Le colza transgénique Ms8xRf3 mis au point par la société gantoise Plant Genetic Systems ne pourra pas être cultivé dans notre pays [la Belgique]. La demande d’autorisation, introduite par Bayer CropScience (qui contrôle PGS) a en effet été repoussée par les ministres de l’environnement et de la santé, Freya Van den Bossche et Rudy Demotte.
Ce refus s’appuie sur l’opinion du Conseil consultatif de biosécurité, qui a constaté que le colza transgénique nuit à la biodiversité et qu’il risque de contaminer les champs non-OGM. Pour rappel, ce colza est une des OGM dont les nuisances et les dangers pour l’environnement ont été clairement établis par la Royal Society britannique, au terme de la plus grande étude en champ jamais menée à ce jour (1).
Concrètement, un des problèmes posés par le Ms8xRf3 est que sa culture implique l’usage systématique du glufosinate d’ammonium, auquel la plante a été rendue résistante. Or, cet herbicide total (mis au point par Bayer et commercialisé sous le doux nom de « Liberty ») nuit aux populations d’insectes (papillons et abeilles), d‘oiseaux (alouettes, notamment) et de petits mammifères. De plus, la contamination est inévitable, la pollinisation croisée avec les variétés non-OGM pouvant se faire à plusieurs kilomètres de distance (2).
La décision belge est une victoire de l’opinion publique opposée aux OGM. Donc une défaite du lobby biotechnologique et de la Commission Européenne, laquelle ne dissimule pas son engagement en faveur des transgéniques. Mais il convient de rester vigilant. En effet, le colza de Bayer CropScience n’est qu’un des trente OGM pour lesquelles des demandes d’autorisation ont été déposées en Europe. D’autre part, conformément aux règles en vigueur dans l’UE, la Commission va transmettre le dossier aux autres Etats membres, qui disposent de 60 jours pour demander des explications complémentaires. Ensuite, un comité d’experts se prononcera, la décision finale incombant au Conseil des ministres européens.
C’est mal parti pour le colza Bayer, mais tout n’est pas positif pour autant. En effet, le refus belge ne porte que sur la culture du Ms8xRf3. L’importation de semences en vue de leur transformation est autorisée, pour autant que les produits n’entrent pas dans la chaîne alimentaire et que des « conditions strictes » soient respectées afin d’ éviter la dissémination. Or, primo : aucune « condition stricte » ne peut garantir la non-dissémination (les graines transitent par des silos, il y a inévitablement des fuites lors du transport, des mélanges de semences, etc). Secundo : les filières de transformation n’étant pas séparées, les huiles seront mélangées, de sorte que la responsabilité finale de refuser les OGM est renvoyée à la vigilance du consommateur.
A travers cette autorisation d’importation, les autorités belges expriment la préoccupation européenne de ne pas froisser les intérêts commerciaux des Etats-Unis, où le colza transgénique est cultivé sur d’immenses étendues. Mais il est hypocrite et inconséquent de refuser la culture des OGM chez soi tout en se lavant les mains de ce qui se passe ailleurs qu’en Europe. Si les transgènes sont nuisibles, ils le sont partout et il s’agit d’en finir au plus vite, même si cela doit coûter cher aux apprentis-sorciers. Non ?
Lorsque des comités citoyens se battent contre les nuisances d’un aéroport, d’une décharge, d’une autoroute, les politiques les accusent volontiers de céder à ce qu’on appelle l’effet « NIMBY » - « not in MY backyard », pas dans MON jardin. Sous-entendu : « vous êtes des égoïstes, vous voulez seulement qu’on installe cet aéroport, cette décharge, cette autoroute ailleurs, où d’autres en subiront les conséquences ». Il est piquant de constater que, dans le dossier du colza, les « NIMBY » sont les politiques !
Notes
(1) Voir notre article « Le Père Noël, la justice et les OGM », JDM N° ….
(2) Ces études (en anglais) sont accessibles à l’URL suivante : http://defra.gov.uk/environment/gm/research/pdf/epg_rg0216.pdf