Les ravages du mouvement perpétuel
Philippe Mühlstein
Selon les modes de transport, les rendements énergétiques sont très différents, et ceux qu’offre le monde routier dominant ne sont pas favorables en termes de consommation et d’impact sur l’environnement. Compte tenu des taux d’occupation observés, une même dépense d’énergie permet à un voyageur de parcourir en TGV une distance 4,5 fois plus grande qu’en voiture, et 9,5 fois plus grande qu’en avion. Pour les déplacements urbains, la distance possible est 11 fois plus importante en tramway et 2,5 fois plus importante en bus qu’en voiture.
Avec la même consommation d’énergie, la tonne de fret parcourt 5 fois plus de distance par cabotage maritime, 4 fois plus par train entier et 2 fois plus par voie fluviale que par poids lourd. Ce dernier est cependant 20 fois plus sobre que l’avion-cargo en trafic intérieur. Pour les voyageurs, comme pour le fret, le recours au transport aérien pour de courts trajets intérieurs constitue ainsi une aberration énergétique et environnementale... qui se développe.
La généralisation de la climatisation et l’alourdissement des voitures, liés à des exigences accrues de confort et de sécurité passive, mais aussi à la vogue des 4 x 4, ont totalement annulé les importants progrès réalisés sur les moteurs des véhicules durant les vingt dernières années en termes de consommation et d’émission de CO2. Dans l’Europe des Vingt-Cinq, entre 1990 et 2002, l’augmentation continue des trafics routiers a été supérieure à 20 % pour les voyageurs et à 30 % pour les marchandises, ce qui a provoqué un accroissement de plus de 20 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) dues aux transports dans ces pays. Les inventaires nationaux des rejets ne tiennent cependant pas compte des transports internationaux aériens et maritimes. Or les émissions mondiales du transport aérien peuvent être estimées à 3 % des émissions globales et à 13 % de celles de l’ensemble des transports. Et le trafic aérien croît de 6 % à 7 % par an depuis 1995...
L’explosion des trafics, qui contribue depuis plusieurs décennies à rendre le développement humain insoutenable, est directement liée aux mécanismes de la mondialisation néolibérale. Il faut pouvoir acheminer au plus bas prix possible, vers les zones de consommation, les produits fabriqués dans les pays qui pratiquent le moins-disant social, fiscal et environnemental, afin que le profit des entreprises de ces pays ne se perde pas c’est le cas de le dire en route. Le secteur des transports a donc été « libéralisé », et il continue à l’être, dans ses différents modes.
Les baisses de prix ont résulté du dumping social, avec pour conséquences la transformation des marins et des chauffeurs routiers en esclaves modernes, la hausse considérable des trafics, mais aussi des atteintes aux droits humains et à l’environnement. Les bilans des marées noires de l’Erika et du Prestige se passent de commentaire. Les transports aériens sont maintenant concernés, avec les privatisations en série des compagnies nationales et le développement des compagnies à bas prix.
Quant aux réseaux ferroviaires européens, leur ouverture forcée à la concurrence, sous l’impulsion de la Commission de Bruxelles, a imposé la séparation artificielle des infrastructures et des services de transport au détriment de l’efficacité technique et économique du rail, mais aussi de la sécurité des passagers, comme l’illustre tragiquement le cas de la Grande-Bretagne depuis dix ans (1)
Les transports façonnent les territoires, l’urbanisme et les modes de vie, et sont aussi façonnés par eux. L’urbanisme « fonctionnaliste » mis en place après la seconde guerre mondiale a provoqué le « zonage » : les logements en périphérie, les emplois au centre (tertiaire) ou en banlieue éloignée (industrie), les commerces dans d’autres banlieues. Ces orientations ont obligé les citadins à augmenter la longueur de leurs trajets et à accroître leurs déplacements quotidiens, notamment domicile-travail. La colonisation des centres-villes par les bureaux y a fait augmenter le prix des logements, avec pour résultat de réserver ceux-ci aux ménages aisés. La ségrégation sociale a été encouragée, ainsi que l’étalement urbain sous forme de périurbanisation « à la californienne ». L’habitat dispersé se prêtant mal aux dessertes par les transports en commun, la motorisation de masse est une réponse obligée à ce type d’urbanisme.
Bien au-delà du milieu du XXe siècle, les politiques d’aménagement du territoire ont été conduites selon les mêmes principes, divisant le territoire en zones de développement agricole, industriel, commercial, touristique qui sous-estimaient la cohésion territoriale, la géographie et les nuisances des transports. Corollaire de cette séparation artificielle : une vigoureuse politique autoroutière censée « favoriser le développement local » et « désenclaver les territoires ». Pourtant, une grande infrastructure a souvent un « effet de pompe » qui vide les zones peu denses lorsqu’une autoroute améliore la liaison entre celles-ci et un grand centre.
Les méthodes « modernes » de gestion « zéro stock », « flux tendu » ou « juste à temps » conduisent à multiplier les transports afin de suivre au plus près l’utilisation des marchandises, qu’il s’agisse de production ou de commercialisation, plutôt qu’à massifier le transport par du stockage. Les économies de gestion des stocks découlent ainsi de la circulation d’un flux ininterrompu de véritables « stocks roulants ». La possibilité de multiplier les flux sans limite confère aussi un aspect secondaire à la localisation de la production ; elle permet de scinder la chaîne de production en autant de maillons que nécessaire pour les localiser, au cas par cas, en des lieux judicieusement choisis afin de minimiser les charges sociales, fiscales ou environnementales de production.
C’est ainsi qu’en 1993 un rapport de l’Institut allemand de Wuppertal a montré que les différents ingrédients nécessaires à la fabrication d’un simple pot de yaourt aux fraises cumulaient 3 500 kilomètres de parcours avant d’être réunis. On connaît aussi l’histoire de cet industriel allemand qui envoie ses pommes de terre se faire laver et découper en Italie, pour les rapatrier ensuite et les revendre dans son pays ; ou encore l’aberrant périple des crevettes danoises, acheminées à travers les Pyrénées jusqu’au Maroc, où elles seront décortiquées à bas prix, puis renvoyées au Danemark, d’où elles repartiront vers leurs lieux de commercialisation.
Cette « optimisation » économique est rendue possible par la sous-tarification du transport due à un excédent global de l’offre, ce qui en fait une variable d’ajustement de décisions économiques prises dans la production et la commercialisation. Cette offre surabondante découle, comme on l’a vu, de la dérégulation généralisée du secteur, mais aussi de la quasi-gratuité, pour les industriels chargeurs, des impacts considérables des transports sur l’environnement et la vie des populations. Les transports sont ainsi un moyen privilégié de transférer des coûts privés vers l’ensemble de la collectivité. Les ravages énergétiques, environnementaux et sociaux de la prolifération des transports appellent des réorientations fondamentales de la place de ce secteur dans l’économie, et donc des mesures politiques en rupture avec le modèle néolibéral dominant. On peut faire, à cet égard, une série de propositions.
En France, les décisions se préparent et sont imposées dans des cénacles technocratiques, ce qui cantonne les élus aux litanies électoralistes pour obtenir de nouvelles infrastructures, et les citoyens qui s’y opposent aux manifestations et aux barrages. L’intérêt général est confisqué par l’administration de l’Etat et ses « grands corps » censés en être les porteurs : le corps des Mines, pour la politique énergétique, et celui des Ponts et Chaussées, pour celle des transports.
Contre ces féodalités, il faut des avancées significatives sur le chemin de la démocratie délibérative. Ainsi, il ne paraît pas sérieux d’envisager de rendre les transports « soutenables » sans la participation réelle de leurs utilisateurs et des habitants des territoires qu’ils traversent.
Sur le plan européen, une application prioritaire du débat public consisterait à évaluer démocratiquement la « libéralisation » des transports conduite depuis une quinzaine d’années par une Commission qui n’a jamais fourni le moindre début de preuve de ses effets positifs.
Mettre fin à la sous-tarification des transports
Contrecarrer l’aliénation marchande demande une définition politique des services publics, notamment des transports, reliant le modèle de société et la dimension économique. Dans cette acception doit être considéré comme « service public » tout service ou production matérielle qu’il aura été démocratiquement décidé de considérer comme tel. La « Constitution » européenne, qui subordonne aux règles de la concurrence ce qu’elle nomme les « services d’intérêt économique général », ne va manifestement pas dans ce sens.
La périurbanisation est incompatible avec la protection de l’environnement et avec la mise en œuvre d’une politique soutenable des transports, car les habitants périurbains n’ont pas d’autre choix que la voiture pour s’approvisionner, travailler et se distraire. Une redensification de l’habitat est indispensable. La ville, longtemps si décriée au profit de la campagne, apparaît désormais comme le lieu d’une écologie possible pour la vie quotidienne.
Pour limiter la consommation d’énergie et la pollution des transports, la taxation des carburants fossiles et la fixation de normes réglementaires d’émission de CO2 apparaissent plus efficaces et contrôlables par la collectivité que la création artificielle d’un « marché des permis d’émissions négociables », logiquement proposé par les néolibéraux, mais aussi soutenu par un certain néocapitalisme Vert. Cette taxation devra être croissante, selon un plan pluriannuel autorisant l’adaptation du système productif et de transport.
La technologie, pour nécessaire qu’elle soit, ne suffira cependant pas à atteindre les objectifs précités si la croissance des trafics continue à annuler, et au-delà, ses effets positifs. C’est pourquoi la priorité demeure de mettre un terme à la sous-tarification des transports. L’augmentation des prix devra concerner avant tout les secteurs où règne le dumping social.
Marins et chauffeurs routiers, qui se trouvent parfois dans des situations presque inhumaines, bénéficieraient alors de conditions de travail dignes. Car l’harmonisation sociale doit se faire par le haut, et elle pourrait commencer au sein de l’Union européenne... si la « Constitution » ne l’interdisait pas (2)
Contrairement à un discours récurrent, en France les investissements en infrastructures de transport de l’Etat et des collectivités publiques ne sont pas trop modestes ; de 1980 à 2003 inclus, ils se sont élevés à environ 310 milliards d’euros constants (valeur 2003). Sur cette période, les dépenses routières ont représenté les deux tiers de l’ensemble. Il ne s’agit pas de dépenser davantage, mais de dépenser autrement, en réorientant les investissements vers les modes de transport collectifs les moins nuisants et les moins voraces en énergie. Il faudrait envisager, au moins dans certains cas, leur gratuité.
Le fait que les élus locaux puissent prendre davantage d’initiatives et de responsabilités en matière de politique des transports et d’urbanisme peut aussi les conduire, sous la pression des citoyens, à se saisir de nouvelles occasions d’influer sur les contenus et la cohérence de ces politiques.
L’équation « bien-être + modernité = nombreux déplacements » doit être remise en cause. La tâche, ardue, consiste à battre en brèche plus d’un demi-siècle de conditionnement mental, à l’origine de représentations sociales désormais profondément ancrées. Il s’agit à proprement parler de changer de culture.
L’idée de diminuer les déplacements en augmentant leur prix choquera sans doute. Cependant, dans un cadre initial où règne le « marché », seule cette augmentation pourra mettre fin au rôle de variable d’ajustement, en aval, que l’organisation économique néolibérale fait jouer aux transports. La nécessité de les réguler fortement et de relocaliser l’économie chemine dans l’opinion. Il reste à l’encourager politiquement, ce qui est sans doute plus difficile, car la réflexion des citoyens est souvent en avance sur celle de leurs élus.
* Philippe Mühlstein est ingénieur.
Notes
(1) Lire la note du conseil scientifique d’Attac « Sur la « libéralisation » du transport ferroviaire ».
(2) L’article III-210, relatif à la politique sociale dans l’Union, exclut explicitement « (...) toute harmonisation des dispositions législatives et réglementaires des Etats membres ».
Anticiper la fin du pétrole
Denis Babusiaux et Pierre-René Bauquis
On estime de 1 à 1,2 millier de milliards de barils les réserves de pétrole dites prouvées, soit 150 milliards de tonnes environ, ou encore à une production d’une quarantaine d’années au rythme actuel. Elles sont très inégalement réparties : près des deux tiers sont situées au Proche-Orient. Leur évolution ne permet cependant pas de prévoir celle de la production pétrolière, les données relatives aux réserves donnant lieu à de vives controverses entre écoles de pensée, les unes optimistes, les autres pessimistes.
Le groupe des optimistes est essentiellement constitué d’économistes tels que Morris Adelman et Michael Lynch, du Massachusetts Institute of Technology (MIT). Il font tout d’abord remarquer que les prévisions passées de raréfaction des ressources ont toujours été démenties. Ainsi, à la fin du XIXe siècle, de nombreux experts prévoyaient l’arrêt d’un développement industriel fondé sur l’énergie du charbon, dont les réserves étaient alors estimées à vingt ans de production de l’époque. Plus près de nous, en 1979, British Petroleum (BP) publiait une étude faisant apparaître un pic de la production mondiale de pétrole (hors URSS) en 1985. Les optimistes observent ensuite que la majeure partie des forages d’exploration est réalisée dans des pays déjà très explorés. De plus, les réserves obtenues par des techniques de mise en production modernes et par la réévaluation des réserves de gisements anciens coûtent souvent moins cher à exploiter, en particulier au Proche-Orient, que celles obtenues par exploration. D’où la limitation de cette activité dans des pays offrant pourtant les meilleures perspectives de découvertes.
Les productions possibles, selon Morris Adelman, sont le résultat d’une course de vitesse entre, d’un côté, l’épuisement des gisements connus et, de l’autre, le progrès technique permettant d’accéder à de nouvelles réserves. Jusqu’ici, ce dernier l’a toujours emporté, avec certains effets conduisant à des évolutions relativement régulières : diminution des coûts de forage, amélioration des taux de récupération, meilleure image du sous-sol. D’autres effets sont plus difficiles à prévoir. Ainsi, au début des années 1980, la production des huiles extra-lourdes de la ceinture de l’Orénoque, au Venezuela, était seulement considérée comme rentable si le prix du baril de brut dépassait les 30 à 40 dollars de l’époque. Des avancées techniques, principalement la généralisation du forage horizontal, ont permis d’abaisser ce seuil à moins de 15 dollars (au cours 2004).
Les pessimistes sont, pour la plupart, regroupés au sein de l’Association pour l’étude du pic pétrolier et gazier (Association for the Study of Peak Oil and Gas, ASPO). Ils insistent tout d’abord sur le caractère politique des réévaluations de réserves effectuées en 1986-1987 par les membres de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep), et qui ne correspondent pas à de véritables réserves prouvées. Ils considèrent que le pic de la production mondiale se situera entre 2005 et 2010, à un niveau de l’ordre de 90 millions de barils/jour, tous hydrocarbures naturels confondus.
Pour appuyer leur thèse, ils rappellent que nous disposons enfin d’un accès à l’ensemble des données de tous les bassins pétroliers, ainsi que d’un échantillonnage suffisant pour que des méthodologies prédictives des réserves restant à découvrir soient désormais raisonnablement fiables. L’incertitude porte donc essentiellement sur l’évolution future de la part des volumes récupérables à partir des ressources en place. Sur ce sujet, les conclusions divergent : pour les optimistes, le taux moyen de récupération de ces volumes pourrait passer, au cours des cinquante prochaines années, de 35 % environ aujourd’hui à 50 %, voire 60 % ; pour les pessimistes, en revanche, les améliorations seront limitées et concerneraient essentiellement les huiles lourdes et extralourdes.
Différentes équipes de spécialistes proposent une vision intermédiaire, en particulier celle de l’United States Geological Survey (USGS), pour qui les réserves ultimes de pétrole conventionnel seraient de l’ordre de 3 000 milliards de barils, dont 1 000 environ déjà consommés, un peu plus de 1 000 de réserves prouvées, le reste correspondant aux réserves à découvrir. Cet ordre de grandeur correspond également aux estimations minimales des géologues de l’Institut français du pétrole (IFP), effectuées à partir des données actuellement disponibles. Il conduit à un maximum de la production mondiale peu après 2020. Avec des hypothèses un peu plus optimistes sur les volumes à découvrir, non plus minimaux, mais moyens, et sur un accroissement des taux de récupération, le pic pourrait être repoussé vers 2030. Si les estimations de l’USGS devaient être revues à la hausse, comme cela a été le cas dans le passé, en intégrant les ressources non conventionnelles, le déclin pourrait être repoussé au-delà de 2030.
On peut considérer qu’il existe un continuum de ressources en hydrocarbures : gisements plus difficiles d’accès, plus complexes, plus difficiles à détecter, pétrole en mers profondes et très profondes, huiles extralourdes, sables asphaltiques, schistes bitumineux. Ce continuum n’est pas limité aux hydrocarbures d’origine pétrolière : nombreuses sont les recherches sur le développement des techniques de production de carburants liquides à partir du gaz naturel (Gas to Liquids : GTL ou GTS) ou à partir de charbon. Plusieurs projets GTL de grande envergure ont été lancés fin 2003 au Qatar, et de nombreux autres sont à l’étude. Ce continuum s’étend aux carburants issus de la biomasse.
A plus long terme, il est même possible d’envisager une « carbonation » de l’hydrogène produit à partir du nucléaire ou d’une énergie renouvelable. Il faut cependant rappeler que la production de pétrole non conventionnel ou synthétique conduit à des consommations d’énergie, et donc à des émissions de CO2, plus élevées. Pour de nombreux analystes, le recours au pétrole risque d’être limité bien davantage par les contraintes sur les gaz à effet de serre que par une raréfaction des ressources.
Depuis 1987, la volatilité des prix a augmenté et il semble peu probable qu’elle puisse être réduite à court terme. Cependant, si les anticipations sont correctes, les « chocs » pétroliers importants pourraient être évités. C’est la position de l’Agence internationale de l’énergie (AIE), qui présente une vision optimiste des productions possibles à l’horizon 2030. C’est aussi l’hypothèse des scénarios de Shell, qui supposent un développement suffisamment rapide des énergies renouvelables. Mais une analyse très différente est proposée par des auteurs inquiets de l’absence de vision à long terme de la plupart des acteurs. Pour eux, l’apparition d’un pic de la production pétrolière mondiale, ou la simple prise de conscience de sa venue, risque de se traduire par un troisième « choc », dont la brutalité dépendra du degré d’anticipation.
Comme en 1980, la montée des prix pourrait entraîner des économies d’énergie et des substitutions ralentissant la demande, et permettant donc de repousser le déclin des productions. On pourrait alors se trouver en présence d’un « chameau à deux bosses », pour reprendre l’expression de M. Pierre Radanne, ancien président de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe). Le scénario proposé récemment par l’un des auteurs de ces lignes (Pierre-René Bauquis) avance l’hypothèse d’un triplement ou d’un quadruplement des prix en monnaie réelle, qui atteindraient d’ici dix à quinze ans un niveau d’une centaine de dollars 2003 par baril. Une telle hausse serait nécessaire pour mettre en place des politiques d’économie d’énergie, en particulier dans le secteur du transport automobile, augmenter sans subventions majeures la part des énergies renouvelables, ainsi que la production de carburants de synthèse, relancer les programmes nucléaires et développer la production d’hydrogène à partir d’énergie nucléaire.
Un avenir sans crises pétrolières est assez peu probable, même si l’on retient des hypothèses optimistes. Il ne suffit pas, en effet, que les ressources et les techniques soient disponibles, encore faut-il que les investissements permettant l’augmentation des capacités de production soient réalisés à temps. Le facteur le plus efficace pour éviter une pénurie serait l’existence d’un consensus sur sa venue.
* Denis Babusiaux est directeur de recherche associé à l’Institut français du pétrole (IFP). Pierre-René Bauquis ancien directeur Stratégie et planification du groupe Total. Les deux auteurs animent le groupe de travail Pétrole de l’Académie des technologies et sont les rédacteurs d’un projet de rapport prolongeant les analyses de cet article.
Des choix qui engagent pour cent ans
Elaine Baker, Emmanuelle Bournay, Benjamin Dessus et Philippe Rekacewicz.
[Les textes ci-dessous accompagnent les graphiques disponibles dans le document .pdf. Certains graphiques sont également reproduits ici pour faciliter la compréhension des textes. [Ces graphiques et cartes ne sont pas reproduits ici.]
Bientôt le Sud dépassera le Nord
Si les tendances observées depuis une quarantaine d’années dans les pays industrialisés, et que l’on constate maintenant dans les pays du tiers-monde se confirment, on peut s’attendre à une véritable explosion des trafics routiers – de marchandises et de personnes – au cours des cinquante ans à venir.
Même dans les hypothèses les plus modestes de progression des taux de motorisation des ménages, le développement démographique et économique des pays du Sud conduit à de très fortes augmentations des parcs et des trafics automobiles mondiaux : une multiplication par plus de 7 entre 1990 et 2060 du nombre de kilomètres parcourus. Dès 2025, le trafic des pays du Sud égalera celui des pays du Nord. En 2060, leur trafic automobile annuel représentera 70 % du total mondial.
La situation est encore plus explosive pour les transports de marchandises. Depuis quarante ans, ces trafics, mesurés en « tonnes-kilomètres » (le nombre de tonnes transportées, multiplié par le nombre de kilomètres parcourus par an), ont toujours augmenté à un rythme au moins égal et parfois même bien supérieur à celui du produit intérieur brut dans tous les pays du monde : 1,7 fois plus vite en Europe, 2 fois plus vite en Inde. Si cette tendance se confirme, on peut s’attendre à voir le trafic mondial de marchandises atteindre plus de 40 000 milliards de tonnes-kilomètres en 2060, alors qu’il était inférieur à 5 000 milliards en 1990. C’est le développement des pays du Sud qui « tire » l’augmentation de ce trafic : en 2020, il atteindra déjà 60 % du total (contre à peine 30 % en 1990), pour s’élever à 75 % en 2060.
On saisit aisément les problèmes d’approvisionnement en carburant que vont entraîner de tels trafics. Et cela, même si des progrès techniques majeurs permettaient de réduire les consommations des automobiles et des camions.
Qui consomme ?
Energie finale, c’est ainsi que l’on désigne l’énergie que nous utilisons réellement : carburant à la pompe, électricité à domicile, fioul domestique, chaleur d’un réseau communal, etc. Cette énergie finale nous arrive après de nombreuses opérations à partir d’énergies dites primaires : le pétrole, le gaz, le charbon, l’uranium ou le bois, qu’il faut extraire, transporter, raffiner ; l’eau, le vent ou le soleil, qu’il faut capter ; l’électricité, qu’il faut produire et transporter... Ces transformations entraînent des pertes. C’est ainsi que l’énergie finale ne représente, en France, que 60 % de l’énergie primaire. Le raffinage des produits pétroliers et surtout la production et le transport de l’électricité en sont la cause : les centrales nucléaires actuelles n’ont en effet qu’un rendement de 33 %.
Apprentissage rapide
Pour les économistes, la performance énergétique d’une économie se mesure à l’intensité énergétique du produit intérieur brut (PIB) exprimée en tonnes équivalent pétrole (tep) par 1 000 dollars. Plus le chiffre est faible, meilleure est la performance. La courbe d’« apprentissage » énergétique de chaque pays, généralement en forme de cloche, montre les diverses périodes de transition économique. Au départ, l’intensité énergétique a tendance à croître : c’est la période pendant laquelle le pays bâtit l’essentiel de son infrastructure – industrie lourde, réseaux de transports, aménagement urbain, etc. Durant cette phase, les besoins sont importants et le contenu énergétique du produit intérieur brut augmente. Survient ensuite une saturation qui s’est produite vers 1880 pour le Royaume-Uni, vers 1920 pour les Etats-Unis, vers 1930 pour la France ou l’Allemagne, vers 1960 pour le Japon.
La chute qui s’amorce ensuite tient à plusieurs raisons : la consommation des matériaux de base à forte composante énergétique se stabilise, et le contenu en services, peu consommateurs en énergie, du produit intérieur brut augmente. Le progrès technologique vient accélérer cette chute de l’intensité.
La figure ci-dessus montre aussi que le niveau maximum d’intensité énergétique atteint par chacun des pays qui se sont successivement industrialisés est chaque fois plus faible que celui de ses prédécesseurs. C’est bien naturel, puisque le développement des pays les plus jeunes bénéficie de technologies plus performantes que celles de leurs aînés. Un pays actuellement en phase de très rapide développement, comme la Chine, entre dans la phase rapidement décroissante de son intensité énergétique.
La « loi historique », évoquée parfois à l’appui des scénarios d’abondance, d’une liaison rigide entre croissance économique et croissance des consommations énergétiques ne se vérifie donc pas sur une longue période. La courbe tiretée bleue, sur la figure, représente l’évolution moyenne probable de l’intensité énergétique de la plupart des pays en développement au cours des prochaines décennies.
De Hongkong à Houston
L’urbanisme a des conséquences majeures sur la consommation de transport des ménages. pour se rendre à son travail, faire ses courses et conduire ses enfants à l’école, un habitant de Los Angeles dépense chaque année six fois plus d’énergie qu’un londonien ou un parisien, qui vivent dans des villes à forte densité de population. C’est la conséquence d’un urbanisme qui suscite des déplacements importants, et d’une densité trop faible pour que les transports en commun soient rentables. L’évolution du trafic voyageurs et marchandises, en France, montre la très nette « préférence routière », résultat des politiques d’aménagement menées depuis une quarantaine d’années. En un quart de siècle, la part des transports collectifs de passagers en France est tombée de 23 % à 17 %, et celle des transport de marchandises par rail et voie d’eau de 37 % à moins de 25 %. Les efforts de rééquilibrage entrepris depuis 1995 restent très insuffisants pour enrayer cette évolution.
Ces exemples montrent l’importance des choix d’infrastructures lourdes sur la consommation énergétique d’un pays : urbanisme, logement, réseaux de transports déterminent pour de très longues périodes (plus de cent ans) la nature et la quantité d’énergie consommée pour les services de base d’une société.
Scénarios divergents
Il existe de nombreux scénarios énergétiques mondiaux à long terme. Certains relèvent de la prévision et dessinent l’évolution la plus probable si les tendances observées dans la période récente se prolongent sur la période étudiée. C’est le cas de celui que vient de publier l’Agence internationale de l’énergie (AIE) de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), qui décrit une situation inquiétante à l’échéance de vingt-cinq ans. En 2030, en effet, la demande d’énergie aura augmenté de 66 % par rapport à 2002 (100 % pour le gaz naturel, 60 % pour le pétrole, 55 % pour le charbon, 100 % pour les énergies renouvelables). En revanche, le nucléaire aura stagné à sa valeur d’aujourd’hui. Quant aux émissions de gaz carbonique, elles auront crû de 70 %...
D’autres scénarios, non linéaires, relèvent de la prospective ; ils mettent en scène des images contrastées qui reflètent des politiques énergétiques et leurs conséquences à différentes dates, en termes de demande et d’offre, ainsi que d’environnement. C’est le cas de ceux proposés par l’International Institute for Applied Systems Analysis (IIASA) pour le compte du Conseil mondial de l’énergie, et du scénario Noé du Centre national de la recherche scientifique (CNRS). Ils se fondent sur les mêmes croissances démographiques (10 milliards d’habitants en 2050), mais affichent des objectifs très contrastés : le développement technologique et l’abondance énergétique dans la famille des scénarios A ; la sobriété et le respect de contraintes d’environnement, en particulier la limitation des émissions de gaz à effet de serre ou des déchets nucléaires, dans la famille des scénarios C ; et leur limitation simultanée dans Noé.
On constate, dès 2020, un écart très important entre les scénarios extrêmes (famille A et Noé) : presque 4 milliards de tonnes équivalent pétrole (tep). En 2050, l’écart entre ces mêmes scénarios dépasse la consommation énergétique mondiale actuelle (environ 10 milliards de tep). Les images proposées diffèrent bien plus par les volumes de demande d’énergie considérés comme indispensables (l’abondance ou la maîtrise) que par l’importance plus ou moins grande accordée aux différents moyens de production. Ce n’est pas tant le recours aux énergies renouvelables qui caractérise les scénarios écologiques C et Noé que la faible demande énergétique qu’ils mettent en scène. La maîtrise de la demande d’énergie apparaît à l’évidence comme la principale marge de manœuvre pour l’action.
* Elaine Baker, Emmanuelle Bournay, Benjamin Dessus (Président de l’association Global Chance) et Philippe Rekacewicz.
Compte à rebours
Roland Lehoucq
La Terre est un système fini. Ainsi formulée, la chose semble évidente. Au quotidien, elle passe pourtant inaperçue, tant les mesures de référence humaines sont distinctes des échelles terrestres. La différence est même si grande que nous avons toujours puisé sans compter dans des ressources imaginées, sinon infinies, du moins très grandes. Si la part que l’humanité prélève sur l’écosystème terrestre a longtemps été négligeable par rapport aux ressources disponibles, il faut bien reconnaître que, après une bonne cinquantaine d’années de croissance exponentielle, l’activité humaine rivalise désormais avec les forces de la nature. Une façon de quantifier cette activité est de considérer l’énergie qu’elle consomme. Du point de vue du physicien, l’énergie représente la grandeur qui exprime la capacité d’un système à modifier l’état d’autres systèmes avec lesquels il est en interaction.
Une croissance exponentielle se heurte inévitablement, et beaucoup plus rapidement qu’on ne le croit, à la finitude des ressources de son environnement. Prenons l’exemple de bactéries cultivées dans une boîte. Elles se reproduisent en se divisant et leur nombre double au bout d’un temps variable qui, pour prendre un exemple, peut ne pas dépasser 20 minutes.
Imaginons que la descendance d’une unique bactérie, placée à midi sur le milieu de culture, parvienne à saturer la boîte à minuit : dans ce laps de temps, le nombre de bactéries aura été multiplié par 68 milliards. Quand la boîte était-elle à moitié pleine ? A 23 h 40. Si nous étions l’une de ces bactéries, à quel moment aurions-nous conscience que l’on s’apprête à manquer d’espace ? A 22 heures, quand la colonie n’occupe encore que 1,5 % du volume de la boîte, nous n’imaginons pas la catastrophe qui se prépare. Supposons qu’à 23 h 20, une bactérie particulièrement avisée commence à s’inquiéter. A grands renforts de moyens, elle lance un programme de recherche de nouveaux espaces. A 23 h 40, trois nouvelles boîtes sont découvertes, ce qui quadruple le volume disponible ! Cet accroissement des ressources, apparemment considérable, ne donnera pourtant qu’un répit de 40 minutes : la colonie étouffera à 0 h 40.
Avec les taux de croissance actuels, le temps de doublement de la consommation mondiale d’énergie est voisin de 50 ans. La crise que l’on annonce, et dont on perçoit déjà les premiers symptômes, n’est que la manifestation d’une croissance exponentielle dans un environnement fini. Peut-on estimer les échelles de temps mises en jeu ? Le calcul du temps de doublement de la consommation est une première tentative. Une autre façon de procéder consiste à calculer le rapport entre les réserves estimées d’une ressource et la consommation annuelle actuelle. La valeur obtenue est une borne supérieure au temps réel d’épuisement de la ressource considérée, car elle fait implicitement l’hypothèse – non vérifiée aujourd’hui – d’une stabilité de la consommation. Selon que l’on considère les réserves prouvées ou les réserves ultimes, les temps d’épuisement du pétrole, du gaz naturel et de l’uranium varient entre 40 et 120 ans ; pour le charbon, la situation est plus favorable : entre 220 et 850 ans (1). Du point de vue des ressources fossiles, minuit approche…
Quelles sont les possibilités d’allonger la durée du compte à rebours ? La première, qui tombe sous le sens, consiste à passer à un mode de développement plus lent, à croissance nulle, voire négative. Cette démarche est indispensable, même si sa mise en œuvre à l’échelle mondiale apparaît très difficile, tant la demande énergétique est forte. Chaque pas dans cette direction a cependant le mérite de faire gagner un peu de temps sur l’inéluctable disparition des ressources fossiles. Par ailleurs, le captage de l’énergie solaire, éolienne, géothermique, hydraulique, de la biomasse, de l’énergie des marées, des vagues ou de l’énergie thermique des mers permettrait également de ralentir l’épuisement des combustibles fossiles. Cependant, si l’on exclut le solaire, la puissance disponible dans les sources d’énergies renouvelables n’est supérieure que de quelques fois à celle consommée aujourd’hui. Si la croissance planétaire de la consommation se poursuit au rythme actuel, le temps viendra où les prélèvements satureront les capacités de renouvellement. La puissance disponible dans ces sources d’énergie impose donc une limite à la croissance de la consommation énergétique humaine, avec toutefois un avantage incontestable sur les boîtes à bactéries et les énergies fossiles : le stock disponible se renouvellera.
En revanche, la Terre reçoit du Soleil une puissance 13 000 fois supérieure à celle que consomme l’humanité. Le Soleil brille parce qu’il est chaud – sa température de surface est de l’ordre de 6 000 °C – et, en un peu plus d’un millionième de seconde, il rayonne autant d’énergie que l’humanité en produit en un an (2).
Ainsi, à l’échelle humaine, cet astre constitue une source en apparence inépuisable : il brille depuis 4,5 milliards d’années, et continuera à le faire pendant à peu près la même durée. S’il brille intensément depuis si longtemps, c’est qu’il puise son énergie au cœur des noyaux des atomes : dans les régions centrales les plus chaudes, des réactions de fusion thermonucléaire dégagent de l’énergie en transformant quatre noyaux d’hydrogène en un noyau d’hélium. Capter une fraction appréciable de cette énergie changerait radicalement les échelles de temps mises en jeu. Comment faire ? En sus des méthodes traditionnelles (capteurs solaires de type photovoltaïque ou thermique), deux projets ambitieux tentent de baliser la piste à suivre. Le premier, la construction d’une gigantesque tour solaire, est en voie d’expérimentation ; le second, la mise en orbite d’une station solaire, est encore à l’étude.
La structure la plus haute jamais construite par l’homme pourrait voir le jour dans l’outback (3) australien d’ici à 2008. La compagnie australienne EnviroMission projette d’y ériger une tour solaire de plus d’un kilomètre de hauteur, capable de produire une puissance de 200 mégawatts (4). Elle aura une section de surface voisine de celle d’un terrain de football, et se situera au centre d’un parterre de verre de plus de 7 kilomètres de rayon. Son fonctionnement est simple : la lumière solaire chauffe l’air situé sous le toit de verre, incliné de sorte que l’air chaud s’élève vers la tour. Il y est canalisé pour actionner des turbines dont la rotation produira de l’électricité 24 heures sur 24. Bien que l’énergie solaire soit, par essence, intermittente, la chaleur stockée dans le sol situé sous le collecteur de verre fournira une source d’appoint durant la nuit. Cette tour est une version géante du prototype de « cheminée solaire » inventée et construite par l’ingénieur allemand Schlaich Bergerman en 1982, près de Manzanares, en Espagne.
Quasiment toute l’énergie rayonnée par notre étoile se perd dans l’infini, la Terre n’en interceptant qu’un demi-milliardième. Pourquoi, alors, ne pas capter ce rayonnement depuis l’espace ? L’absence d’alternance jour/nuit permet de s’alimenter au Soleil en permanence, et l’absence du filtre atmosphérique multiplie par huit la puissance reçue. Durant les années 1995-2000, la NASA a lancé le programme de recherche et de développement technologiques Space Solar Power (5) pour conduire les études préalables à la réalisation de grandes stations solaires orbitales, capables de produire plusieurs centaines de mégawatts, voire quelques gigawatts. De grands panneaux photovoltaïques capteraient le rayonnement solaire, dont l’énergie serait ensuite transmise sous forme d’ondes centimétriques. Une expérience dans ce sens a même été réalisée à La Réunion, où l’utilisation de micro-ondes a permis d’alimenter en énergie les habitants vivant dans une vallée difficile d’accès (6). D’autres pays sont intéressés par ce projet. Le Japon a annoncé, début 2001, son intention de réaliser une centrale solaire orbitale d’ici à 2040. Ce satellite serait équipé de deux panneaux géants de 1 kilomètre sur 3, et il pèserait autour de 20 000 tonnes.
Si la consommation énergétique de l’humanité devait poursuivre sa croissance actuelle sur le long terme, seul le Soleil serait capable d’y pourvoir. Avec, cependant, une date butoir théorique : celle où la croissance de la consommation imposerait de capter toute la puissance qu’il rayonne. Cette date pourrait ne pas être aussi lointaine que nous l’imaginons : 3 200 ans d’une croissance annuelle de 1 % suffisent à l’atteindre. Le Soleil est, lui aussi, fini.
* Roland Lehoucq est astrophysicien.
Notes
(1) Source : http://www.industrie.gouv .fr.
(2) Le soleil rayonne l’imposante puissance de 3,91 02610 watts, dont la Terre n’intercepte que la moitié d’un milliardième, soit 1,7 1017 watts. Ce chiffre est à comparer à la production humaine, voisine de 1,3 101310 watts – soit un millième de ce que le Soleil apporte à la Terre.
(3) L’outback est le nom donné à 80 % du territoire Australien, la partie essentiellement aride du pays.
(4) Source : http://www.wentworth.nsw. gov.au/sol.... NDLR : un mégawatt correspond, en moyenne, à la consommation instantanée (autrement dit, à chaque seconde) d’énergie d’environ 1 000 personnes.
(5) Source : http://spacesolarpower.na sa.gov. Lire également Pierre Barthélémy , « Dans quarante ans, l’électricité pourrait venir de l’espace », Le Monde, 31 mai 2001.
(6) Lire Pierre Barthélémy, « Des micro-ondes pour alimenter une vallée encaissée de la Réunion », Le Monde, 31 mai 2001.
« Energie » : glossaire
Biomasse : masse de matière organique non fossile d’origine biologique. Elle comprend les végétaux utilisables directement et les résidus d’une première exploitation de la biomasse (déchets agricoles, déchets domestiques, déjections animales, déchets forestiers).
Capteur solaire : dispositif destiné à recueillir le rayonnement solaire pour le convertir en énergie thermique et le transférer à un fluide caloporteur (air, eau).
Cellule photovoltaïque : dispositif permettant de convertir directement le rayonnement solaire en énergie électrique. Les cellules sont ordonnées en modules qui composent les panneaux solaires.
Coefficients d’équivalence : coefficients permettant conventionnellement de comparer dans une unité commune (tep : tonne équivalent pétrole) des quantités d’énergie de natures diverses.
Effet de serre : phénomène climatique naturel qui permet, en réchauffant l’atmosphère, la vie sur terre. La chaleur émise par le soleil est capturée, comme dans une serre, grâce à certains éléments composant l’atmosphère, particulièrement le gaz carbonique. L’augmentation de la teneur en gaz carbonique de l’atmosphère, due aux activités humaines, accentue cet effet de serre, ce qui se traduit par l’augmentation de la température moyenne à la surface du globe. Si les incertitudes scientifiques restent encore nombreuses, notamment quant aux conséquences sur la planète, la relation émissions anthropiques - réchauffement planétaire est aujourd’hui fermement établie.
Energie renouvelable : énergie tirée d’une source renouvelable de manière permanente : biomasse, électricité hydraulique, énergie éolienne, solaire, géothermique, etc.
Gaz à effet de serre : le CO2 n’est pas le seul gaz à contribuer à l’effet de serre, mais il est le principal, en raison des quantités émises par l’activité humaine. Par souci de simplification, les autres gaz sont exprimés en « équivalent CO2 » en fonction de leur dangerosité. Il s’agit du méthane (CH4), de l’oxyde nitreux (N2O), de l’ozone troposphérique (O3), des CFC et des HCFC (gaz de synthèse responsables de l’attaque de la couche d’ozone), ainsi que des substituts des CFC : HFC, PFC, SF6.
Intensité énergétique : mesure la quantité d’énergie nécessaire à la production d’une unité monétaire de valeur ajoutée ou d’une unité physique.
kWh/kilowattheure : unité de mesure de travail et d’énergie, égale à la consommation d’un appareil électrique de 1 000 watts fonctionnant pendant une heure (ou de 100 watts fonctionnant pendant dix heures).
Maîtrise de l’énergie : ensemble des mesures mises en œuvre pour une utilisation la plus efficace possible des ressources énergétiques. Ce terme englobe les économies d’énergie, l’utilisation rationnelle de l’énergie et les substitutions énergétiques.
Méga : préfixe qui, placé devant une unité de mesure, la multiplie par 1 million. Exemple : 1 mégawatt (MW) = 1 million de watts ; 1 Mtep = 1 million de tonnes équivalent pétrole.
Source : Vie-publique.fr
Tonnes et kilomètres
La consommation totale d’énergie primaire dans le monde s’est élevée, en 2001, à 10,2 milliards de tonnes d’équivalent pétrole (tep), dont 39 % (3,94 milliards de tonnes) sous forme de pétrole brut. L’utilisation de cette énergie fossile, en augmentation de 57 % depuis 1970, s’accompagne presque toujours d’une combustion et contribue donc fortement à l’effet de serre. La combustion d’une tonne de pétrole dégage 3,04 tonnes de gaz carbonique (CO2), et les émissions globales de CO2 provenant de cette source constituent le premier poste (42 %) des émissions totales, lesquelles se sont élevées en 2001 à plus de 24 milliards de tonnes d’équivalent CO2 (1)
Les transports absorbent 25 % de l’énergie produite et rejettent aussi 25 % du CO2 émis dans le monde. A l’intérieur de ce secteur, plus de 80 % des émissions peuvent être attribués aux transports routiers. Les transports, tous modes confondus, dépendent des produits pétroliers pour 97 % de leur consommation d’énergie dans les pays membres de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). En France (2), ils ont capté 32 % de la consommation totale d’énergie finale (158,9 millions de tep en 2003), ce qui en fait le deuxième secteur consommateur derrière l’ensemble résidentiel-tertiaire (43 %) et loin devant l’ensemble industrie-sidérurgie (24 %). En 2003, les automobiles ont assuré 85 % du trafic de voyageurs, et les camions 79 % de celui des marchandises, mesurés respectivement en voyageurs-kilomètres et en tonnes-kilomètres.
Notes
(1) International Energy Annual 2001, mars 2003 ; International Energy Outlook 2004, avril 2004 ; Energy Information Administration, US Department of Energy, Washington DC.
(2) Energie et matières premières. Statistiques énergétiques France, Observatoire de l’énergie, ministère de l’économie, des finances et de l’industrie, août 2004.
Sources et références
– Enerdata, base de données, en ligne, et Enerdata Yearbook, Edition 2004.
– Benjamin Dessus et Hélène Gassin, So watt ? L’énergie : une affaire de citoyens, Editions de l’Aube, La Tour-d’Aigues, 2005 ;
– Benjamin Dessus, Atlas des énergies pour un monde vivable, Syros, Paris, 1994 ;
– Agence internationale de l’énergie (AIE), World Energy Outlook 2004, Paris ;
– Jean-Marc Jancovici, L’homme et l’énergie, les amants terribles, revue La jaune et la rouge, « Energie et environnement », 2004 ;
– Stéphane His, « Quelle alternative énergétique à moyen et long termes ? », Revue de l’Energie, n° 554, Paris, février 2004 ;
– Transports et changements climatiques : un carrefour à haut risque, Réseau action climatFrance (RAC-F), Montreuil, avril 2004.
Pour en savoir plus
– Attac (Association pour la taxation des transactions financières pour l’aide aux citoyens), « Energie, réponse à des questions que l’on n’ose pas poser » et « La question énergétique en débat », octobre 2004.
– Observatoire de l’énergie, Repères sur l’énergie en France, ministère de l’économie, des finances et de l’industrie, 2004.
– Robert Dautray, Quelles énergies pour demain ?, Odile Jacob, Paris, 2004.
– Jean-Marie Chevalier, Les Grandes Batailles de l’énergie, Gallimard, Paris, 2004.
– Hervé Le Treut, Jean-Marc Jancovici, L’Effet de serre. Allons-nous changer le climat ?, Flammarion, Paris, 2004.
– Sylvie Brunel, Le Développement durable, PUF, Paris, 2004.
– Agence internationale de l’énergie (AIE), World Energy Outlook, édition 2004.
– Benjamin Dessus, Stratégies énergétiques, développement durable et aménagement du territoire, Editions de l’Aube, La Tour-d’Aigues, 2004, et Energie, un défi planétaire, Belin, Paris, 1999.
– Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe), Une énergie dans l’air du temps, les éoliennes, Paris, mars 2004.
– Ministère chargé de la recherche, Nouvelles technologies de l’énergie, rapport de Thierry Chambolle, juin 2004.
– Les Cahiers de Global Chance, « Petit mémento énergétique. Eléments pour un débat sur l’énergie en France », hors-série, janvier 2003. w
– Jacques Testart (sous la direction de), Réflexions pour un monde vivable. Propositions de la Commission française du développement durable (2000-2003), Mille et une nuits, Paris, 2003.
– Conseil mondial de l’énergie (CME), Une seule planète pour tous, Paris, 2003.
Sites
– Convention des Nations unies sur les changements climatiques. – Actualité du protocole de Kyoto.
– Conseil mondial de l’énergie (CME). – Le CME cherche à promouvoir les formes d’énergie alternatives.
– Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) .
– Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE).
– Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) : Energie et environnement.
– Agora 21. – Plate-forme d’information et de réflexion sur le développement durable. De nombreuses ressources sur l’énergie.
– Cahiers de Global Chance. – Plusieurs numéros de la revue éditée par l’association Global Chance sont disponibles sur le site Agora 21.
– « La politique de l’énergie ». – Dossier d’information réalisé par La Documentation française.
– Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA).
– Commissariat à l’énergie atomique (CEA).
– Commission de régulation de l’énergie (CRE).
– Direction générale de l’énergie et des matières premières (DGEMP). – Analyses, études et statistiques.
– Débat national sur les énergies. – Site d’information mis en place par le gouvernement.
– Ministère de l’écologie et du développement durable.
– Institut français de l’environnement (IFEN). – En ligne : l’édition 2003 du rapport « Energie et environnement » de la Commission des comptes et de l’économie de l’environnement.
– Institut français du pétrole (IFP).
– Agence internationale de l’énergie (AIE).
– Agence européenne pour l’environnement (AEE).
– Electricité de France (EDF).
– Gaz de France (GDF).
– Charbonnages de France (CdF).
– Sortir du nucléaire. – Réseau associatif militant pour l’abandon du nucléaire en France et le développement d’énergies alternatives.
– Worldwatch Institute.