Olivier Besancenot, porte-parole du NPA, participe au contre-sommet du G7 à Irun, mercredi. Photo Marion Vacca.
Au milieu des militants associatifs et des responsables d’ONG rassemblés à Hendaye (Pyrénées-Atlantiques) et Irún, quelques élus de gauche ont pointé une tête à l’ouverture du contre-sommet du G7 mercredi. Parmi eux, David Cormand, eurodéputé et secrétaire national d’Europe Ecologie-les Verts (EE-LV), et Eric Coquerel, député insoumis (LFI), sont venus se faire secouer en participant à une conférence organisée par Attac, autour des « voies de l’émancipation, de l’échelon municipal à l’international ». Un thème vite dépassé au moment des échanges avec le public, quand les interventions se sont concentrées sur le rôle des responsables politiques dans la transition vers cet « autre monde » que le contre-sommet appelle de ses vœux. « Il faut réussir à s’accorder entre forces de gauche. Mais le leadership des partis et leur système pyramidal, c’est terminé ! » tonne une participante. « Vous vous en êtes pris plein la tête », résume un autre, avant de suggérer aux élus sur scène de démissionner pour laisser place à un système de tirage au sort.
« Prêcheurs de vérité »
Olivier Besancenot, toujours porte-parole du NPA et invité de dernière minute à la conférence, se dévoue pour répondre : « Je ne suis plus candidat à rien, sinon à la révolution, mais je suis venu plaider de l’intérêt de la politique pour avancer sur les grands enjeux auxquels on est confrontés aujourd’hui. Et dans ce lieu, on a l’occasion de discuter vraiment, en s’extrayant de l’agenda minuté de la Ve République. » A la sortie de la salle de conférence, quelques militants fulminent. « Ils ont été secoués, et c’est tant mieux. Qu’est-ce que c’est que cette idée d’organiser leur université d’été [du 22 au 25 août pour LFI, et du 22 au 24 pour EE-LV, ndlr] en même temps que le contre-G7, puis d’y venir pour prôner l’unité ? » s’agace Marie. Bernard, venu d’Aix-en-Provence, ne trouve à l’inverse « aucun inconvénient » à leur présence. « Je pense qu’en tant que militant d’Attac depuis vingt ans, je fais de la politique. Et pour faire avancer nos idées, il faut des unions. Les événements de ce type sont des bonnes occasions de discuter ensemble. »
Plus loin, Pierre, la soixantaine, approuve la venue de quelques élus. Mais « à la condition qu’ils sachent apprendre des autres mouvements sociaux sans rester dans leur posture de prêcheurs de vérité, précise-t-il. Ils viennent de nous faire un exercice vertueux d’union mais je doute de sa pérennité ».
Descendu de l’estrade, Eric Coquerel tient lui aussi à parler d’unité pour repousser des critiques qui ont visé LFI en premier lieu. « Même si la situation est un peu houleuse, c’est un début de convergence nécessaire, dit le député de Seine-Saint-Denis. On est d’accord pour condamner le G7, mais regardez septembre : des journées de mobilisation sont prévues presque tous les jours. Ce n’est pas possible de continuer lutte par lutte, il faut plus d’union. » Cormand temporise et retient le positif. « Il y a quelques années, cela aurait été beaucoup plus raide. Je retiens surtout que les militants étaient là pour nous interpeller et non pour dire que nous n’avions pas notre place ici. »
Discuter et travailler avec des responsables politiques n’a pas toujours été une évidence pour le mouvement altermondialiste, qui a toujours œuvré à faire émerger des initiatives locales fonctionnant sur une autre logique que celle du libéralisme. Mais « aujourd’hui ceux qui ne veulent pas entendre parler des élus sont bien plus minoritaires, souligne Aurélie Trouvé, porte-parole d’Attac et modératrice du débat. Les initiatives locales et concrètes, c’est formidable et indispensable. Mais comment on les transforme en modèle dominant ? Sans pouvoir politique, je ne vois pas. Certaines urgences, notamment climatiques ou de réglementation de la finance, ne peuvent pas être réglées uniquement par le bas. »
« Voie claire et crédible »
Un point de vue partagé par Txetx Etcheverry, cofondateur de l’association Alternatiba qui s’échine pourtant à faire émerger des schémas locaux de réponse à la crise sociale et écologique. « Aujourd’hui, les plus ardents promoteurs du libéralisme arrivent à se poser en alternative à leur propre système, en reprenant des éléments du discours des associations, analyse le Basque. Ce n’est donc vraiment pas le moment de tomber dans le sectarisme. Chacun doit remplir sa fonction, politiques compris, si nous voulons proposer une autre voie claire et crédible. » Le contre-G7, avec ses 200 intervenants et 80 associations réunis jusqu’à dimanche soir, fait figure de bon point de départ pour en discuter. Mais tous n’en font pas le même usage. Des trois invités politiques du matin, seul Olivier Besancenot est resté dans l’après-midi pour écouter d’autres orateurs et d’autres débats.
Nelly Didelot Envoyée spéciale à Irún et Hendaye
• Libération. 21 août 2019 à 20:46 :
https://www.liberation.fr/planete/2019/08/21/au-contre-g7-des-unions-pour-faire-avancer-nos-idees_1746515
« Récit : On n’avait pas fait de contre-G7 de cette ampleur depuis longtemps »
Face au grand raout décrié et ultrasécurisé des sept principales puissances mondiales ce week-end à Biarritz, où la présence des ONG sera réduite comme jamais malgré les discours, le contre-sommet organisé à partir de ce mercredi devrait être d’importance, foisonnant et festif. Au programme : débats, ateliers et grande manifestation.
Lundi à Urrugne, entre Hendaye et Saint-Jean-de-Luz, où un groupe de zadistes belges installe un barnum qui servira de cantine aux acteurs du contre-sommet du G7. Photo Marion Vacca.
Plus de 200 intervenants, une centaine de conférences et d’ateliers consacrés au capitalisme, à l’environnement ou aux migrations, et 80 associations réunies dans deux plateformes, Alternatives G7 et G7 EZ ! (« non au G7 » en basque). A cela devraient s’ajouter environ 12 000 personnes attendues pour manifester et assister à ces débats organisés à Hendaye et Irún, communes situées de chaque côté de la frontière franco-espagnole. Face au G7 à Biarritz, le contre-sommet traditionnellement préparé par les altermondialistes voit grand. « Le contre-G7 est ambitieux cette année, on n’en avait pas fait de cette ampleur depuis longtemps, confirme Aurélie Trouvé, porte-parole d’Attac et d’Alternatives G7. L’année a été militante en France, avec les gilets jaunes et manifestants pour le climat. On est forts de ces mouvements qui se retrouvent sur notre camp. »
Le choix d’accueillir le sommet des chefs d’Etat à Biarritz a aussi ouvert des possibilités inespérées aux organisateurs. Le Pays basque est l’une des régions françaises où les associations porteuses d’alternatives sont les plus dynamiques, avec Alternatiba ou Bizi qui poussent pour la justice sociale et climatique, par des actions directes et en instaurant d’autres logiques de fonctionnement à échelle locale. Sous leur impulsion, l’eusko est devenu la monnaie locale la plus importante d’Europe, et une deuxième chambre d’agriculture portée sur le bio, la permaculture et les petites exploitations est née en 2005. « Qu’est-ce qui a pu leur passer par la tête pour imposer un G7 au Pays basque, une terre avec une vieille tradition de lutte militante ? » s’étonnait vendredi Laurent Thieulle, membre du groupe local d’Attac, au micro de France Info.
Cette forte mobilisation intervient alors que le G7 (qui réunit les chefs d’Etat allemand, américain, britannique, canadien, italien, japonais et français), très contesté au tournant des années 2000, est en perte de vitesse. « Ce sommet n’est certes plus le directoire du monde comme c’était le cas il y a dix ou vingt ans mais il reste une immense vitrine pour une politique que nous jugeons catastrophique. Il demeure éminemment nécessaire de montrer que des alternatives au libéralisme à tous crins existent », explique Aurélie Trouvé.
Le thème officiel du sommet, la lutte contre les inégalités, a fait grincer des dents côté associations et ONG, qui dénoncent le « cynisme à toute épreuve » d’Emmanuel Macron et l’attitude des sept « pompiers pyromanes ». « J’y vois tout de même une victoire idéologique pour tous ceux qui portent depuis des années une autre vision du monde que celle imposée par les chefs d’Etat occidentaux, nuance Cécile Duflot, directrice générale d’Oxfam France. Un G7 consacré aux inégalités, cela aurait été inimaginable il y a quinze ans. Mais la question n’est pas seulement de reprendre les mots, il faut mettre en œuvre les solutions que nous proposons depuis des années. »
« Par nature illégitime »
L’analyse vaut pour d’autres combats menés par les altermondialistes. En juillet, le G7 Finances s’est accordé sur la nécessité d’un impôt minimal sur les sociétés, qui constituerait une mesure d’ampleur pour éviter l’évasion fiscale, tout en repoussant à 2020 la prise officielle de décision. Même la taxe sur les transactions financières, qui est l’idée à l’origine de la création d’Attac, a été discutée par le G7 (alors G8) en 2010 et 2011, sans pour l’instant être instauré à l’échelle internationale. « Les questions écologiques et d’égalité femmes-hommes, qui sont des enjeux pour les alter depuis des années, sont aussi mises en avant, note Sébastien Bailleul, du Centre de recherche et d’information pour le développement, qui participe au contre-sommet. Mais le vrai enjeu de l’altermondialisme, c’est la fin de toutes les dominations. Et le G7, qui représente les pays les plus riches, est par nature illégitime à y répondre. »
Autre grand écart, la place réservée aux ONG à l’intérieur du sommet officiel. L’Elysée affirme vouloir en faire un « sommet inclusif ». Pourtant, seule une dizaine d’accréditations ont pour l’heure été proposées aux ONG, ce qui correspondrait à leur plus faible représentation depuis 2005. A titre d’exemple, elles en avaient obtenu 80 en 2017 à Taormine (Italie). Cette décision ne devrait que renforcer le G7 alternatif, mais la situation est tout de même jugée « très problématique » par Oxfam. « Nous sommes une des seules organisations présentes au contre-sommet qui aimerait également participer à l’officiel, comme nous le faisons depuis des années. Nous croyons au pouvoir citoyen comme à l’action politique. Pour des sujets comme le climat ou les inégalités, il faut aussi être avec ceux qui posent les problèmes pour essayer d’infléchir leurs décisions. Si la décision de l’Elysée est confirmée, elle nous privera de cette possibilité », poursuit l’une des têtes d’affiche des tables rondes organisées à Irún et Hendaye.
Les associations locales et internationales qui y seront réunies de mercredi à vendredi veulent dessiner « un autre monde », avant de s’opposer plus directement au sommet avec une manifestation prévue samedi et des actions de désobéissance civile dimanche.
« Concerts et réflexion »
Dans le fond comme dans la forme, tout est fait pour distinguer le contre-sommet de son très décrié pendant officiel. Repoussé à une vingtaine de kilomètres de Biarritz par la zone de sécurité, le camp qui accueille les participants est installé dans un ancien centre de vacances et géré de manière participative. Face au dispositif ultrasécuritaire et à la communication rodée du sommet officiel, sa variante alternative mise sur une ambiance festive avec des concerts et des projections de films en soirée et sur la réflexion dans la journée avec les conférences et tables rondes.
Des syndicalistes SUD ou CGT, mais aussi des représentants de La France insoumise, des Verts ou du PCF doivent se joindre aux débats sur le thème « Fin du monde, fin du mois, même combat » ou sur le féminisme comme réponse à la crise écologique et sociale.
Ces alternatives ne sont pas neuves. Des associations comme Attac les portent et les affinent depuis plus d’une vingtaine d’années. Ces sommets alternatifs sont un moyen de les mettre en lumière. « Face au monde bunkerisé représenté à Biarritz qui exclut les ONG et coupe les habitants de leur ville, nous voulons proposer un fonctionnement plus harmonieux du monde, fondé sur le respect des droits humains et concentré sur l’urgence climatique et la justice sociale », confirme Aurélie Trouvé, d’Attac. Mais cette année, pour cette manifestation pensée comme résolument pacifique, l’objectif le plus urgent est de réussir à exister alors que tous les regards sont braqués sur le week-end et d’éventuels heurts entre membres du black bloc et forces de l’ordre.
Nelly Didelot
• Libération. 20 août 2019 à 21:16 :
https://www.liberation.fr/planete/2019/08/20/on-n-avait-pas-fait-de-contre-g7-de-cette-ampleur-depuis-longtemps_1746298