Avant le déclenchement de la pandémie mondiale du Covid 19, la politique fédérale belge semblait s’être enlisée dans un immobilisme total. Aucune formule gouvernementale ne s’est avérée viable car aucune coalition, qu’elle soit de centre-gauche ou de centre droit ne bénéficiait d’un soutien parlementaire suffisant [1].
Dans les médias, ce blocage a été largement attribué au rôle du CD&V. Alors qu’à l’époque du « cabinet de la discorde » – le gouvernement de Michel I – les chrétiens-démocrates flamands aient été constamment poussés à la défensive par les nationalistes flamands de la N-VA, le nouveau président du CD&V, Joachim Coens, a insisté pour former une coalition avec la même N-VA. Cette perspective n’enthousiasmant pratiquement aucun parti francophone, de nouvelles élections fédérales semblaient donc inévitables.
TOUR DE MAGIE
Mais voici que par magie, la pandémie du Corona a rebattu les cartes : ce qui semblait impossible est soudain devenu nécessaire. Profitant de l’aubaine, on sort de sa manche une vieille carte écornée et hop ! Le reste du gouvernement des libéraux francophones (MR), leurs homologues flamands (OpenVLD) et les chrétiens-démocrates flamands (CD&V) remontent en scène. Jusqu’il y a peu considéré comme un piteux gouvernement minoritaire en affaires courantes – qui ne pouvait même pas démissionner car il avait déjà démissionné – il a soudainement gagné la confiance d’une majorité étonnamment large au sein de la Chambre fédérale des représentants. Seuls la N-VA, le Vlaams Belang et le PVDA/PTB n’étaient pas d’accord. Cerise sur le gâteau, cet « ancien-nouveau gouvernement » a reçu des pouvoirs spéciaux, qui – grâce à l’approbation et au soutien de la N-VA – jouit d’une majorité encore plus importante.
DES INVOCATIONS LÉNIFIANTES…
Cela n’a pas été facile. La nouvelle ancienne coalition ne dispose que de 38 sièges à la Chambre fédérale sur 150 (25%). En outre, les règles d’équilibre linguistique garantissent que le MR, en tant que seul partenaire francophone de la coalition, dispose de la moitié plus un (pour le Premier ministre) du nombre de postes ministériels. De nombreux partis ont donc craint que la confiance accordée à ce gouvernement minoritaire ne les mette en faillite pour longtemps. Pour la N-VA, cela a été aggravé par l’absence de majorité dans le groupe linguistique néerlandophone. Afin de lever le doute, ou du moins l’atténuer, la Première Ministre Wilmès a seulement demandé à la Chambre des représentants de lui faire confiance pour la lutte contre le coronavirus : « Pour le reste, le gouvernement reste dans les affaires courantes ». De plus, la confiance n’a été demandée que pour une période limitée de six mois (bien que renouvelable), alors que le mandat de ce nouveau ancien gouvernement était également limité à la prise des mesures nécessaires pour contrôler le coronavirus. Cependant, ces invocations lénifiantes n’ont pas suffi à elles seules à sauvegarder à la fois le vote de confiance et l’approbation des pouvoirs spéciaux.
… AVANT D’EXHIBER LE « SUPER KERN »
Afin de renforcer une confiance ébranlée, ce gouvernement-prestidigitateur a dû sortir encore quelques lapins de son chapeau. Le premier lapin est la création d’un « Super Kern ». Il s’agit d’une réunion hebdomadaire (le samedi) au cours de laquelle le premier ministre et les vice-premiers ministres – le « kern » – siègent avec les présidents (ou leur délégué) des partis qui ont approuvé les décisions relatives aux pouvoirs spéciaux. Il s’agit donc d’une sorte de « conclave des beaux-parents ». De cette façon, la prépondérance des ministres francophones du MR au sein du gouvernement est neutralisée, tandis que les chefs des « partis d’opposition tiède » peuvent contrôler ce que le gouvernement fait ou ne fait pas. En fait, cette construction neutralise largement le contrôle parlementaire sur le gouvernement. Dans le contexte belge, ce ne sont pas tant les représentants élus du peuple que les partis politiques – dirigés par leurs présidents – qui pilotent le travail parlementaire. Il est donc difficile d’imaginer que des décisions, approuvées par le « Super Kern », soient remises en question au Parlement par des représentants du peuple, qui devraient aller à l’encontre de ce que leur propre chef de parti ou (en ce qui concerne la N-VA chef de groupe) a précédemment approuvé. Concrètement, cela revient à dire que le gouvernement ne gouverne pas et que le parlement ne contrôle pas, mais que le « Super Kern »… cumule les deux. Dans une certaine mesure, cette construction rappelle la création du « Comité de Salut Public » au plus fort de la Révolution française. Ce comité-là avait lui aussi des pouvoirs spéciaux, accordés en raison d’une « situation de guerre » ; métaphore utilisée ad nauseam aujourd’hui.
NONGOVERNO
Jusqu’à présent, nous n’avons parlé que de tours de magie et d’invocations qui se pratiquent sous les feux des projecteurs et des caméras. Il y a d’autres mauvais tours, en revanche, qui se préparaient dans l’ombre, loin de l’attention de l’opinion publique. Avant même le déclenchement de la crise corona, une réflexion informelle était déjà en cours autour d’une approche plus durable de ce que l’on appelle le nongoverno belge. Dans les médias, ce Nongoverno est souvent attribué à des contradictions entre partis politiques, ceux-ci étant considérés comme des blocs monolithiques, prisonniers de la réalité de leur propre espace linguistique ou régional. Simplification qui permet sans doute aux journalistes de brosser plus facilement le tableau. Cependant, elle occulte le fait que les partis politiques sont également soumis à des forces sociales conflictuelles. En d’autres termes, il dissimule les relations entre les classes sociales.
LA BOURGEOISIE BELGE FRANCOPHONE
Derrière le mantra des « deux démocraties » dont la Belgique est censée être riche, il y a un mouvement historique. Pour dire les choses crûment, on peut dire que la bourgeoisie belge était à l’origine francophone. Sa richesse sous forme d’usines était également largement localisée dans la partie francophone de la Belgique [2]. C’est dans et à l’ombre de ces usines que s’est développé le prolétariat, lui aussi largement francophone (ou francophonisé). C’est dans ces circonstances que la bourgeoisie belge a appris à faire face aux phénomènes souvent explosifs de la lutte des classes. Afin de contrer ces phénomènes, la bourgeoisie belge francophone a préféré opter pour des formes de collaboration de classe. Cependant, la prédominance de la bourgeoisie belge francophone dans le contexte belge s’est progressivement réduite, d’abord en faveur du capital multinational, puis également en faveur des capitalistes flamands.
LA BOURGEOISIE FLAMANDE
En raison de l’industrialisation de la partie flamande du pays, une bourgeoisie flamande s’est progressivement constituée après la Seconde Guerre mondiale aux côtés de la bourgeoisie belge classique (francophone). Cette bourgeoisie flamande ressemble beaucoup à sa sœur francophone, sauf sur un point crucial : « Ça lui est tombé tout cuit », pour ainsi dire. Elle n’a pas dû faire beaucoup d’effort pour se constituer. Elle pouvait compter sur la politique d’expansion économique (financée par les contribuables) que sa sœur francophone avait réussi à obtenir. Mais il va sans dire que les bourgeois flamands, tout comme les bourgeois francophones, étaient mécontents des contributions fiscales qui y étaient associées. Ils ne pouvaient pas non plus se moquer du prix du travail (sous forme de cotisations sociales) que leurs collègues francophones avaient accepté compte tenu de leur rapport de force restreint face au mouvement ouvrier. En bref, ils étaient et sont beaucoup moins familiers des phénomènes explosifs de la lutte des classes. Dans le contexte économique flamand, il y a eu beaucoup moins de conflits durs ou étendus dans lesquels la classe ouvrière et la bourgeoisie étaient diamétralement opposées [3]. Les bourgeois flamands ne comprennent donc pas ou peu l’approche prudente que leurs homologues francophones semblent adopter à l’égard des syndicats. Elle leur paraît même exagérée, habitués qu’ils sont à l’attitude globalement très accommodante de nombreux dirigeants syndicaux flamands. On n’entend pas facilement ces derniers appeler à la grève générale, encore moins « au finish ». Pourquoi, dès lors, montrer autant de respect à l’égard de tels dirigeants ?
LE NÉO-NATIONALISME FLAMAND…
Comme décrit en détail ailleurs sur ce site, la réalité différente des ailes flamande et francophone de la bourgeoisie belge se traduit également par des projets politiques différents. Du côté flamand, un « néo-nationalisme flamand » s’est progressivement développé, qui veut profiter de la conjoncture économique, sociale et idéologique – qui joue en faveur du côté droit en Flandre – pour réaliser une « révolution ultralibérale conservatrice » à la Thatcher. Il s’agit d’une attaque frontale contre la sécurité sociale, les conventions collectives et les organisations du mouvement ouvrier (personnalité juridique des syndicats, réduction de leur financement, « harmonisation » des caisses d’assurance maladie, etc.) Il est moins évident de savoir si cela vise réellement à faire exploser les liens « belges ». Il semble plutôt que le néo-nationalisme flamand veuille être un bras de levier pour faire verser la Wallonie et Bruxelles à droite, réduire l’impact de la Maison Royale (qui est considérée comme étrangère au peuple) et – peut-être surtout – mettre la main-d’œuvre bon marché des chômeurs wallons à la disposition des patrons flamands.
…VERSUS LE NÉO-FÉDÉRALISME D’UNION
En revanche, dans le camp bourgeois se trouvent les « néo-fédéralistes d’union » francophones. Ils utilisent la menace des néo-nationalistes flamands pour faire pression sur leurs sociétés wallonne et bruxelloise, ainsi que sur les syndicats et autres mouvements sociaux, afin de les amener à accepter l’approfondissement de la politique néolibérale et autoritaire. La question de la sécurité sociale y joue un rôle clé. En bref, tout se résume à cela : « acceptez les restrictions sur la sécurité sociale, sinon le loup de la N-VA en colère deviendra encore plus fort et vous mangera ». C’est ainsi que « l’unité du pays » et la popularisation de la monarchie (un résidu antidémocratique de l’Ancien Régime !) sont présentés comme une possible garantie du sauvetage de la sécurité sociale, qui incarne la solidarité.
LE VENT TOURNE
Avec l’éclatement de la crise Corona, la bourgeoisie belge francophone appréhende encore plus la résurgence de la lutte des classes. Ils ont vu comment les partis néo-libéraux au pouvoir ont été durement touchés lors des élections législatives du 24 mai 2019. Ils ont bien pris note que ce n’était pas à l’opposition de centre-gauche du PS que cela a profité, mais que bon nombre d’électeurs se sont tournés vers les alternatives d’Ecolo et les radicaux de gauche du PTB. Ils ont également constaté qu’en Flandre, la droite et le centre-gauche étaient également touchés, tandis que là aussi le PVDA a progressé et que le Vlaams Belang en a profité, grâce à des points de programme populistes et sociaux-démagogiques. Bref, la bourgeoisie belge francophone n’est pas à l’aise. Elle réalise que le vent idéologique a tourné et que la crise Corona va encore alimenter ce vent mauvais.
DES IDÉES QUI BOUGENT
En général, la bourgeoisie flamande ne s’embarrasse pas d’analyses aussi délicates mais ici aussi, les idées commencent à évoluer… sans qu’il faille y voir une soudaine poussée d’altruisme. L’emblématique patron flamand Marc Coucke, soupçonné de fraude, ne commence pas à parler de la « nécessité d’un gouvernement fort » parce qu’il a soudain découvert que sa contribution fiscale sera finalement utilement dépensée, il le fait uniquement parce qu’il est confronté – comme beaucoup de ses collègues – à une menace énorme. Par exemple, une enquête menée auprès de 4 725 entreprises basées en Belgique [4] montre que « quatre entreprises sur dix interrogées voient leur chiffre d’affaires diminuer de plus de 75%. L’industrie de l’hôtellerie et de la restauration, le secteur des arts, des spectacles et des loisirs ainsi que le commerce sont les plus touchés. En outre, 50 % des entreprises ont fait état de problèmes de liquidités ». La baisse est également légèrement plus prononcée en Région flamande que dans les autres régions [5]. Selon leurs propres déclarations, « les entreprises estiment que la baisse de leur chiffre d’affaires est principalement due à la faiblesse de la demande et aussi à la fermeture par le gouvernement dans le cadre de la lutte contre la propagation de Covid-19, à l’impossibilité de respecter les obligations de distanciation sociale, aux problèmes de lignes d’approvisionnement et à une pénurie de personnel » [6]. Bien que tous les secteurs de l’économie subissent l’impact négatif de la crise corona, leur taille est également inégalement répartie. « Bien que le secteur de l’énergie ne connaisse qu’une baisse de 5 % de son chiffre d’affaires, il en va tout autrement pour l’hôtellerie et la restauration, le secteur des arts, des spectacles et des loisirs et le commerce. Elles font état d’une diminution moyenne de leur chiffre d’affaires de 93 %, 74 % et 59 % respectivement » [7].Outre cette diminution du chiffre d’affaires, de nombreuses entreprises ont également des problèmes de liquidités. En d’autres termes, ils ont des difficultés « à obtenir un crédit ou en raison de factures impayées » [8]. De nombreux entrepreneurs craignent donc une spirale descendante. C’est pour cette raison qu’ils sont soudainement gagnés à l’idée de recevoir de l’aide grâce à « un gouvernement fort ».
LES DILEMMES DES LIBÉRAUX FLAMANDS
Ces idées fluctuent et creusent également leur chemin au niveau politique. On peut le démontrer en observant le contraste entre certaines personnalités libérales (dans ce cas en Flandre). Avant le déclenchement de la crise Corona, l’OpenVLD libéral semblait se déplacer encore plus vers la droite. Sa présidente, Gwendolyn Rutten, avait tenté en vain de gagner le soutien d’un gouvernement de centre-gauche autour du PS, sans majorité du côté flamand. Elle a rapidement été confrontée à une rébellion dans son propre parti, menée par le député Egbert Lachaert. Pour ce dernier, les libéraux devaient adopter une ligne beaucoup plus dure dans le domaine socio-économique, « afin de protéger notre ADN » (façe à la N-VA) [9]. Cette rébellion dans leurs propres rangs a entravé le travail de Patrick Dewael, aussi membre du parti libéral flamand. Il venait d’être nommé par le roi pour trouver une solution (avec Sabine Laruelle du MR) à la question du gouvernement fédéral bloquée. C’était d’autant plus difficile que des élections présidentielles se déroulaient également au sein d’OpenVLD. Lachaert est candidat, défendant ainsi sa position néolibérale. Il semble être devenu le grand favori. Jusqu’à ce que Bart Tommelein – le maire d’Ostende, que l’on dit énergique – se lance dans la bataille, avec le soutien de figures de proue telles que la ministre de la Santé Maggie De Block et le maire de Gand Matthias De Clercq. Le discours de cette aile des libéraux flamands est beaucoup plus conforme aux idées de la bourgeoisie francophone. Ils veulent « un nouveau consensus social ». La présidente sortante, Gwendolyn Rutten, s’est exprimée sur la chaîne de télévision publique flamande sur la nécessité d’un « nouveau pacte social ». Entre-temps, Lachaert a également adapté son discours dans la même veine. Son partenaire dans le parcours, le ministre des finances Alexander De Croo, parle maintenant de la nécessité d’un « pacte d’investissement ».
UN « TOURNANT » DU CD&V ?
Le fait que les chrétiens-démocrates flamands du CD&V semblent, dans l’ensemble, accepter ce « gouvernement particulier de minorité adossé aux pouvoirs spéciaux » suscite parfois des haussements d’épaules. Que reste-t-il du refus persistant de toute coalition fédérale, tant que la N-VA n’en fait pas partie ? Dans les médias francophones, il est question de « défaite ». En fait, il s’agit plutôt du proverbial « vision en cours de construction ». Depuis quelque temps déjà, le CD&V est un drôle de canard dans l’arène politique. Il se comporte comme un vieux beau qui pense avoir encore les pouvoirs de séduction d’un jeune de seize ans. Bien qu’il ne tienne plus la forme électorale depuis longtemps, il se considère toujours comme un indispensable pilier de l’Etat. C’est précisément pour cette raison qu’il souhaitait ardemment créer un gouvernement qui puisse compter sur une majorité des deux côtés de la frontière linguistique. S’il y était parvenu, il aurait immédiatement démontré son utilité durable dans le soutien de l’État. Malheureusement, l’histoire n’a aucune pitié pour ceux qui vivent dans la nostalgie du passé. Ces personnes sont inexorablement dépassées par les événements. C’est ce qui s’est passé avec le CD&V : il a été dépassé dès qu’il a été pris dans la tempête de la pandémie du Corona. Paradoxalement, le CD&V semble avoir perdu en cours de route sa véritable signification d’être le parti de la collaboration de classe organisée ! Aujourd’hui, le CD&V doit se contenter d’avoir le visage de Pieter De Crem – en tant que super-gendarme fédéral, d’une part – et de Wouter Beke – en tant que ministre des soins flamand technocratique (et plutôt maladroit) – d’autre part. technocratique (et plutôt maladroit) – d’autre part
ESPOIRS ET ATTENTES PIEUSES
Pendant ce temps, on n’entend pas ou peu parler du mouvement ouvrier chrétien qui se débat avec ses problèmes financiers. Dans le domaine syndical, la CSC – tout comme la FGTB – ne va pas plus loin que la défense des intérêts immédiats de ses membres. Non pas que cela soit sans importance, loin de là ! L’augmentation massive du nombre de chômeurs temporaires exerce une pression énorme sur le travail syndical, afin de tout gérer en temps utile, de sorte que ces chômeurs puissent recevoir leurs allocations rapidement. Peter Wouters, président de beweging.net (l’organisation faîtière du mouvement ouvrier chrétien flamande), espère surtout que « tant le gouvernement fédéral que le gouvernement flamand mettront en place un groupe de travail pour définir la politique de crise à l’égard des plus vulnérables, en collaboration avec les partenaires sociaux et les associations de lutte contre la pauvreté ». L’autolimitation de l’obtention ou de la garantie d’une « place à la table de concertation » va de pair avec toute une liste d’attentes pieuses, dont aucune ne peut cependant être garantie. Le président du mouvement syndical chrétien flamand aspire avant tout à… « un nouveau pacte social » : « Après les applaudissements, nous apprécierons davantage un refinancement du secteur des soins. (…) Les salaires et les conditions de travail, y compris leur sécurité, doivent être remis sur la table. Ensuite, nous donnerons également à la Commission européenne une plus grande marge de manœuvre pour assumer le leadership et organiser structurellement la solidarité au niveau européen. Nous aurons un regain d’attention pour les chaînes de production, avec un focus particulier sur nos agriculteurs. La mondialisation a mis une pression énorme sur ce groupe professionnel. Aujourd’hui, chacun peut comprendre pourquoi une production alimentaire à part entière est nécessaire en circuit court. Nous nous efforcerons de trouver des solutions pour les personnes occupant des emplois vulnérables. Flexwork, emplois d’étudiants, emplois intérimaires, emplois de plateforme, … Nous veillerons à ce qu’ils bénéficient de la même protection sociale que tous les autres travailleurs. Ensuite, nous travaillerons sur un pacte social pour eux en 2020. Nous soupçonnons que cette crise sanitaire sera suivie d’une crise économique, accompagnée d’une augmentation rapide de la dette publique. En attendant, la crise climatique suit son cours. La crise politique n’a pas été négociée. Les années à venir seront très importantes dans de nombreux domaines. Nous nous attendons à des discussions fondamentales et sans tabous. Nous devrons reparler de redistribution, de fiscalité équitable, de l’importance d’une sécurité sociale forte, d’une économie durable, de la valeur ajoutée de services collectifs et sociaux forts et de services publics forts ». Mais comment mettre tout ce programme en œuvre ? L’éminent président n’en dit pas un mot !
REPRISE, RELANCE ET REDÉPLOIEMENT ?
Les sociaux-démocrates ne peuvent pas être soupçonnés d’être aussi indulgents que les démocrates-chrétiens. Ils considèrent que leur moment est –à nouveau – revenu. Cela explique que le nouveau président du SP.a. flamand ait pu se rendre utile face aux « pouvoirs en place » en jouant le « rôle constructif » (raté) qu’il croyait devoir jouer pour rapprocher le PS et la N-VA. Cela n’a rien donné, mais cela a permis à Rousseau d’être complimenté par… Bart De Wever, président de la N-VA. Probablement sans s’en rendre compte lui-même, le jeune président du SP.a a contribué à faciliter le « tournant » de la bourgeoisie flamande. Le Parti socialiste, pour sa part, lance un plan en 125 points pour préparer l’après-crise du Corona. Les mots clés sont « reprise, relance et redéploiement » [10]. En ce qui concerne la « relance », le PS met en avant la proposition d’organiser des tests massifs pour limiter les risques du déconfinement. Le PS demande également une prime pour les employés qui doivent rester actifs pendant la crise, ainsi qu’une augmentation de l’enveloppe sociale. L’objectif est d’augmenter rapidement le pouvoir d’achat, tout en garantissant le financement de la sécurité sociale et des services publics. Cependant, le PS ne considère cette garantie pour la sécurité sociale et les services publics que comme un problème temporaire. Enfin, un « grand fonds d’investissement pour la transition vers un nouveau modèle » doit être mis en place. En ce qui concerne la relance, le PS souhaite également qu’un nouveau cadre budgétaire soit établi. « Les règles budgétaires et financières européennes devront être modifiées », déclare Paul Magnette. La question de l’éventuelle nationalisation de certaines compagnies doit également être clarifiée : « Des demandes ont déjà été faites dans le secteur de l’aviation, mais nous devrons également être proactifs, ce qui peut prendre la forme de participations ». Pour le PS, le gouvernement doit donc pouvoir acheter des actions à des entreprises privées. En même temps, le PS ne veut pas bouleverser la situation politique existante : « Nous soutenons le gouvernement Wilmès de l’extérieur, nous sommes dans l’opposition pour soutenir un gouvernement minoritaire, comme c’est le cas dans la moitié des pays européens ».
IMPACT DE LA CRISE DU CORONA
Dans l’intervalle, l’impact de la crise Corona est énorme. Jean-François Tamellini de la FGTB wallonne, par exemple, estime l’impact financier de la crise Corona en Belgique à environ 30 milliards d’euros. Un montant qui dépasse de loin les 13 milliards d’euros du déficit budgétaire croissant résultant du blocage de la politique fédéral. La Banque nationale et le Bureau du Plan vont encore plus loin [11]). Ils estiment la perte pour l’économie belge en 2020 à 45 milliards d’euros, soit environ 8%. En retour, le déficit budgétaire du gouvernement fédéral augmenterait de 7,5 %, tandis que la dette publique globale s’élèverait à environ 115 % du produit intérieur brut. La perte générale de croissance entre mars 2020 et décembre 2021 est estimée à près de 60 milliards d’euros ! L’enquête susmentionnée auprès des entreprises belges le montre également. Les patrons, pour leur part, demandent donc plus de contribution et de soutien de la part du gouvernement (voir aussi ci-dessous). Pour l’instant, il semble que les institutions européennes aussi fermeront les yeux si des mesures économiques stimulantes sont prises, malgré la croissance gigantesque du gouffre des finances publiques qui en résulte.
CHANGEMENT DE CONSCIENCE
L’ampleur du prix du coût de la crise Corona n’est pas la seule facette de l’histoire. Les mesures de protection prises – l’imposition d’une distance physique, la paralysie générale de la vie publique, l’accent mis sur les services fournis par le secteur des soins de santé et par certains services publics – provoquent également un changement de conscience dans de larges couches de la société, qui se traduit également par les applaudissements quotidiens de plus en plus nombreux aux balcons et fenêtres. Ce n’est pas une coïncidence si le Financial Times a écrit dans un éditorial ce week-end : « Le virus et le confinement ont jeté une lumière crue sur les inégalités existantes et ont même créé davantage d’inégalités ». Après avoir vaincu le virus, la grande question sera de savoir si le sentiment d’appartenance actuel peut redessiner la société. Des réformes radicales sont nécessaires. La politique des quatre dernières décennies doit être inversée. Le gouvernement doit jouer un rôle plus important dans l’économie. Il ne doit plus considérer les services publics et les prestations de service public comme des dépenses, mais comme des investissements. Elle doit trouver des moyens de rendre le travail moins précaire et moins insécurisant. La redistribution est de nouveau à l’ordre du jour. Les privilèges des riches seront reconsidérés. Des mesures politiques qui avaient été déclarées folles jusqu’à récemment, telles qu’un impôt sur la fortune, seront réexaminées » [12].
UN NOUVEAU PACTE SOCIAL ?
La crise corona – ainsi que la formation du nouveau gouvernement, qui est investi de pouvoirs spéciaux – ouvre des possibilités pour la réflexion encore diffuse sur un « nouveau pacte social » à la belge. Les cénacles de pouvoir sont très conscients du fait qu’une certaine forme de politique de relance sera nécessaire après cette crise. Lentement mais sûrement, nous voyons que les différentes forces se préparent à participer à cette nouvelle histoire : un « pacte d’investissement » pour Alexander De Croo, « un nouveau pacte social » pour Gwendolyn Rutten et compagnie, un « grand fonds d’investissement pour un nouveau modèle » pour le PS, etc.
GROUPES DE TRAVAIL
Personne ne sait pendant combien de temps et avec quelle ampleur l’opportunité pour modifier les consciences persistera. Pour les acteurs les plus intelligents, il est donc important de profiter de l’élan avant qu’il ne retombe. Au lieu d’opter pour une politique d’attaque frontale contre les acquis de la classe ouvrière (comme l’a fait le gouvernement Michel Ier), ils cherchent maintenant à intégrer les intérêts opposés du Travail et du Capital dans une approche globale, sans toutefois remettre en cause le cours fondamental du néolibéralisme ! Afin de promouvoir cette intégration, le gouvernement fédéral s’est entouré – en plus du « Super Kern » mentionné ci-dessus – de divers groupes de travail. Le premier de ces groupes de travail est le groupe de gestion des risques, qui est responsable de la gestion directe de l’aspect sanitaire de la crise. Ce groupe de travail dirige la mobilisation du secteur hospitalier et conseille le gouvernement sur les mesures anti-pandémique à prendre [13]. Le dernier de ces groupes de travail était le Groupe d’experts pour la stratégie de sortie (GESS) [14]. Il est composé de douze personnes, moitié scientifiques et moitié personnalités du monde économique et social. Pour la Première ministre Wilmès, ce sont les « forces vives » de notre société, qui doivent assurer une « intelligence collective » pour préparer le retour à une vie normale [15]. A cette fin, le GESS établira également des contacts avec le monde académique et économique et ( !) avec la vie associative. Ailleurs sur ce site, ce groupe de travail est analysé en détail. Il suffit de noter ici que le but de ce groupe de travail est principalement d’instrumentaliser les scientifiques pour leur faire accepter les politiques menées et en même temps d’obscurcir le caractère de classe de ces politiques. L’objectif du gouvernement Wilmès est plus ou moins de proposer son plan de réduction des mesures restrictives comme étant scientifiquement fondé plutôt que comme un choix politique. En tout cas, ce groupe de travail (ainsi que d’autres) n’approfondira pas l’observation évidente selon laquelle « c’est précisément le capitalisme lui-même, renforcé par l’idéologie néolibérale omniprésente, qui est responsable de la crise actuelle. Toutes les recettes promues par le grand capital – telles que la production dans les pays à bas salaires, la production et la livraison « juste à temps », les coupes constantes dans les services publics, le démantèlement de la sécurité sociale, la confiance effrénée dans « le marché », etc… – toutes ces recettes s’avèrent complètement inutiles et même… dangereuses pour la santé publique ! » [16] On peut ajouter la mise en concurrence d’un être humain contre un autre par le racisme et la xénophobie, tout comme la destruction de la planète.
ERMG
Outre le GESS, il existe un groupe de travail beaucoup plus important : le groupe de gestion des risques économiques (GGRE). Ce groupe a des objectifs étendus : « entre autres, la surveillance continue de la situation économique dans notre pays ; l’identification des activités économiques dites « critiques » pour assurer leur continuité ; l’identification des mesures supplémentaires prises pendant la crise pour soutenir les entreprises ; et la définition de propositions d’actions qui seront nécessaires lorsque la crise sera passée ».
DEUX PILIERS
Plus précisément, le GGRE fonctionne sur la base de deux piliers [17]). Il y a tout d’abord le « cellule de suivi ». Il est composé de personnes issues d’institutions gouvernementales (telles que la Banque nationale de Belgique et le Bureau fédéral du Plan), de représentants du monde des affaires, de partenaires sociaux et d’experts. « Cette cellule surveille la situation économique du pays et le risque » [18]). En outre, il existe le « groupe central », composé de représentants du gouvernement fédéral et des entités communautaires, ainsi que de tous les membres de la cellule de suivi. « Le groupe central déterminera les mesures à prendre afin de réduire les effets de Covid-19 sur notre économie » [19]). C’est ce pilier qui, d’une part, est explicitement chargé de formuler des propositions qui doivent conduire à une politique de relance et, d’autre part, veille à ce que non seulement les « forces vives » socio-économiques (du patronat vers la classe moyenne au mouvement ouvrier), mais aussi les forces communautaires centrifuges (flamandes, wallonnes et bruxelloises) soient combinées et intégrées [20]. Ce pilier est présidé par Piet Vanthemse (ancien président du syndicat des agriculteurs et bien connu dans les milieux chrétiens-démocrates) et Pierre Wunsch (ex-Tractebel et ancien chef de cabinet de Didier Reynders, actuellement gouverneur de la Banque nationale de Belgique). Tous deux connaissent bien le déroulement des événements au sein des pouvoirs belges.
TOUT CHANGER POUR TOUT PRÉSERVER
En attendant, certains commentateurs découvrent avec étonnement l’habileté de la communication de la Première Ministre Sophie Wilmès, considérée jusqu’il y a peu comme une figure un peu discrète et plutôt grise – elle était peut-être à sa place comme ministre du budget, mais pas plus que cela. Aujourd’hui, malgré son allure modeste, elle semble être devenue une politicienne qui sait très bien ce qu’elle fait : construire un large consensus social, sans compromettre l’équilibre des pouvoirs existant. Elle est ainsi devenue une digne adepte du dicton de Giuseppe Tomasi di Lampedusa : « Changez tout pour que rien ne change » [21]. N’oublions pas que Sophie Wilmès, au nom du MR, a été à l’origine du « tax shift » tant discuté, qui a entraîné un déficit de 14 milliards d’euros, et qu’elle a contribué à façonner la politique de rupture sociale, comme la retraite à 67 ans, la chasse aux migrants, l’achat d’avions de chasse, etc. Ce « palmarès » devrait inciter tous ceux qui sont à gauche à la prudence. Pendant ce temps, la même Wilmès est à la tête d’un gouvernement doté de pouvoirs spéciaux, assisté d’un « Super Kern » et de plusieurs groupes de travail, sans être gênée par un parlement trop actif. En bref, il y a un glissement vers l’État fort.
EXCLUSION DES SYNDICATS ?
Certains craignent que le mouvement syndical et les caisses d’assurance maladie ne soient pas impliqués dans les différents groupes de travail sur lesquels le gouvernement Wilmès peut compter. Toutefois, ce n’est le cas que dans une mesure limitée. Tout d’abord, les « partenaires sociaux » sont effectivement consultés par plusieurs de ces groupes de travail. En outre, le « Groupe des dix » (dans lequel le patronat se concerte avec les dirigeants syndicaux), le Conseil national du travail (idem) et le Comité A (dans lequel les pouvoirs publics concertent les syndicats des services publics) continuent de se réunir comme d’habitude. Ce qui est frappant, cependant, c’est l’absence d’attitude offensive de la part des dirigeants des syndicats.
L’ABSENCE DE REVENDICATIONS DE LA FGTB
Par exemple, la FGTB demande que la sécurité sociale soit sauvegardée par le biais de la « subvention d’équilibre » (par laquelle le gouvernement fédéral ajuste les déficits de la sécurité sociale). Cependant, cette subvention d’équilibre a été plafonnée par le gouvernement précédent – avec Mme Wilmès comme ministre du budget ! La FGTB pourrait également exiger la suppression de la réduction des cotisations patronales de sécurité sociale à 25 %, la suppression du « tax shift », la suppression du non-paiement de la retenue à la source pour les travailleurs en équipe et pour toute rémunération extra-légale. La FGTB pourrait également remettre sur la table l’augmentation du salaire minimum à 14 euros/heure – le minimum absolu pour couvrir les besoins de base. La FGTB pourrait également préconiser la (re)socialisation et la mise sous contrôle ouvrier de secteurs et/ou d’entreprises vitaux et essentiels. La FGTB pourrait même s’appuyer sur la décision ministérielle du gouvernement Wilmès lui-même, qui contient une belle liste de ce qui doit être considéré comme les secteurs clés de l’économie. Enfin, la FGTB pourrait également exiger l’introduction d’un impôt de crise exceptionnel, progressif et anticapitaliste sur le patrimoine des 10% d’habitants les plus riches de Belgique. Malheureusement rien de tout cela est le cas !
LE G10 CONSULTE, LE GOUVERNEMENT DÉCIDE…
Si on assiste à l’absence déplorable d’attitude offensive de la part des dirigeants du mouvement ouvrier chrétien et socialiste, on constate exactement l’inverse du côté des patrons capitalistes. Eux ils forgent le fer lorsqu’il est chaud ! Par exemple pour rendre le travail encore plus flexible à leur avantage. Pour la réunion (virtuelle) du Groupe des Dix – l’organe de concertation central entre les syndicats et les patrons – seuls les employeurs ont mis des revendications sur la table. Par exemple, ils voulaient lever le plafond des heures supplémentaires, augmenter le nombre d’heures de travail que les étudiants sont autorisés à effectuer, des mesures visant à faciliter l’utilisation des migrants pour le travail saisonnier et la possibilité de transférer le personnel d’un employeur à un autre en fonction des besoins les plus urgents. Comme le dit lui-même Robert Vertenueil, président de la FGTB, il s’agit d’un « catalogue de propositions inspirées par les employeurs ». Et pourtant les syndicats ont accepté de « jouer le jeu ». Pire encore, les syndicats seraient prêts à accepter les propositions mises sur la table, poursuit M. Vertenueil, à condition qu’il soit explicitement précisé qu’elles étaient « de nature exceptionnelle et temporaire » et ne pouvaient en aucun cas constituer un « précédent ». Mais cela n’a pas suffi pour faire un compromis. De leur côté, les syndicats ont mis sur la table un gel de la dégressivité des allocations de chômage. C’est la logique même. Comment voulez-vous que les gens trouvent du travail maintenant ? Mauvais départ, les employeurs ont prétendu dès le départ que c’était non négociable. Néanmoins, les employeurs et les syndicats ont accepté de soumettre au gouvernement, au nom du Groupe des Dix, quelques commentaires et considérations sur un certain nombre de points. Le résultat de cette « concertation » est que … le gouvernement a pris les choses en main. D’une part, pendant la crise de corona la dégressivité du chômage est gelée pendant trois mois, du 1er avril au 30 juin. En revanche, le nombre d’heures supplémentaires pouvant être rémunérées est porté à 120, sans aucune forme de prime d’encouragement. Les salariés qui sont temporairement au chômage parce que leur entreprise est au point mort pourront être transférés dans des entreprises qui manquent de personnel. Les contrats à durée déterminée de courte durée et consécutifs seront autorisés. Les heures travaillées par les étudiants seront à leur tour neutralisées pour le quota de 475 heures maximum travaillées par an. En outre, les personnes temporairement au chômage, ou bénéficiant d’un crédit-temps ou d’une retraite anticipée, pourront cumuler 75 % de leurs allocations avec un salaire dans le secteur agricole et horticole, où il y a une grande pénurie de travailleurs saisonniers. En bref, le gouvernement sert la soupe aux patrons à volonté…
RHÉTORIQUE ET RÉALITÉ
La rhétorique des personnes au pouvoir et de leurs conseillers – du Financial Times à l’Union européenne en passant par les chefs de gouvernement – semble aujourd’hui plutôt keynésienne et politiquement réformatrice. Mais en même temps, le patronat et ses faiseurs d’opinion se préparent à une offensive sans précédent pour l’après-Corona. Yvan Van de Cloot, économiste au sein du groupe de réflexion patronal Itinera, s’exprime ainsi : « Dans notre pays, les décisions complexes sont prises très lentement. En Belgique, les décisions vraiment importantes ne sont prises qu’après un choc externe majeur, comme la dévaluation du franc belge en 1982 par Wilfried Martens ou le Plan global de Jean-Luc Dehaene à l’occasion de l’adhésion à l’euro. Dans les deux cas, le pays était en mauvaise posture et des scénarios d’urgence ont été élaborés avec des pouvoirs spéciaux qui contournaient complètement notre démocratie et notre modèle de concertation » [22]. Son collègue Leo Neels ajoute : « Le Corona est une opportunité de réinitialiser la Belgique. Chaque enfant à naître cumule déjà 50 000 euros de la dette nationale. Nous devons mettre fin à cette absurdité. Maintenant, le gouvernement ne doit pas fuir dans l’austérité, mais soutenir les entreprises, les familles et les personnes en difficulté de manière sélective et judicieuse. C’est sa mission sociale. Mais après cela, elle doit élaborer un plan de redressement fondamental sur 20 ans. Nous ne pouvons pas faire payer l’addition par nos petits enfants ». Ces faiseurs d’opinion disent tout haut ce que pense toute la classe capitaliste. Il est pathétique que les dirigeants du mouvement ouvrier continuent à se contenter des vieilles recettes de la concertation et de revendications qui ne sont pas à la hauteur du niveau de l’offensive de droite qui s’annonce.
RETOUR AUX VIEILLES TACTIQUES FAMILIÈRES (DE CONCERTATION) ?
Friedrich Engels a écrit quelque part qu’on ne peut pas simplement « revenir aux vieilles tactiques familières ». Les circonstances dans lesquelles il parle à l’époque sont aujourd’hui bien sûr complètement différentes. Pourtant, si les dirigeants du mouvement syndical se laissent influencer par la rhétorique du moment et pensent donc aujourd’hui qu’ils n’ont pas d’autre choix que de revenir aux anciennes tactiques de concertation et donc de collaboration de classes, alors nous e payerons tous les pots cassés. Parce qu’une bataille décisive s’annonce à l’horizon. C’est une bataille qui ne pourra jamais être gagnée avec des propositions ou des arguments purement techniques. C’est un combat dans lequel, en plus et à travers la mobilisation, une alternative au désordre organisé du capitalisme est également nécessaire ; une alternative sociale, écologique, féministe et antiraciste. Le mouvement ouvrier – syndicats, caisses d’assurance maladie, associations, etc. – a les moyens d’élaborer et de façonner une telle alternative. Convoquer, avec syndicats, mutuelles et tout le mouvement associatif, un groupe alternatif d’experts de terrain, fonctionnant de manière transparente, sans beaux-parents politiques ou patronaux, communiquant par le biais des médias et des réseaux sociaux aux grandes masses de la population, peut être un premier pas.
CONTRE LES ERREURS SYSTÉMIQUES !
Enfin, citons le Dr Wouter Arrazola de Oñate – directeur de l’Association pour la santé respiratoire et la tuberculose : « Cette épidémie a exposé au grand jour des erreurs systémiques aux conséquences mortelles dans le monde entier. Les leçons que nous en tirons devraient nous aider à nous orienter vers une autre façon de vivre ensemble. En tant que communauté de la santé mondiale, nous avions averti qu’une nouvelle maladie d’une ampleur sans précédent était imminente et que le monde n’était pas préparé à cela. Nous avions souligné la nécessité d’investir massivement dans la prévention à part entière. Mais tout le monde a ignoré cela. Sans une contribution supplémentaire des épaules les plus fortes et sans protection sociale supplémentaire, nous ne sortirons pas de cette crise sanitaire et économique » [23]. Luttons contre ces erreurs systémiques et pour des alternatives anticapitalistes dès maintenant !
Paul Van Pelt