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Mi-novembre, Marine Le Pen rappelle son soutien aux Gilets jaunes, « le plus grand mouvement social depuis 50 ans », puis confirme la présence d’élus RN dans les cortèges du 5 : « Qu’est-ce qui est laissé comme possibilité aux Français pour exprimer leur désaccord ? La rue. Il n’y a pas d’autres moyens ». Le RN n’envisage pas les mobilisations et les blocages rendus possibles par une grève générale comme un moment d’auto-construction des luttes. L’appel au 5 se double en effet d’une pétition pour un référendum. Inutile de dire, même si le sujet répond à certaines préoccupations démocratiques, combien cette perspective casserait la dynamique en cours. La rue oui, mais n’y restez pas trop longtemps…
Une autre idée de la grève générale
Plusieurs cadres se sont mis en scène le 5 sur les réseaux sociaux, et notamment deux députés européens. L’ancien mégrétiste Philippe Olivier, proche conseiller de Marine Le Pen, n’hésite pas, avec André Rougé, à utiliser le hashtag « grève générale ». On pourra s’interroger sur le rapport à la grève de Rougé, ancien directeur du développement commercial de Bouygues construction, ancien de la mouvance solidariste et du Parti des Forces nouvelles, passé par le RPR. Il prédit en tout cas que Macron va « s’attirer la défiance croissante des classes moyennes et des cadres ». Une autre idée de la grève générale…
Pendant que Marc-Alexandre de Fleurian, assistant de Philippe Olivier, est dans le cortège à Calais, où le RN l’a parachuté pour les municipales, Damien Rieu, autre assistant passé par Génération identitaire, continue sur les réseaux sociaux son agitation raciste. Car l’appel du RN à manifester n’est pas une pause dans sa politique xénophobe, contrairement à ce que semble croire Jean-Luc Mélenchon : « Pour une fois que Marine Le Pen ne cherche pas pouille aux arabes et aux musulmans, elle a fait un progrès […] en quelque sorte, en direction de l’humanisme ». Julien Odoul, qui, il y a deux mois, s’en était pris à une femme voilée accompagnant son enfant en sortie scolaire au conseil régional de Bourgogne-Franche Comté, était dans le cortège à Sens. On fait mieux en matière d’humanisme.
La préférence nationale, pivot du discours
Non, le RN ne défend pas les « intérêts communs » à touTEs les travailleurEs. Le goût de la formule ne détournera pas les salariéEs séduits par le discours du RN, qui a mobilisé à partir des seuls leviers qu’il connaît : politique de relance de la natalité, baisse de charge pour les petits patrons et lutte contre l’immigration, sa fluctuation programmatique faisant le reste.
Au RN, on se souvient combien, en décembre 1995, le courrier des lecteurs de National hebdo avait bruissé du mécontentement devant l’hostilité du parti face au mouvement en cours. Dans les années 1990, Mégret est à la manœuvre pour faire du FN un parti de gouvernement : professionnalisation, dédiabolisation, alliances à droite et liens avec des franges du syndicalisme notamment dans les transports, la pénitentiaire et la police. La préférence nationale est le pivot d’un discours qui bouge sur les questions économiques et sociales. C’est une nouvelle page dans la recherche, par les mouvements d’extrême droite, de la synthèse entre le national et le social. Le RN y travaille toujours. Ainsi Louis Aliot, qui jugeait il y a peu que c’étaient les élections et non la rue qui réglaient les problèmes, y va aussi de son hashtag « grève générale » pour soutenir « une colère sociale qui va être nationale ».
Le RN n’attend pas passivement son heure
L’épisode des créations de syndicats FN a été un fiasco. Le RN n’est pas en mesure d’organiser les travailleurEs en dehors du mouvement ouvrier, mais il pose les jalons pour consolider sa base. Les appels pour le 5 ont, de nouveau, été doublés d’un discours contre les dirigeants syndicaux (visant essentiellement Philippe Martinez) et contre les « black-bloc-casseurs-milices-d’extrême-gauche ».
Le RN se concentre sur une sphère électoraliste mais n’attend pas passivement son heure. Gagner des villes, multiplier les élus d’opposition, se construire localement et engranger, surtout après les défaites, le mécontentement populaire, pour se poser en seule opposition valable. Dans cette perspective, les élections municipales à venir sont loin d’être un micro-événement déconnecté des mobilisations sociales. Le RN ne met aujourd’hui personne dans les rues mais parle à celles et ceux qui y sont. La vieille habitude de voir les périodes de mobilisations sociales comme des phases de recul pour l’extrême droite devrait sérieusement être questionnée.
Commission nationale antifasciste du NPA