Qu’y a-t-il de commun entre les OGM et la constitution européenne ? L’acharnement fanatique et la mauvaise foi évidente de ceux qui en font la promotion. Il y a quelques mois, l’Agence Européenne pour la Sécurité Alimentaire (AESA) donnait un avis favorable à la commercialisation en Europe du maïs génétiquement modifié Monsato 863 (MON 863). La Commission pousse pour que cet avis soit transformé en décision, malgré les avertissements de certains scientifiques et l’opposition populaire… Une opposition qui ne peut que redoubler d’intensité depuis que le journal britannique The Independent a révélé l’existence d’un ample rapport secret de Monsanto confirmant des risques sérieux pour la santé humaine (1).
Ce qu’on sait de ce rapport est inquiétant. Des rats alimentés pendant 90 jours avec une nourriture contenant 33% de maïs génétiquement modifié MON 863 présentent une série de différences significatives par rapport au groupe témoin des rats nourris avec du maïs naturel. Chez les rats nourris aux OGM :
– le poids des reins diminue de 7,1% ;
– le nombre de globules blancs augmente de 20,4% chez les mâles ;
– le nombre de lymphocytes augmente de 22,1% chez les mâles ;
– le nombre de réticulocytes diminue de 51,8% chez les femelles.
Les écarts dans la composition du sang pourraient signifier que les animaux ont développé une allergie contre laquelle le système immunitaire se mobilise. Or la croissance des allergies alimentaires est avérée. Elles peuvent s’exprimer sous forme d’asthme. Elles peuvent aussi provoquer un choc anaphylaxique, parfois mortel, surtout chez les enfants. 25% des cas d’anaphylaxie mortelle en Grande-Bretagne sont dûs à des allergies alimentaires et celles-ci touchent dorénavant 3,24% de la population française. Or, certains OGM ont déjà provoqué des problèmes de ce genre et ont dû être retirés du marché en catastrophe.
Le MON 863 est un OGM insecticide : ses cellules produisent une toxine qui tue le ver de la racine du maïs. La production de la toxine est commandée par un « gène Bt », ainsi nommé parce qu’il est prélevé chez une bactérie du sol naturellement insecticide : Bacterium thuringiensis. Les spores de cette bactérie peuvent provoquer des réactions allergiques. En soi, ceci devrait suffire à inspirer la prudence. Mais ce n’est pas tout : il est prouvé que la toxicité des gènes Bt injectés dans le génome du maïs peut être plus grave que celle du produit naturel : une expérience menée sur une variété de Chrysope (un insecte prédateur d’autres insectes) a ainsi montré une survie réduite et un développement retardé chez les Chrysopes mangeant des larves nourries au maïs Bt, par rapport à un groupe témoin mangeant des larves nourries avec du maïs contenant des doses encore plus importantes de la toxine naturelle.
Plutôt que d’admettre qu’il pourrait y avoir un sérieux problème, Monsanto fait une pirouette : elle compare les résultats des rats nourris aux OGM non pas aux résultats du groupe témoin mais à d’autres données qu’elle qualifie de « références » et de « valeurs historiques », ce qui lui permet de décréter que les écarts observés sont des « aberrations statistiques » attribuables à la « variabilité biologique naturelle » des rats ! Scientifiquement, cette démarche est totalement inacceptable : un groupe témoin est constitué pour servir de référence et les conclusions qu’il permet de dégager ne peuvent être diluées dans d’autres données. Mais Monsato n’en a cure, et se réfugie derrière le fait… que son argumentation a convaincu l’AESA.
Il est frappant que ce genre d’arguments et de méthodes sont similaires à ceux qu’utilisent par les partisans du « oui » à la constitution. Quand on y pense, c’est logique : les défenseurs d’un ersatz dangereux de démocratie et ceux d’un ersatz dangereux de nature ont forcément la même structure mentale… façonnée par les mêmes intérêts.
Notes
(1) The Independent, 22/5/05
(2) « GM Food & Feed not Fit for Man or Beast », The Institute for Science in Society, 7/05/04