La nouvelle charge de Pékin pour asseoir son autorité sur la ville a relancé les inquiétudes des investisseurs quant à l’avenir de la place financière. Elle positionne Hong Kong au cœur du conflit sino-américain.
Le statut de Hong Kong comme premier centre financier d’Asie a survécu à des mois de troubles politiques, l’an dernier.
Mais la nouvelle charge de Pékin pour asseoir son autorité sur la ville a relancé les inquiétudes chez les investisseurs étrangers et les multinationales présentes dans l’ex-colonie britannique. Réunis à Pékin pour la dernière séance de la session annuelle du Parlement, 3.000 délégués approuveront comme un seul homme, ce jeudi 28, une loi sur la « sécurité nationale », qui interdira la sédition, la sécession et la subversion contre Pékin.
Sans attendre cette échéance, les Etats-Unis ont indiqué, par la voix du chef de la diplomatie Mike Pompeo, que la ville avait perdu son autonomie vis-à-vis de Pékin. La loi sur la sécurité nationale « n’est que le dernier d’une longue liste d’actes qui sapent fondamentalement l’autonomie et les libertés de Hong Kong, et les promesses faites par la Chine elle-même au peuple de Hong Kong », a-t-il estimé.
L’île ne peut donc plus prétendre aux privilèges commerciaux que lui octroient les Etats-Unis aujourd’hui, a-t-il ajouté. Ce régime lui permet d’être exemptée des surtaxes douanières imposées aux produits chinois.
Plus de 1.300 entreprises américaines opèrent à Hong Kong, selon des analystes de Citi, pour qui la remise en cause du statut spécial de Hong Kong « pourrait peser sur la confiance des entreprises ».
Pour les investisseurs, c’est la douche froide : « Nous savions que Pékin allait resserrer ses griffes sur Hong Kong mais l’annonce de cette loi nous a pris de court », indique un investisseur basé dans la ville.
La réaction des marchés a été immédiate : l’indice phare de la Bourse de Hong Kong a chuté de plus de 5 % vendredi, au lendemain de l’annonce de Pékin, sa pire baisse journalière depuis l’été 2015, les investisseurs s’inquiétant de l’avenir de la place financière et du risque d’embrasement de la ville un an après le début de manifestations monstres anti-Pékin.
L’atmosphère était tendue, mercredi 27, aux abords du Parlement de Hong Kong, où des milliers de policiers étaient déployés et procédaient à des arrestations alors que des manifestants pro-démocratie entendaient protester contre l’examen d’un projet de loi criminalisant tout outrage à l’hymne national chinois.
« Hong Kong est aujourd’hui un modèle de libre-échange, de gouvernance solide, de libre circulation de l’information et d’efficacité, a déclaré la Chambre de commerce américaine à Hong Kong dans un communiqué. Personne n’a à gagner d’une érosion des fondements de Hong Kong comme centre financier et d’affaires international. »
Les entreprises s’inquiètent également des conséquences pour les étrangers travaillant en ville. « Une loi sur la sécurité nationale inspirée de Pékin laisse ouverte l’interprétation de la façon dont un tel acte sera appliqué », a déclaré Tara Joseph, présidente de la Chambre de commerce américaine, pour qui cela « rendra plus difficile le recrutement et la rétention des meilleurs talents ».
Essayer de rassurer
De nombreuses entreprises occidentales faisant des affaires avec la Chine continentale ont jusqu’à présent préféré établir leur siège à Hong Kong, considérant la ville comme un endroit stable, offrant un système juridique indépendant et des libertés publiques qui n’existent pas sur le continent.
Les autorités de Hong Kong sont rapidement montées au créneau pour essayer de les rassurer. Le projet chinois ne vise « qu’une poignée de délinquants », a affirmé Carrie Lam, la cheffe de l’exécutif local. « Les libertés de Hong Kong seront préservées, et son dynamisme, ses valeurs fondamentales en termes d’Etat de droit, d’indépendance de la justice et de libertés continueront d’être là », a-t-elle poursuivi.
Frédéric Schaeffer (Correspondant à Pékin)