Le vendredi 12 octobre, l’humiliation d’une mère musulmane devant son enfant dans l’enceinte et les couloirs de l’Assemblée régionale de Bourgogne Franche-Comté par des élu.e.s d’extrême droite du Rassemblement national est un nouveau pas franchi dans les provocations antimusulmanes dont le but est clairement de cultiver la peur et la haine d’une partie de nos concitoyens et concitoyennes en vue de faire monter les scores électoraux du Rassemblement national.
Mais ces provocations s’inscrivent plus largement dans un contexte marqué par la montée du racisme sous toutes ses formes tant en Europe qu’au plan international. Les politiciens n’ont rien trouvé de mieux pour masquer leur échec à répondre aux grands défis de nos sociétés (montée des inégalités sociales, l’emballement du réchauffement climatique etc.) que de désigner à la vindicte populaire des boucs émissaires aussi bien aux USA ou au Brésil, qu’en Asie ou en Europe. Pour la majorité des dirigeant.e.s en Europe, ce sont les immigré.e.s de toutes origines et leurs enfants, notamment les populations de culture ou de religion musulmanes qui sont désignées du doigt.
La peur et la haine ont alimenté en Allemagne la tentative d’attentat contre une synagogue à Halle le 9 octobre dernier et l’assassinat par le même tueur de deux personnes dont l’une dans un restaurant de Kebab, non loin de la synagogue. Le tueur a indiqué dans un manifeste qu’il s’en prenait prioritairement aux juifs mais qu’il avait aussi dans son viseur les musulmans et les militants de gauche [1].
En France, après la tuerie de la Préfecture de Paris, les autorités n’ont pas hésité à inviter la population à repérer les « signaux faibles de radicalisation » autour d’elle, ce qui s’est traduit immédiatement par une circulaire du responsable de la sécurité à l’université de Cergy Pontoise invitant le 12 octobre les personnels à repérer les personnes qui arrêtent de boire de l’alcool ou celles qui s’intéressent « à l’actualité nationale ou internationale » etc.
Bref c’est un climat de suspicion, voire de délation, généralisé qui se développe autour des personnes musulmanes ou supposées telles, qui amalgame de manière scandaleuse la pratique de la religion musulmane et les projets terroristes. C’est ce climat qui a favorisé l’agression de cette mère musulmane, ainsi qu’une conception de la laïcité avec laquelle je ne peux pas être d’accord et que j’avais déjà dénoncée en 2016 quand en plein été avait commencé la chasse aux baigneuses en burkini sur les plages avec la bénédiction de Manuel Valls [2].
La loi de 1905 instaure la séparation entre l’Etat et les religions mais elle garantit parallèlement le droit de croire ou de ne pas croire à chacune et chacun d’entre nous. L’Etat n’est pas censé définir les « bonnes » pratiques religieuses tant que l’ordre public n’est pas menacé. Par ailleurs les parents, à la sortie des écoles ou dans le cadre de sorties scolaires n’exercent pas de mission de service public. Elles et ils ne sont donc pas soumis à un devoir de « neutralité. En tant que féministe, je ne reconnais aucune légitimité à tous ces dirigeants d’extrême droite, de droite, ni à Jean-Michel Blanquer de définir ce qui est bon pour l’émancipation des femmes. Ce sont les luttes des femmes pour leurs droits et les débats entre féministes qui peuvent clarifier ce projet.
Ce qui est en jeu aujourd’hui ce sont ni plus ni moins que le respect scrupuleux des libertés individuelles piétinées depuis 2016 et une lutte résolue contre le racisme et pour l’égalité entre toutes les citoyennes et tous les citoyens, faute de quoi, notre société risque fort de sombrer dans une spirale sans fonds qui alimentera tous les racismes et dont seule l’extrême droite sortira gagnante.
Josette Trat