“La colonisation ne pourra plus être un angle mort de l’enseignement.” Avec ce titre en une, le quotidien De Standaard rapporte la décision du ministre flamand de l’Enseignement de faire désormais figurer les termes “(néo)colonialisme”, “impérialisme” et “décolonisation” parmi les concepts indispensables que doivent maîtriser les élèves à la sortie de l’école secondaire. “Jusqu’à présent, les concepts prescrits étaient assez vagues, et les enseignants qui voulaient éviter de traiter du Congo ou de la décolonisation dans leur cours étaient libres de le faire”, note le journal flamand de référence. Résultat :
“De nombreux jeunes achèvent leurs études secondaires avec peu, voire aucune, connaissance du passé colonial de la Belgique. Et, lorsque cette histoire est abordée, elle l’est encore trop souvent avec une perspective blanche, européenne et paternaliste.”
Le journal flamand salue donc cette réforme, qui fournira une approche historique plus complète et permettra de tenir davantage compte du passé familial des élèves afrodescendants. Dans son éditorial, il propose d’autres pistes pour aider l’école à “remettre en question notre supériorité européenne et reconnaître que d’autres parties du monde ont fourni (et fournissent toujours) un apport important à la société”.
De Standaard suggère notamment d’intégrer “des écrivains d’origine turque et marocaine” au cursus de littérature, ou encore d’“aborder les cours sur le climat ou la société en ayant recours à l’approche de scientifiques et de philosophes africains”.
Des excuses, enfin
Si la réforme annoncée par le ministre est à l’étude depuis plusieurs années, le quotidien belge observe qu’elle survient alors que “le débat autour du racisme structurel fait rage”. Et si “l’enseignement est vu comme un élément essentiel de la lutte contre l’injustice sociale”, cela ne peut pas être le seul.
Cela fait plus d’un an qu’un groupe d’expert de l’ONU chargé d’enquêter sur la question des droits des personnes d’origine africaine en Belgique a conclu que ce pays “doit présenter ses excuses pour son passé colonial et pour les crimes qu’il a commis au Congo”, dont découle “la discrimination que vivent toujours les personnes d’origine africaine”, tonne De Standaard.
“Il y a quinze ans, les Nations unies étaient d’ailleurs déjà parvenues à la même conclusion. Mais les excuses ne sont jamais venues.”
Certes, ces recommandations “ont déclenché un débat de société, mais il n’y a pas eu de traduction politique”, et dans la vie de tous les jours “les Belgo-Africains diplômés continuent d’être régulièrement exclus du marché du travail et de la location”.
Une première statue déboulonnée
Ces dernières semaines, dans le sillage du mouvement Black Lives Matter, “la colère et la frustration que ces discriminations engendrent ont soudain fait surface”, note encore le journal. Dimanche 7 mai, des manifestations ont eu lieu dans plusieurs villes,, et ces derniers temps on a vu un regain d’indignation contre la figure de Léopold II, “symbole du passé colonial et germe du racisme structurel qui est toujours présent dans notre société”.
Deuxième roi des Belges, de 1865 à 1909, Léopold II est à l’origine de la colonisation du Congo, dont il fit sa propriété personnelle en 1885 avant de le céder à la Belgique en 1908. Si le bilan exact de cette période est difficile à établir, faute de recensements, on sait que la volonté du roi de tirer un maximum de richesses de la colonie a entraîné l’asservissement de la population, des traitements inhumains (dont la pratique des mains coupées) et la mort de plusieurs millions de personnes. Le “Congo belge” parviendra à l’indépendance en 1960.
Ces dernières semaines, des pétitions ont vu le jour pour demander le retrait des nombreuses statues de l’ancien souverain, et plusieurs d’entre elles ont été recouvertes de peinture rouge. Le 9 juin, rapporte De Standaard, une effigie de Léopold II a été déboulonnée à Anvers, officiellement pour la restaurer après d’importantes dégradations. Mais, de l’aveu du bourgmestre, il est peu probable qu’elle retrouve son socle.
De Standaard
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