normes standardisées de la consommation de masse. La ferme paysanne a besoin d’un accès bon marché à la terre ce qui serait possible par l’intermédiaire de la constitution d’un fonds de terre étatique mis à la disposition des fermes paysannes sur la base d’un droit d’usage garanti tant que la ferme garde sa vocation de ferme agro-biologique.
La ré-ouverture, quelle ré-ouverture ?
Le Québec hors Montréal rouvre tout comme l’Ontario... sous la pression des affairistes tablant sur le choc encaissé par la population. C’est l’actuelle tendance mondiale à laquelle le gouvernement de la CAQ, tout comme ceux des autres provinces, a répondu présent. Aussitôt ré-ouvert, aussitôt le profit l’emporte sur les règles sanitaires. La CAQ, plus sensible aux intérêts des PME aux abois nettement dominants hors Montréal où se trouve sa base électorale, a failli amplifier la catastrophe montréalaise avant que les pressions populaires lui imposent un recul. Québec solidaire a eu beau rejeter la ré-ouverture montréalaise, il se montre incapable de proposer une stratégie de ré-ouverture de gauche. Finalement le Grand Montréal a rouvert tous azimuts et ses habitants qui le pouvaient se sont précipités en région, avec risques et périls pour celles-ci, pour leurs vacances celles aux ÉU étant non permises ni d’ailleurs dans les provinces maritimes, presque exemptes du coronavirus, où les gens du Québec sont vus comme des pestiférés.
La question litigieuse de la ré-ouverture scolaire divise les parents entre peur sécuritaire et nécessité de la reprise du travail comme celle du bien-être et de l’intérêt de leurs enfants. Si le parti était sérieux à propos de la santé publique, il s’opposerait à toute ouverture scolaire « normale » partout avant septembre au moins car les conditions de l’OMS ne sont pas réunies. Même si le Québec arrivait a faire le testage nécessaire, il est loin d’avoir prouvé qu’il peut faire le traçage qui s’ensuit ce qui exige une abondante main-d’œuvre travaillant rapidement (et sans s’illusionner sur les invasives applications web qui en pratique ne fonctionnent pas par manque de participation populaire). Last but not least, aucun pays occidental n’est prêt à imposer le dur confinement sélectif qui en découle aux personnes malades et à risque :
"[L]’expression ’’tester et retracer’’ ― et les histoires de réussite construites sur cette méthode ― laisse de côté quelque chose d’important. Quelque chose qui a été essentiel au succès de ces pays [est-asiatiques], mais qui reste tellement tabou aux États-Unis qu’elle est même rarement mentionné. Il y a une expression pour ce quelque chose : la quarantaine centralisée. C’est la troisième partie essentielle du test et du retraçage, qui serait peut-être mieux décrite comme ’’test, trace, mise en quarantaine’’. L’idée est simple. Si votre test est positif pour le coronavirus, vous êtes mis en quarantaine afin de ne pas pouvoir le propager pendant que vous êtes infectieux.
Si vous arrivez dans le pays depuis l’étranger, vous êtes mis en quarantaine. Si un membre de votre famille ou un ami est positif pour le coronavirus, vous êtes mis en quarantaine. Si vous vous rendez quelque part et qu’une autre personne à cet endroit est plus tard testée positive ― même si vous ne la connaissez pas ― vous êtes mis en quarantaine. Et la ’’mise en quarantaine’’ ne signifie pas que vous êtes gentiment encouragé à rester à la maison si vous le pouvez. Cela ne signifie pas continuer à se mêler à la famille. Cela ne veut pas dire sortir faire des petites courses et des promenades. Cela signifie quarantaine." [2]
Et que dire de la valse-hésitation à propos des masques que le gouvernement n’a pas d’abord recommandé et qu’il tarde à rendre obligatoire tout simplement parce qu’il en manque et qu’il n’arrive pas à en fournir. À signaler le rigoureux travail journalistique d’André Noël qui a démontré que la littérature scientifique prouve hors de tout doute la nécessité du port du masque dont l’efficacité l’est autant sinon davantage que le lavage des mains et la distanciation physique [3]. Faut-il signaler que dans les pays est-asiatiques qui ont jusqu’ici réussi à tenir en laisse le coronavirus, le port du masque y est généralisé depuis le début ou presque. André Noël n’a-t-il pas raison de réclamer la démission du « bon » Dr. Arruda suite à ces mensonges anti-scientifiques, son à-plat-ventrisme politique et ses pitreries méprisantes ? Et que dire de la capacité du réseau hospitalier d’absorber un surplus de malades, inexistante à Montréal de l’avis de tous, et non testé hors Montréal où ce réseau est sous-développé (et austérisé) sauf à Québec et à Sherbrooke mais non à Gatineau qui compte sur le côté ontarien.
Une ré-ouverture scolaire à gauche, en plus de la solution immédiate des jardins communautaires où les étudiants universitaires et cégépiens dûment rémunérés encadreraient la jeunesse primaire et secondaire, imposerait la gratuité de l’internet durant la pandémie, la distribution des ordinateurs à tous les élèves et étudiantes qui n’en ont pas et la mobilisation par les CLSC, comités de parents et organismes populaires d’un soutien aux familles en difficulté pendant que les professeurs prépareraient la rentrée de septembre dont des cours internet le cas échéant tout en assurant un minimum de travaux pratiques et de contacts pour finir l’année scolaire.
Une ré-ouverture économique à gauche imposerait au minimum le droit syndical, ou à défaut d’un obligatoire comité ad hoc de travailleuse, de fermer tout lieu de travail selon un protocole provenant de la Santé publique sans compter une bonification (ou la création) d’un inspectorat du travail ayant le pouvoir de fermer immédiatement un lieu de travail. Pour les personnes âgées, Québec solidaire a enfin proposé un important ré-investissement, une étatisation partielle des résidences et une priorisation des soins à domicile ― Il a fallu une immense pression interne et externe pour que le parti s’exécute ― mais pour l’immédiat aucune réquisition et mise en tutelle de grandes ou moyennes entreprises pour pallier au manque de matériel sanitaire ce qui au cœur de la catastrophe. La pandémie a en particulier démontré la faillite de l’industrie pharmaceutique que le gouvernement du Québec a subventionnée généreusement en vain pendant des décennies pour voir plusieurs de celles-ci foutent le camp ou réduire leur voilure. On ne peut conclure qu’à sa socialisation (étatisation-démocratisation).
La pandémie ouvre la voie à l’hégémonie du plan sur le marché, condition du plein emploi écologique
Une ré-ouverture à gauche appelle un plan de relance à gauche lequel recourt à une planification démocratique qui supplante la prééminence du « marché », pléonasme signifiant la dictature sous-jacente du capital financier et de sa poignée de cent à deux cent grandes transnationales. Souvenons-nous que ce « marché » ne tolère comme interventionnisme climatique que cette écofiscalité, catégorie de taxes régressives dont le niveau est limité par le chantage et la réalité de la grève et fuite des capitaux permises par le libre-échange.
Cette planification démocratique se déclinant par paliers résiduaires de bas en haut, évidemment d’application obligatoire comme l’est n’importe quelle loi, s’oppose à celle bureaucratique qui a fini par conduire à la faillite le « socialisme du XXiè siècle ». Si cette perspective paraissait complètement décrochée de la réalité avant la pandémie, la carabinée intervention économique de l’État, beaucoup plus forte que lors de la récession de 2008-09, la rend tout à fait possible comme a été possible la transformation de l’économie civile en économie de guerre en trois ans au début des années 1940 puis vice-versa. C’est cette alternative drastique, devenue nécessaire, qu’aurait dû populariser Ultimatum 2020.
Une société du « prendre soin » est aussi une société de plein emploi écologique et vice-versa. Un réinvestissement massif dans les services publics, anciens (santé, éducation, garderies, services sociaux) et nouveaux (banque publique, logement social éco-énergétique et collectivisé comme épine dorsale du secteur du logement, réhabilitation écologique de tous les bâtiments, transport en commun comme substitut à l’auto solo, agriculture biologique rurale et urbaine, programme d’efficacité énergétique et d’énergie renouvelable) créera énormément d’emplois stables et bien rémunérés.
Ces emplois remplaceront ceux supprimés tout aussi massivement dans le secteur des hydrocarbures, de l’extraction et de l’armement, dans la fabrication reposant sur l’obsolescence programmé et la mode et aussi sur la production de masse telle l’automobile, dans le marketing et la publicité, dans la logistique dont le camionnage, dans les secteurs boursouflés du commerce et de la finance mais non nécessairement dans les
services privés aux personnes telle la restauration et les services communautaires et à domicile.
Ce sera un festival des emplois aujourd’hui féminins dans lesquels les hommes devront se recycler car ce sera l’hécatombe pour leurs secteurs d’emploi d’aujourd’hui axés sur la production de masse. À ce point que le mot d’ordre syndical de « transition juste », si juste soit-il, a un petit côté défensif et sexiste alors qu’il est tellement évident que la société de « prendre soin » créera des emplois nouveaux à profusion à l’épreuve de toute robotisation même s’ils pourront être soutenus mais non remplacés par l’intelligence artificielle.
Par contre, l’automatisation intelligente sera en mesure de remplacer en grande partie ces énergivores emplois extractivistes et manufacturiers qui resteront indispensables pour fabriquer les infrastructures et machineries nécessaires afin de collectivement nous loger, climatiser et transporter sans compter nourrir et vêtir chacune d’entre nous de façon créative mais sobrement. Dans ce contexte, l’équilibre de plein emploi durable sera atteint par l’ajustement du temps de travail à la baisse d’autant plus facilement que la cumulatrice et consumériste angoisse de la précarité et de la sécurité disparaîtra avec son cortège de stress et d’obésité. De même, qu’à court-terme dans les pays du vieil impérialisme, les flots de réfugiées viendront en renfort, grâce à des frontières ouvertes, dynamiser une population vieillissante.
Avec la nouvelle donne mondiale, la lutte indépendantiste, déjà évanescente, reste-elle pertinente ?
L’humanité vit un tournant qui fera de la question écologique (climat-biodiversité), et non plus la question économique, la question centrale de la politique ce qui déterminera toutes les autres. Le capitalisme combattra bec et ongles ce virage tout en tentant de s’adapter par le verdissement de l’accumulation du capital. La gauche anticapitaliste n’aura plus d’autre choix que de se centrer définitivement sur les rapports de l’humanité avec la nature, rapports qui teinteront tous les rapports d’exploitation et d’oppression. Il faudra questionner la verdure de chaque investissement comme celle de toute lutte sociale, rendre explicite pour la compréhension générale leur caractère écologique. On constate une forte inflexion des rapports internationaux peut-être le début d’un renversement du rapport de forces entre les ÉU et la Chine et leurs alliés, entre les pays du vieil impérialisme et les pays émergents est-asiatiques. Si plus que jamais devient évidente la nécessité d’un gouvernement mondial démocratique, les cartes se brassent dans l’autre sens. Plus le pétrole plonge, plus on vole à son secours.
En est-il de même au sein de l’État canadien ? Les luttes prolétarienne et populaire, qui déjà n’en menaient pas larges, paraissent s’être tues en particulier si on les compare à celles qui surgissent aux ÉU et dans maints pays européens. Et voici que des réactionnaires, au nom de la liberté. comblent le vide en organisant une parade d’autos de Montréal à Québec. Les gouvernements fédéral et provinciaux gardent la cote auprès de leurs populations respectives même si le gouvernement québécois perd des plumes par rapport à son appui stratosphérique du début de la pandémie.
Pour l’heure, le peuple québécois sort grand perdant tout comme la lutte autochtone, en commençant par celle des Wet’suwet’en, s’en trouve marginalisée. La revendication de l’indépendance du Québec ― on ose à peine parler de lutte ― épine dorsale depuis la « révolution tranquille » de toute stratégie anticapitaliste canado-québécoise non-dogmatique, déjà bien discrète depuis 20 ans, devient-elle caduque coincée entre la mondialisation des enjeux, ce que la pandémie souligne à double traits, et l’échec lamentable de la gestion de la pandémie par son gouvernement identitaire ce qui fait apparaître celui fédéral comme un sauveur suprême ?
L’indépendance nationale reste nécessaire pour s’extraire du Canada pétrolier-financier de l’axe Toronto-Calgary. La totalité de l’épargne nationale, y compris une réforme fiscale mettant à contribution de 1% et les classes moyennes supérieures, devra être mobilisée pour « prendre soin » des gens et de la terre-mère. Il sera nécessaire de mettre au pas les institutions financières sinon carrément les exproprier et faire des transport ferroviaire et maritime nationalisés l’épine dorsale du transport des marchandises. C’est parce qu’il avait un projet de société libérateur pour lequel il s’était fortement mobilisé dans la décennie 1966-76 que le peuple québécois avait relevé la tête contre son oppression nationale et s’était attiré le respect du peuple canadien... et la haine du gouvernement fédéral sous la direction du père de l’actuel Premier ministre canadien.
Il serait possible de faire une entente avec l’Ontario et le Nouveau-Brunswick pour lui exporter à bon prix de l’hydroélectricité en surplus ou récupérée de l’efficacité énergétique des bâtiments contre la fermeture de ses centrales nucléaires. De même, il serait possible de mettre fin avant terme au pillage de l’hydroélectricité terre-neuvienne par le petit impérialisme québécois contre une mise en valeur, conjointement avec le peuple innu et avec son plein consentement, du potentiel hydroélectrique et éolien du Labrador en autant qu’il se substitue à de l’énergie fossile ou nucléaire. Ainsi le projet indépendantiste apparaîtrait bénéfique aux populations des provinces voisines, quelque soient les réponses de leurs gouvernements, et aux peuples autochtones dont les territoires ancestraux recoupent la province fédérale du Québec.
Ce qui menace en ce moment notre lutte indépendantiste est la désaffection d’une grande partie de la jeunesse. Elle ne ralliera « la cause » que si indépendantisme se conjugue avec la lutte climatique comme une révolution anticapitaliste. Durant la pandémie, le parti se tait sur l’indépendance. S’il prônait une politique pandémique alternative débouchant sur un plan de relance climatique, l’articulation avec l’indépendance apparaîtrait au grand jour. Mais en ce moment notre indépendantisme pandémique réellement existant est bien misérable. Pire, se taire sur le racisme endémique qui se dégage du pic de contagion de Montréal Nord, comme le fait Québec solidaire, est plutôt un clin d’œil au nationalisme raciste, et fédéraliste rappelons-le, de la CAQ. Les remarques négatives du Premier ministre canadien et des experts fédéraux vis-à-vis le Québec ont beau être opportunistes, elle visent en plein dans le mil. La cause de l’indépendance en prend un coup que ce soit vis-à-vis de la réputation mondiale du Québec ou de la confiance du peuple québécois en lui-même.
Virer à l’envers la théorie du choc de Naomi Klein au dépens du capital pour sauver le peuple-travailleur
Il faut sortir de l’ornière cul-de-sac du retour à la dite normale mais moins productive alors que l’on sait très bien que la loi capitaliste de la compétitivité va pousser le patronat, grand, moyen et petit, à prendre des raccourcis par rapport aux mesures sanitaires... pour aller plus vite vers la dite immunité collective c’est-à-dire l’hécatombe des aînées, des malades chroniques et des pauvres se débarrassant d’un poids mort lestant le profit. La profonde crise économique qui s’installe laissera un haut taux de chômage qui affaiblira durablement le rapport de forces populaire face au patronat et gouvernement. L’affaiblissement durable des PME favorisera leurs acquisitions par les grandes entreprises tout comme la fusion de ces dernières.
Quand Québec solidaire réclamera-t-il :
• la réquisition / mise en tutelle / socialisation pour la fabrication d’EPI et de médicaments et non seulement une Pharma-Québec post-pandémie ;
• une immédiate offre de convention collective qui booste salaires (hausses forfaitaires) et surtout les conditions de travail (les ratios et planchers d’emploi) surtout pour les bas-salariées ;
• dès maintenant et définitivement des soins aux aînées réinvestis, réformés et socialisés ― revendication que Québec solidaire a proposé sur le tard ― et la santé et éducation réinvestis massivement, et des garderies gratuites sans tarder ;
• le droit aux syndicats de fermer un lieu de travail si les mesures sanitaires sont déficientes ;
• la mobilisation dès cet été de la jeunesse pour le jardinage urbain par la réquisition des terrains gazonnés et le soutien de ceux et celles prêts à aller aux champs ;
• la réquisition de logements et hôtels et leur transformation définitive pour loger non seulement le débordement des malades mais aussi les sans-abris, les mal logés et les femmes violentées ou leurs conjoints ;
• des rues transformés en définitifs corridors piétonniers et cyclables y compris pour les conditions d’hiver ;
• la gratuité du transport en commun et la bonification en infrastructures à l’avenant ;
• la possibilité pour les travailleurs agricoles de l’extérieur de l’acquisition du statut d’immigration reçu et le droit de se syndiquer ;
• l’annulation, et non seulement le report, des paiements hypothécaires, des loyers et des paiements pour les services publics ;
• l’extension du 500 $ par semaine pour le temps de la pandémie et pour l’ensemble de la population (assistés sociaux, sans papier) ;
• la forte imposition supplémentaire des banques et des transnationales et grandes entreprises profitant de la pandémie à commencer pat les GAFAM ― une autre proposition Solidaire sur le tard ― et surtout la prise de contrôle étatique des banques suite à leur soutien massif par la Banque du Canada ;
• la socialisation au prix du marché, actuellement fortement dévalorisé, des entreprises pétrolières et aériennes tout en garantissant l’emploi puis le recyclage de leurs travailleurs ;
• la participation gouvernementale et des travailleurs à l’actionnariat des entreprises secourus par les nouveaux programmes gouvernementaux au prorata de l’aide reçue ;
• la suspension immédiate du remboursement de la dette publique pour utiliser les sommes libérées en matière de santé publique.
• la régularisation des réfugiées surtout que plusieurs sont des « anges gardiens » y compris l’accueil de ceux soi-disant illégaux ;
• la libération des prisonniers selon les normes de la Ligue des droits et libertés ;
• le financement de l’Organisation mondiale de la santé pour compenser l’odieux retrait étasunien ;
• la participation québécoise et canadienne au fonds de l’ONU pour les pays dépendants.
• L’annulation des dettes publiques des pays les plus pauvres aux institutions financières internationales et aux États
Appuyer et populariser la grande débrouillardise, prémisse du pouvoir du peuple-travailleur
Tout dernièrement la grande presse a fait connaître des exemples de mobilisation populaire dans les quartiers, souvent racisés, parfois en collaboration avec les arrondissements de la Ville de Montréal, et en milieu étudiant. Sans doute ce n’est là que la pointe de l’iceberg :
"« Les gens avaient tellement faim au début de la crise », raconte la mairesse de Montréal-Nord, Christine Black. Une situation intolérable qui a provoqué un véritable branle-bas de combat dans son quartier, où la communauté a finalement réussi à se porter au secours des tout-petits grâce à la générosité de citoyens, des organismes et des gouvernements. Aujourd’hui, se félicite la mairesse, la crise alimentaire provoquée par la crise sanitaire est pratiquement réglée : « Ça va mieux, on a senti que ça s’est calmé. On me dit que la situation est sous contrôle. »
Comment les organismes ont-ils fait pour rejoindre les familles en situation d’insécurité alimentaire ? Dès que les écoles ont fermé, le Club des petits déjeuners s’est posé la question. Il voulait s’assurer que les enfants qui déjeunent normalement dans un de ses programmes (plus de 250 000 enfants au Canada, dont 32 000 au Québec) puissent continuer à avoir accès à de la nourriture." (Véronique Lauzon, Une crise qui en cache une autre, La Presse, 6/05/20 :
https://www.lapresse.ca/covid-19/2020-05-06/une-crise-qui-en-cache-une-autre]]
Brigade communautaire
"Dans le quartier de Montréal-Nord, on côtoie la pauvreté au quotidien. Mais depuis la pandémie, c’est encore pire, constate Brunilda Reyes, directrice de la banque alimentaire Les fourchettes de l’espoir. « En temps normal, on aide environ 40 familles par semaine. Ces derniers temps, c’est entre 200 et 250 familles, soit l’équivalent de 600 personnes. » Problèmes d’accès aux services de santé, à des fruits et légumes frais, à l’information, au transport en commun, fracture numérique, densité de population. « Ce sont des problématiques qui existent et que l’on nomme depuis longtemps, mais la crise vient exacerber tout ça », constate Sophie Laquerre. Il y a quelques semaines, une « cellule de crise » a été mise sur pied et on a rapidement constaté qu’il y avait un problème de communication avec les citoyens. Avec d’autres organismes, Mme Laquerre a mis sur pied une brigade qui sillonne les rues du quartier.
Avec leurs chandails orange, Wydnaïson, Dermnst, Marilyn et Augustin ne passent pas inaperçus. Ils font le tour des parcs, des commerces, des ruelles et de tous les endroits où il y a généralement des rassemblements. Ils rappellent à tout un chacun l’importance de respecter les deux mètres de distance et de porter un masque. Ils répondent aussi aux questions des citoyens. Parfois, une simple conversation peut avoir une grande influence, notent les jeunes intervenants. « On ne force pas personne, on leur donne juste les consignes de base, explique Dermnst. Par exemple, si on voit des jeunes dans un parc, on leur explique pourquoi ils ne peuvent pas être là. Mais après ça, ils font ce qu’ils veulent. » Plusieurs demandent des masques. L’équipe les accompagne jusqu’à l’écoquartier, à deux coins de rue, où l’on distribue des masques gratuitement. « J’ai donné près de 100 masques aujourd’hui, pour un total de plus de 1000 masques depuis une semaine et demie », explique Martin Faulkner, qui travaille bénévolement au centre." [4]
« Il y a de ces moments dans la vie où il faut réagir dans la précipitation et la hâte. Surtout lorsque tout s’effondre et que l’on se demande de quoi notre lendemain sera fait. Lorsque la crise du coronavirus a frappé, la Cuisine collective Hochelaga-Maisonneuve (CCHM) a dû arrêter abruptement ses activités. [...] « Comme on ne pouvait plus accueillir nos 43 groupes de cuisine collective dans nos locaux, on a décidé de redéployer nos services en sens inverse », explique Benoist De Peyrelongue, directeur général de la CCHM. « On cuisine maintenant pour eux et on leur livre ensuite la nourriture », lance-t-il avec enthousiasme. Le tout s’est organisé très rapidement — en l’espace de quelques jours — grâce à un vaste réseau de solidarité qui était déjà présent, mais qui s’est retissé avec des mailles encore plus serrées. » [5]
"Une centaine de masques réutilisables destinés aux personnes vulnérables de l’arrondissement Mercier-Hochelaga-Maisonneuve (MHM) ont été distribués cet après-midi, 14 mai, devant l’organisme Chic Resto Pop.
Il s’agit d’une première distribution des 15 000 masques achetés par l’arrondissement et la Ville-centre. […] nous travaillons de concert avec les organismes du réseau d’entraide alimentaire. D’autres partenaires sont aussi mis à contribution, tels que l’OMHM et le CIUSSS à travers la clinique mobile », précise-t-elle. Les familles, les aînés et les personnes dans le besoin recevront ces masques réutilisables, en plus de leur aide alimentaire." [6]
« L’Université de Montréal a mis sur pied ces « stages humanitaires » de trois crédits (l’équivalent d’un cours) à la demande d’étudiants désireux de faire leur part durant la crise sanitaire. « Ils avaient entendu les appels du premier ministre, dit Tony Leroux, vice-doyen aux sciences de la santé de l’Université de Montréal. Ils nous ont approchés pour que les heures effectuées en CHSLD soient reconnues à l’intérieur de leur programme. » » [7]
On ne doute pas que la militance de la gauche politique et sociale participe à toutes ces initiatives et à l’entraide spontanée de voisinage sans compter toutes celles et ceux qui œuvrent dans les services essentiels souvent sur la ligne de front. Signalons l’ancien candidat-vedette de Québec solidaire d’origine haïtienne dans Montréal-Nord qui joue un rôle remarqué dans son quartier. Dommage qu’en 2019 le refus du parti de s’excuser auprès de la communauté chinoise, que cet ex-candidat avait publiquement appuyé, suite à l’incident des « Chinois prédateurs », ait sans doute refroidi son identification au parti. N’empêche, la gauche se doit de populariser ces initiatives par ces réseaux et médias alternatifs et surtout à leur donner leur sens politique soit le début du commencement d’un contre-pouvoir du peuple-travailleur. Mais sans l’explicitation consciente de cette réalité par la gauche politique, il n’y aura pas le début du commencement de l’émergence d’une conscience de classe.
Marc Bonhomme
Post-scriptum :
Le gouvernement de la CAQ présente jusqu’ici un des pires bilans mondiaux de la gestion de la pandémie. Il a tout de même réussi à conserver un fort soutien populaire par sa nationaliste démagogie populiste sur fond de démission des syndicats qui commencent à peine à riposter et d’accommodement Solidaire à sa gestion catastrophique que le parti commence sur le tard et avec hésitation à remettre en question. La CAQ, profitant d’une baisse des ravages de la covid-19 contre-attaque avec son mammouth projet de loi 61 au profit de « l’industrie de la corruption » devenu de facto le lamentable nouveau Québec Inc. après les déboires des fleurons de jadis. Il leur déroule le tapis rouge en accélérant les projets connus d’infrastructure tout en supprimant contraintes environnementales, sociales et surtout démocratiques résultant de décennies de luttes sociales au point de vouloir s’octroyer le droit « de changer des lois par décret » et « l’immunité de poursuite ». Il fait de ces (ex-)corrompus les champions de la relance aux dépens des « services essentiels » ré-noyés dans le train-train de la ré-ouverture et promis à une nouvelle austérité anti-dette.
Heureusement, le gouvernement de la CAQ ne peut faire abstraction de sa gestion catastrophique des résidences de personnes âgées. Anticipant une très probable deuxième vague que le comportement désinvolte d’une population décompressant d’un rude confinement, se décontractant dans les canicules estivales en série et faussement rassurée par l’idéologie de la réouverture à tout prix, il forme à la va-vite cet été 10 000 préposées aux bénéficiaires (aide-soignantes) auxquelles, pour pouvoir les recruter, il a du promettre un salaire bien au-dessus non seulement du salaire minimum mais aussi du salaire des actuelles préposées du secteur public et encore plus de celui privé. Empêtré dans ses contradictions, le gouvernement québécois improvise pendant que la gigantesque convention collective du secteur public l’attend au coin de la rue faute de ne pas l’avoir réglé en deux temps trois mouvements au début de la pandémie, tellement les bureaucraties syndicales étaient incapables à faire avaler à leurs membres les concessions demandées, le grand défi de son mandat devenant un boulet à traîner.
Présumant de sa crédibilité populaire aux pieds d’argile, il a aussi du reculer sur l’adoption dans la précipitation de la loi 61 devant un tollé général bien au-delà des coupables habituels. « Du Barreau au Comité de suivi de la Commission Charbonneau, de la Vérificatrice générale à la Protectrice du citoyen en passant par l’Inspecteur général de Montréal ou l’Agence des marchés publics, toutes ces institutions vitales dans une démocratie sont venues dire qu’en voulant aller vite, le gouvernement ouvrait toute grande la voie à la collusion et à la corruption qui a coûté si cher au Québec ces dernières années » [8]. Voilà la CAQ aux prises avec deux gros dossiers au retour des vacances lequel retour risque aussi d’être aussi celui de la pandémie. Mieux vaut chercher noise au grand frère fédéral accusé d’avoir prolongé jusqu’à la fin août son généreux programme de soutien du revenu – 500$ par semaine – presque sans condition ce qui lui attire la colère des grandes entreprises de commerce au détail sur rue et des PME, base sociale de la CAQ, rendant difficile leur réouverture avec les mêmes petits salaires cette fois sans prime pour « services essentiels ».
Marc Bonhomme, 18 mai 2020, avec une introduction et un post-scriptum du 30 juin 2020
www.marcbonhomme.com ; bonmarc videotron.ca