C’est en 1995 que j’ai commencé à prospecter le parc des Beaumonts pour y inventorier les principaux insectes et, notamment, les papillons. A deux reprises, en 1996 et 1999, j’ai consigné mes observations, que notre ami Pierre Rousset m’a permis d’insérer en annexe de ses rapports d’observation ornithologiques. Qu’il en soit ici vivement remercié ! ! Six ans ont passé depuis mes dernières observations et dix ans bientôt depuis le début de mes prospections beaumontoises. Il me paraît donc opportun de faire un bilan décennal de l’ensemble de ces observations, en mettant en exergue les évolutions dans les effectifs d’espèces, surtout depuis le réaménagement du parc en réserve naturelle de fait.
Que l’on se rassure dès maintenant, le résultat est on ne peut plus positif !
Voici donc cette liste des papillons observés depuis 10 ans, classées par famille. J’y ai joint, pour chaque espèce, le nom latin et, pour ne pas rebuter les non initiés, le nom français. La nomenclature utilisée est celle de l’excellent livre de Tristan Lanfranchis : Les papillons de jour de France, Belgique et Luxembourg et leurs chenilles (éditions Parthénope), un ouvrage qui doit impérativement figurer dans la bibliothèque de tout naturaliste.
PAPILIONIDAE
Papilio machaon (le Machaon) : Mai à août– Biotopes ouverts (“ Savane ”) : Observé pour la première fois en 1996 . Le Machaon semble avoir constitué une colonie stable même si ses effectifs ne sont pas très nombreux ; il est maintenant bien enraciné aux Beaumonts. C’est un excellent indicateur de qualité du biotope.
PIERIDAE
Pieris brassicae (Piéride du chou) : Mai à septembre – Tous biotopes : Observée régulièrement, sans jamais être commune, en 2003 notamment. Fréquence variable selon les années.
Pieris rapae (Piéride de la rave) : Avril à octobre – Tous biotopes : la banalité absolue que l’on trouve durant toute la saison entomologique, même durant les prospections les plus médiocres...
Pieris napi (Piéride du navet) : Avril à octobre – Tous biotopes : Se trouve en mélange avec la piéride de la rave, ne s’en distingue que par le dessous de ses ailes. On ne peut la reconnaître que lorsqu’elle est posée.
Anthocharis cardamines (l’Aurore) –Avril à mai – Présente aux Beaumonts, assez commune pour autant que je puisse en juger par mes observations de 1996 et de trop brefs passages en mai 2001 et juin 2004.
Colias crocea (le Souci) – Juin à septembre – Migrateur irrégulier, il n’est pas indigène en Ile-de-France. Sa fréquence aux Beaumonts est variable. Observé par individus isolés en 1995, visiteur régulier en 1999 et 2003, où il s’est montré assez commun.
Gonepteryx rhamni (le Citron). Vu un seul exemplaire en mai 1995. Sans doute doit-il être observé au premier printemps, au sortir d’hibernation ?
Leptidea sinapis (la Piéride de la Moutarde). Un exemplaire le 29 juin 2003. Hôte exigeant et sensible aux variations du biotope, sa présence est révélatrice de son équilibre. A suivre de très près !
NYMPHALIDAE
Aglais urticae (la Petite Tortue) . Toujours par exemplaires isolés au printemps. Bien moins commune qu’il y a une décennie, alors que, parallèlement, les effectifs des autres Vanesses inféodées aux Orties se sont bien maintenus (avec même une hausse sensible dans certains cas ).
Inachis io (le Paon de Jour) : Fréquence variable selon les années, en particulier au printemps et au début de l’été. Bien visible sur les Buddleyas . Hiverne en Ile de France.
Polygonia c-album (le Gamma ; le Robert-le-Diable) : Par exemplaires isolés, d’avril à septembre. Visible surtout en fin d’après-midi .
Vanessa atalanta (le Vulcain) : Hôte régulier des Beaumonts, il n’est pas rare de le voir, en fin d’après-midi, voler au pied des arbres. Ses effectifs semblent en constante augmentation en Ile-de-France, où il hiberne depuis une bonne dizaine d’années à la faveur de l’“ attiédissement ” constant des hivers.
Cynthia cardui (la Belle Dame) : D’ordinaire épisodique aux Beaumonts (comme dans toute la moitié nord de la France), cette Vanesse a pullulé de manière exponentielle durant les étés 1996 (chaud, sans plus) et, surtout, 2003 (conditions climatiques quasi – djiboutiennes !) . J’ai recensé , en 2003, jusqu’à 30 individus sur un seul buddleya.
Il est à noter que ces papillons, présents sans discontinuer de la mi-juin à la fin août étaient tous très frais (contrairement aux quelques spécimens que l’on peut croiser d’ordinaire dans le parc), ce qui laisse à penser qu’il s’agissait d’individus nés en Ile de France à la faveur d’une deuxième génération, estivale, avantagée par les conditions météorologiques. Les spécimens plus “ frottés ” viennent, ordinairement, du sud de la France, de la péninsule ibérique, voire d’Afrique du Nord, où le papillon est présent toute l’année.
Il est à noter que ce papillon ne peut survivre à l’hiver dans notre région ; les individus de la deuxième génération sont inexorablement condamnés à mourir aux premiers froids, avec leur éventuelle descendance, à l’état d’oeuf ou de chenille....
Melanargia galathea (Le Demi-deuil) : Une colonie, bien localisée dans la Savane , où le papillon est abondant (mi-juin,mi-juillet, avec un “ pic ” durant les derniers jours de juin.
Pararge aegeria (le Tircis) : Présent d’avril à fin octobre, toujours par individus isolés, mais remarquablement régulier. Fréquente essentiellement les sous-bois.
Lasiommata maera (le Némusien) : présent par spécimens isolés en août.
Maniola jurtina (Le Myrtil) : présent en juillet-août, régulier sans être très commun.
Coenonympha pamphilus (le Procris) Fréquence variable selon les années. Présent de mai à septembre dans les milieux ouverts.
Pyronia tithonus (l’Amaryllis) : Vu à deux reprises, le 14 juillet 1999 et le 22 août 2004. Peut-être plus commun qu’il n’y paraît (confusion avec de petits sp.du Myrtil...ou de gros sp.du Procris)
LYCAENIDAE
Lycaena phlaeas (le Cuivré) : Un nouveau venu aux Beaumonts ! Observé pour la première fois le 22 septembre 2003 , je l’ai retrouvé en 2004, les 18 mai et 14 juillet. A suivre, ce papillon étant un excellent indicateur de qualité des biotopes.
Polyommatus icarus (l’Argus bleu) : fréquence variable d’une année sur l’autre ; en général assez commun dans les espaces découverts. Peut être très commun certaines années. (Mai à septembre).
Celastrina argiolus (l’Azuré des nerpruns ; l’Argus à bande noire) : en général commun, en biotopes forestiers ; visible d’avril à septembre.
Aricia agestis (l’Argus brun) : un exemplaire vu avec certitude le 14 juillet 2004, peut être plus commun qu’il n’y paraît.
HESPERIIDAE
Ochlodes venatus (la Sylvaine) : assez commun en été (juin-début septembre)
Hesperia comma (la Virgule) : relativement régulier, dans les mêmes périodes que le précédent
Carcharodus alceae (la Grisette) : régulier, sans être réellement commun, durant la période estivale. Aisément reconnaissable à ses couleurs moirées très caractéristiques.
HETEROCERES
Je mentionnerai avant tout les espèces diurnes, aisément reconnaissables.
NOCTUIDAE
Euclidia glyphica : très commune l’été, cette petite espèce est aisément reconnaissable à la vive coloration noire et jaune de ses ailes postérieures.
Autographa gamma : se montre régulièrement, mais par individus isolés de jour. Toutefois, une chasse nocturne, organisée dans le parc au soir du 27 juin 2003 avec mes amis lépidoptéristes Bruce PURSER et Sonia RUBINOWICZ nous a donné l’occasion d’en voir plusieurs dizaines de spécimens (c’était d’ailleurs le seul papillon nocturne commun cette nuit-là).
Il cohabitait avec les autres noctuelles suivantes :
Tyta luctuos a (la Noctuelle funèbre) : espèce de taille petite (3 cm), mais aux motifs noirs et blancs bien contrastés.
Noctua pronuba (la Fiancée) : Reconnaissable à ses ailes postérieures jaunes d’or bordées de noir.
GEOMETRIDAE
Deux espèces diurnes sont régulières de juin à septembre
* Semiothisa clathrata (la Géomètre à barreaux)
* Ematurga atomaria (La Phalène picotée –ou mouchetée)
ARCTIIDAE
Tyria jacobeae (la Goutte de Sang) . On trouve surtout, en été, sur les tiges des Séneçons, les chenilles, reconnaissables à leur livrée jaune et noire, qui a valeur d’avertissement pour les prédateurs. J’ai pu voir le 26 juin 2004, avec Sonia RUBINOWICZ, Bruce PURSER et Gilbert ROUDIER, 3 ou 4 imagos, qui, eux aussi, arborent des couleurs vives, vertes et rouges, prouvant leur toxicité. Cette espèce est un bon indicateur de la qualité du milieu et doit donc être suivie de près.
Euplagia quadripuncta (l’Ecaille chinée) : un sp. sur buddleia le 14 août 1998. Sans doute plus commun qu’il n’y paraît...
ZYGAENIDAE
Zygaena filipendulae (la Zygène de la filipendule). Une petite colonie depuis 2002 . Là aussi, son installation est signe de bonne qualité croissant du biotope. Espèce à suivre !
LASIOCAMPIDAE
Lasiocampa quercus (le Bombyx du Chêne) : visible les après-midi d’été et reconnaissable à son vol zigzaguant et fort rapide. Sporadique.
SPHINGIDAE
Macroglossum stellatarum (le Moro-sphinx) : observé de temps en temps de juin à septembre.
QUE CONCLURE ?
Par rapport à 1999, la situation a encore évolué. En bien !
Certaines espèces, non mentionnées dans ma liste de 1999, sont apparues aux Beaumonts, fût-ce sous forme d’exemplaires uniques : la Piéride de la Moutarde, le Cuivré, la Zygène de la filipendule..
Mais le plus important est la consolidation des espèces indicatrices de la qualité du milieu : le Machaon, La Goutte-de-Sang, la Zygène de la filipendule, toujours, sans oublier la florissante colonie du Demi-deuil, au mois de juin.
Les Beaumonts sont,en outre, les années fastes, un refuge apprécié des migrateurs : le Souci, et,surtout, la Belle-Dame.
De tels indices, joints à ceux que ne manqueront pas de nous révéler ornithologues et botanistes, confirment l’importance jouée par ce parc en tant que refuge de la faune et la flore, dans ce secteur largement urbanisé de l’Est parisien.
De plus –last but not least- les Beaumonts jouent un rôle important dans la vie conviviale de Montreuil et de ses environs : c’est à la fois un pôle de détente pour les habitants et aussi, pourquoi ne pas le dire, un lieu de culture ; les gens –et surtout, fait réconfortant, les plus jeunes- y font l’apprentissage de la découverte de la nature, avec un souci partagé de la connaître, l’aimer et la respecter, dans la plus grande convivialité possible....
C’est aussi, ce qui ne gâte rien, un point de ralliement des naturalistes parisiens en quête de trouvailles : plus d’une fois, il m’est arrivé d’y croiser des collègues et amis, lépidoptéristes ou coléoptéristes, par ailleurs habitués des réunions du “ 45 rue de Buffon ” , lieu bien connu des initiés....
Il reste à souhaiter que l’exemple des Beaumonts soit suivi, à terme, par l’ensemble des communes franciliennes urbanisées, qui pourraient consacrer ne serait-ce que quelques hectares à la mise en œuvre ou à la restauration d’espaces naturels vierges de toute construction et dévolues à la faune et la flore naturelles.
Ainsi pourrait être développée une chaine de biotopes pouvant servir de relais de diffusion notamment pour les insectes et les oiseaux, et de refuge pour les plus menacés d’entre eux.
Lle 18.03.2005 à minuit