Ce que je vais écrire ensuite est peut-être le plus important de tout ce que j’ai noté ici ces jours-ci. La suspension des droits constitutionnels, via la déclaration de l’état d’urgence, serait une grave erreur, que nous regretterons si nous l’autorisons. Nous avons déjà suspendu, - contre le gouvernement -, la circulation et les contacts. Les rues sont vides, désespérément vides. Les magasins et restaurants ferment car il n’y a pas de clients. Les plages n’étaient même pas bondées – Carcavelos [1] a été une bonne excuse - alors que dans n’importe quel métro ou supermarché, le risque de contagion est beaucoup plus grand que sur la plage ! - et jusque dans les jardins ou sur les trottoirs, chacun est loin de tout le monde. Triste mais sérieusement éloigné.
Ce dont nous avons besoin, c’est de fermer les grands lieux de travail non essentiels et de laisser les autres lieux, essentiels, fonctionner avec des protections. Nous n’avons pas besoin ni ne devons accepter de suspension constitutionnelle des droits, car après cela vient une crise économique, déjà commencée, la baisse des salaires,- mais avec l’interdiction des réunions syndicales, le droit d’association, c’est cela que veut dire l’état d’urgence. Il n’a jamais été déclaré après le 25 avril, et ne doit pas l’être. Tous ceux qui l’ont pu sont rentrés chez eux à titre volontaire, nous sommes déjà en situation d’urgence, et c’est contre le gouvernement que nous l’avons fait, les autres ne le sont pas parce qu’ils ne le peuvent pas (professions essentielles à la vie et à l’approvisionnement) ou parce qu’on ne les laisse pas (entreprises irresponsables).
Nous avons besoin de plus de droits pour ceux qui travaillent et non de suspendre les droits. Nous devons protéger les précaires, garantir les loyers et les hypothèques, aller vers tous ceux qui n’ont pas de soutiens. Nous sommes restés à la maison, nous avons cessé de nous rassembler à plus de cent personnes, nous avons retiré les enfants des écoles, nous avons cessé de circuler et les travailleurs, dans tout le pays, dans des sites non essentiels, ont de fait arrêté de travailler et ce, contre les ordres du ministre qui leur ordonnait de travailler.
Les Portugais ont de fait décrété l’état d’urgence, contre leur État, pendant que leur président était à Cascais, ou peut-être était-il sur un bateau en route vers le Brésil ? Nous avons donné une leçon sur la démocratie et de comportement social collectif, nous n’avons pas besoin de la main lourde de l’État. Nous, historiens, sommes en mesure de vous dire quelque chose aujourd’hui : on ne sait jamais jusqu’où un État peut aller ; après avoir échoué en matière sociale et de protection, il ne lui reste que le rôle policier pour autorité.
Tous les syndicats doivent s’y opposer frontalement. L’Ordre des avocats, le ministère public. Tous ceux qui savent ce qui est en jeu, au-delà de la peur.
L’état d’urgence est contre les grèves, pas contre le COVID. Les partis qui soutiendraient une telle mesure mettraient en danger notre démocratie.
Raquel Varela