La détention préventive prolongée de quarante-deux personnes arrêtées ces derniers mois lors du mouvement de contestation en cours en Algérie est « aussi injuste qu’illégale », a dénoncé mercredi 28 août une association qui réclame leur « libération immédiate ». L’instruction les concernant « s’étire volontairement dans le temps », a dénoncé dans un communiqué le Comité national de libération des détenus (CNLD).
Ce collectif, qui regroupe familles, avocats, journalistes et militants des droits humains, a été créé le 26 août pour obtenir la libération des « détenus politiques et d’opinion ». Il a estimé que ces détentions « illégales » visaient à « faire des détenus une monnaie d’échange ou un moyen de chantage pour la concrétisation de la feuille de route » du pouvoir algérien qui souhaite que la contestation accepte la tenue d’une élection présidentielle. Mais pour le CNLD, cette feuille de route du pouvoir est destinée à « régénérer le système » politique contesté par la rue.
Les autorités et l’armée algériennes veulent organiser au plus vite une élection présidentielle pour élire un successeur à l’ancien président Abdelaziz Bouteflika, contraint à la démission le 2 avril par le « hirak », le mouvement inédit de contestation déclenché le 22 février. Mais les manifestations continuent, réclamant le départ du pouvoir des fidèles du président déchu avant toute élection.
« Lenteur de la procédure »
« On dénonce la lenteur de la procédure » visant les « quarante-deux personnes incarcérées à Alger », dont certaines sont en prison depuis juin et « personne ne sait quand le procès sera organisé », a précisé à l’AFP Kaci Tansaout, coordinateur du CNLD. Ces détenus sont inculpés d’atteinte à l’unité nationale pour avoir brandi ou vendu des drapeaux amazigh (berbère), après que l’armée eut interdit le 19 juin tout autre drapeau que l’emblème national dans les manifestations antirégime, selon M. Tansaout.
« Ils sont inculpés sur la base de l’article 79 » du code pénal qui punit jusqu’à dix ans de prison « quiconque a entrepris, par quel que moyen que ce soit, de porter atteinte à l’intégrité du territoire national », a précisé M. Tansaout. Mais il a estimé que ce n’était pas le cas des manifestants arrêtés, d’autant qu’aucun texte, selon lui, « n’interdit le port du drapeau amazigh ». Le 8 août, un tribunal d’Annaba (nord-est) a acquitté un manifestant arrêté en possession d’un drapeau amazigh qui était jugé pour « atteinte à l’unité nationale ». Le parquet avait requis dix ans de prison.
AFP, 28 août 2019
Organisation des familles des détenus d’opinion en comité : « Nous n’accepterons aucun marchandage sur le dos de nos enfants »
Une réunion regroupant les familles des détenus d’opinion, des avocats membres du collectifs de la défense des détenus, des journalistes, enseignants universitaires, étudiants, syndicalistes, militants politiques et animateurs de la société civile.
Les familles des détenus d’opinion se structurent en comité pour la défense des droits de leurs parents incarcérés. Hier, une réunion a été organisée à l’initiative de Kaci Tansaout, juriste et élu RCD à l’APW de Tizi Ouzou, au siège du MDS, rue Krim Belkacem, à Alger, pour l’installation du Comité national pour la libération des détenus (CNLD).
Des familles de détenus, des avocats membres du collectif de défense des détenus, des militants politiques de l’opposition, des militants associatifs et des droits de l’homme, des syndicalistes, des journalistes, etc. de toutes les wilayas du pays composent ce comité chargé « d’assurer la solidarité avec et entre les familles de tous les détenus d’opinion et politiques sans aucune exception, comme il se chargera aussi d’informer l’opinion publique nationale et internationale sur l’état des détenus pris en otage et les actions à mener pour leur libération », a précisé un communiqué des initiateurs du comité. « Des parents de détenus sont partie prenante de ce comité. Ces familles s’étaient déjà engagées dans le cadre d’un collectif, jeudi dernier. Il n’y avait pas toutes les familles, vu la distance et le manque de moyens.
Les détenus sont originaires d’Alger, Tizi Ouzou, Bouira, Béjaïa, Skikda, Batna… », précise Souad Leftissi, sœur de Messaoud Leftissi, jeune détenu incarcéré à la prison d’El Harrach. Il y au moins une soixantaine de détenus d’opinion, dont une quarantaine à Alger, précise Aouicha Bakhti, une des avocates du collectif de défense. Ils sont poursuivis principalement pour « port du drapeau amazigh », conformément à l’article 79 du code pénal (atteinte à l’unité nationale). Un réseau national des comités de wilaya et des collectifs de défense des détenus s’était constitué pour la défense des prisonniers, originaires de plusieurs wilayas du pays.
Jeudi 22 août, des familles s’étaient organisées au sein d’un Collectif pour la défense des droits des enfants et parents des détenus. « Nous avons décidé de nous constituer en collectif pour la défense des droits de nos enfants et de nos parents injustement et arbitrairement incarcérés. Le collectif représentera les parents auprès de qui de droit et, si nécessaire, engagera toute action qu’il jugera utile pour la défense et la sauvegarde des droits des détenus », a précisé un communiqué rendu public à l’issue de la réunion constitutive.
Les participants se veulent les « interlocuteurs » des différentes parties impliquées dans l’affaire des détenus. « Il y a une quarantaine de détenus d’opinion, que j’appellerais otages. Lors de la réunion de jeudi, il n’y avait pas toutes les familles. Toutes n’ont pas pu être là, vu l’éloignement… Nous avons décidé de nous constituer comme un vis-à-vis de la presse, des ONG et des institutions. Ces dernières auront donc affaire à un seul interlocuteur avec qui ils doivent discuter », assène Challal Arezki, porte-parole du collectif et père du jeune Amokrane, incarcéré à El Harrach depuis le 30 juin 2019.
IDDIR NADIR
• El Watan, 27 AOÛT 2019 À 10 H 22 MIN :
https://www.elwatan.com/edition/actualite/organisation-des-familles-des-detenus-dopinion-en-comite-nous-naccepterons-aucun-marchandage-sur-le-dos-de-nos-enfants-27-08-2019
À L’INITIATIVE DE LEURS FAMILLES, D’AVOCATS ET DE MILITANTS
Le Comité national pour la libération des détenus est né
Solidarité accrue avec les détenus du “hirak”.
Des avocats venus de Béjaïa ont appelé leurs confrères à se joindre aux collectifs de défense pour permettre à tous les détenus de jouir d’une défense, surtout, ceux de Jijel, de Chlef et d’Annaba.
Les citoyens engagés aux côtés des familles des détenus ayant brandi le drapeau amazigh ne veulent surtout pas circonscrire leurs actions aux simples appels à la libération de ces prisonniers d’opinion. Hier, au siège du MDS, ce sont plusieurs avocats, des membres des familles des détenus, d’activistes politiques…, qui ont pris part à la rencontre qui a donné naissance au Comité national pour la libération des détenus.
Composé essentiellement de personnes déjà engagées à défendre les détenus et à soutenir leurs familles, les membres du nouveau comité considèrent que leurs actions futures ne doivent pas se résumer aux simples campagnes déjà entreprises au profit des détenus. “Nous allons arrêter un plan d’action dans les tout prochains jours”, ont-ils expliqué.
Ledit comité est composé de trois commissions : une chargée de la solidarité avec les familles, une autre de la communication et, enfin, celle ayant en charge le volet juridique et le suivi des dossiers avec le collectif d’avocats engagé à défendre les détenus. “Nous devrions cesser de les appeler détenus. Ce sont des otages”, a indiqué, d’emblée, le père d’un jeune prisonnier, membre du réseau national contre la répression.
Le qualificatif donné à ces jeunes arrêtés est vite repris par la quasi-majorité des intervenants, notamment des avocats, qui ont expliqué que sur le plan juridique, “ils ne sont coupables d’aucune infraction et rien n’indique qu’ils doivent être arrêtés”.Les débats qui ont précédé l’installation du comité étaient parfois houleux, compte tenu de la difficulté rencontrée par les initiateurs du comité à réunir les familles des “otages”.
“Pour le moment, nous avons une liste de 54 personnes arrêtées”, a indiqué un avocat du barreau de Tizi Ouzou. Salah Brahimi, bâtonnier de l’Ordre des avocats de Tizi Ouzou, a indiqué que les avocats affiliés à son organistion, et qui sont au nombre de 1 900, “s’engagent à défendre, bénévolement, tous les détenus.” Des avocats venus de Béjaïa ont également appelé leurs confrères à se joindre aux collectifs de défense pour permettre à tous les détenus de jouir d’une défense, surtout les détenus de Jijel, de Chlef et d’Annaba.
Toujours lors des débats, plusieurs d’entre les présents ont appelé les avocats “à rendre publics les noms des juges qui ont prononcé la mise sous mandat de dépôt des manifestants qui ont brandi le drapeau amazigh”. D’autres ont plaidé pour “l’internationalisation” de l’affaire, avec la saisine des instances internationales.
Sur un autre volet, plusieurs présents ont dénoncé “l’utilisation”, des détenus à des fins “politiciennes”. “Des syndicats, des comités, des partis et plusieurs groupuscules évoquent le cas des détenus comme un leitmotiv pour se placer sur la scène politique et médiatique. C’est ce que nous refusons”, a dénoncé la mère d’un détenu.
Mohamed Mouloudj
• Algérie liberté, 27-08-2019 11:00
https://www.liberte-algerie.com/actualite/le-comite-national-pour-la-liberation-des-detenus-est-ne-322658
Communiqué du Comité national pour la libération des détenus
Le Comité national pour la défense des détenus (CNLD) a reçu les avocats membres du collectif de la défense des détenus d’opinion, membres du CNLD, qui ont exposé un rapport détaillé sur la situation de leur incarcération et l’avancement de la procédure judiciaire.
A travers cet exposé, les avocats du Collectif ont rapporté des faits graves qui méritent d’être portés à la connaissance de l’opinion publique. S’agissant des conditions de détention, le moins que l’on puisse dire est qu’au niveau de la prison d’El-Harrach, elles relèvent d’une époque qu’on croyait à jamais révolue. Dans cet établissement, la dignité d’un détenu est une notion étrange !
Il n’est pas inutile de rappeler qu’ils ne sont ni des corrompus, ni des voleurs des richesses du peuple comme certains de leurs colocataires. Ce sont pour la plupart des jeunes qui sont déterminés à parachever la libération du peuple après l’indépendance arrachée par leurs aînés dont l’un d’eux, le valeureux commandant Bouregâa, est leur compagnon d’infortune.
Ces jeunes ont choisi de vivre dignement dans leur pays. Certains avaient programmé leur mariage pour cet été mais n’ont pu réaliser leurs projets en raison d’une détention aussi injuste qu’illégale. Ces jeunes empêchés de se marier, les 18 et 24 août, sont Arezki Chami et Yazid Kasmi.
Des séquelles psychologiques au tort de la justice instrumentalisée et soumise seront gravés à jamais dans leur mémoire.
La jeune élue à l’APW de Tizi Ouzou Samira Messouci subit une pression morale indigne de cette institution. Pour pouvoir se soigner à l’infirmerie, on lui impose de porter un « hijab » sous prétexte que l’infirmier qui doit l’examiner est de sexe masculin. Refusant ce chantage, Samira Messouci se retrouve privée depuis le 28 juin, jour de son arrestation, de soins suite aux traumatismes causés par les brutalités des policiers qui l’ont appréhendée.
L’acharnement de l’administration pénitentiaire va jusqu’à lui interdire le port de la robe kabyle et le foulard « amendil » qui va avec, qu’elle avait choisie elle-même devant la condition insistante de cette administration de vouloir lui imposer de porter le hijab le jour de son jugement au tribunal de Sidi M’hammed, portant ainsi atteinte, une fois de plus, à sa conviction et liberté de choix.
Sur le plan de l’instruction du dossier, le CNLD relève un traitement qui s’étire volontairement dans le temps. Il est clair que le seul objectif d’une procédure qui n’a pas lieu d’être au regard de la loi est de faire des détenus une monnaie d’échange ou un moyen de chantage pour la concrétisation de la feuille de route pour régénérer le système qui a ruiné le pays.
Le Comité national pour la libération des détenus (CNLD) s’indigne du traitement réservé aux détenus et réitère l’exigence de leur libération immédiate et inconditionnelle.
Une forte délégation d’avocats du Collectif de la défense se rendra dans la matinée du jeudi 29 août à la prison d’El-Harrach pour s’enquérir à nouveau des conditions de détention des détenus et s’entretenir avec l’administration sur les questions de pression qu’ils subissent et de leurs droits bafoués, notamment le droit élémentaire aux soins.
C. P.
• Algérie patriotique, 28 août 2019 :
https://www.algeriepatriotique.com/2019/08/28/le-comite-national-pour-la-liberation-des-detenus-communique/
Hirak : le Comité national pour la libération des détenus dénonce leurs conditions d’incarcération
Le Comité national pour la libération des détenus (CNLD) a dénoncé ce mercredi les conditions d’incarcération des détenus emprisonnés après avoir brandi un drapeau berbère durant les manifestations, affirmant notamment que Samira Messouci, élue à l’APW de Tizi-Ouzou, s’est vue imposer le port du hijab pour recevoir des soins en détention.
« S’agissant des conditions de détention, le moins que l’on puisse dire est qu’au niveau de la prison d’El Harrach, elles relèvent d’une époque qu’on croyait à jamais révolue », affirme le CNLD dans un communiqué diffusé ce mercredi, estimant que « dans cet établissement, la dignité d’un détenu est une notion étrange ! ».
Le comité a notamment mis l’accent sur les conditions de détention de Samira Messouci, jeune élue à l’APW de Tizi-Ouzou. « Samira Messouci subit une pression morale indigne de cette institution », indique le CNLD, affirmant que « pour pouvoir se soigner à l’infirmerie, on lui impose de porter un ‘’hijab’’ sous prétexte que l’infirmier qui doit l’examiner est de sexe masculin ».
« Refusant ce chantage, Samira Messouci se retrouve privée depuis le 28 juin, jour de son arrestation, de soins suite aux traumatismes causés par les brutalités des policiers qui l’ont appréhendée », dénonce le Comité national pour la défense des détenus, dont sont membres le collectif d’avocats de la défense des détenus d’opinion.
« L’acharnement de l’administration pénitentiaire va jusqu’à lui interdire le port de la robe kabyle et le foulard ‘’amendil’’ qui va avec, qu’elle avait choisi elle-même devant la condition insistante de cette administration de vouloir lui imposer de porter le hijab le jour de son jugement au tribunal de Sidi M’hammed, portant ainsi atteinte, une fois de plus, à sa conviction et liberté de choix », s’indigne en outre le CNLD.
« Sur le plan de l’instruction du dossier, le CNLD relève un traitement qui s’étire volontairement dans le temps », indique par ailleurs le comité, estimant qu’il « est clair que le seul objectif d’une procédure qui n’a pas lieu d’être au regard de la loi est de faire des détenus une monnaie d’échange ou un moyen de chantage pour la concrétisation de la feuille de route pour régénérer le système qui a ruiné le pays », et réitérant son appel à la « libération immédiate et inconditionnelle » desdits détenus.
Yacine Babouche
• TSA-Algérie, 28 Août 2019 à 15:12 :
https://www.tsa-algerie.com/hirak-le-comite-national-pour-la-liberation-des-detenus-denonce-leurs-conditions-dincarceration/