“Les marques flirtent de plus en plus avec la politique”, dénonce le chroniqueur Owen Jones dans les pages du Guardian, quotidien britannique de gauche. Il s’insurge contre “l’instrumentalisation à des fins de publicité des causes” sociétales, environnementales et sociales.
Elles sont nombreuses à utiliser cette méthode : Marks and Spencer a créé un sandwich LGBT – “en gros, un club sandwich au bacon classique avec un peu de guacamole gay”, ironise Owen Jones. Autre exemple relevé par le chroniqueur : “Cette semaine Lacoste a annoncé la sortie d’une série de 10 polos en édition limitée où le célèbre crocodile est remplacé par des espèces en voie de disparition. Il lui a rapidement été rappelé que son site commercialisait des ‘gants en peau de cerf’ et des ‘sacs en cuir de vache’.”
Owen Jones relève aussi que la marque Burger King s’aventure sur le terrain politique. La police a interdit à l’enseigne McDonald’s de vendre des milk-shakes à Edimbourg pendant la campagne de Nigel Farage, après que celui-ci, comme d’autres hommes politiques d’extrême droite, s’est fait arroser de milk-shake. “Burger King a fait le malin en annonçant au ‘peuple écossais’ qu’ils vendraient des milk-shakes ‘tout le week-end’. Mais peut-on dire pour autant que ce géant de la restauration rapide ait rejoint le camp de la résistance antifasciste ?” se demande Owen Jones.
Pour le journaliste de gauche, les marques soutenant réellement une cause sont en fait très rares. Il note cependant l’exemple de Lush, qui a lancé une campagne l’année dernière “dénonçant les agissements des policiers en civil qui infiltrent des groupes militants, avec les slogans ‘Payés pour mentir’ et ‘La police dépasse les bornes’”. La marque n’avait aucun profit à retirer d’une telle campagne, souligne le Guardian, rappelant que, “en Angleterre et au Pays de Galles l’année dernière, 78 % des gens âgés de 16 ans et plus avaient confiance dans leur police locale”.
“Vous avez gagné”
Cependant, certains voient dans ces pratiques commerciales un moyen de faire prendre conscience au public de certaines causes sociales. Tim Worstall, blogueur politique de droite, interpelle d’ailleurs Owen Jones sur son site, le Continental Telegraph, dans une tribune intitulée : “Cher Owen Jones, cette nouvelle tendance veut dire vous avez gagné, espèce d’idiot.”
Reprenant l’exemple de Marks and Spencer, Tim Worstall fait remarquer que dans les années 1950 ou 1960, si la marque avait tenté de proposer un sandwich LGBT, elle aurait sûrement fini avec un procès, alors qu’aujourd’hui cela devient un atout. “Après soixante années de militantisme forcené – et justifié – les libertés civiles sont devenues des machines à profit pour les capitalistes”, souligne-t-il. Pour Tim Worstall, “l’existence même de cette réappropriation des combats par les grandes marques montre bien que le combat idéologique a été gagné”.
Owen Jones, lui, alerte contre l’illusion de changement social véhiculée par ces marques. “Si les campagnes de pub ont montré leur capacité à faire rentrer des milliards de livres dans les caisses des grandes entreprises, rien ne prouve qu’elle peuvent changer les mentalités”, peut-on lire sur le site du Guardian.
Courrier International
Abonnez-vous à la Lettre de nouveautés du site ESSF et recevez chaque lundi par courriel la liste des articles parus, en français ou en anglais, dans la semaine écoulée.