BANGKOK CORRESPONDANT
Un demi-million de personnes sont désormais sans abri à Djakarta, une des mégapoles les plus peuplées du monde, à la suite de la plus grave inondation jamais enregistrée dans la capitale indonésienne et ses villes satellites. De nouvelles pluies sont attendues dans les prochains jours.
Des quartiers entiers (75 % de la ville selon le plus récent bilan, lundi 5 février) baignent dans une eau nauséabonde - des cadavres d’animaux flottant
partout -, résultat du débordement de plusieurs des treize rivières dévalant les collines situées au sud de la capitale.
Les autorités estiment à au moins 340 000 le nombre de personnes « déplacées » et confirment la mort de 25 autres habitants par noyade ou électrocution. Ces chiffres seraient « sous-évalués », selon des sources contactées sur place. Des précipitations d’un volume inhabituel sont prévues jusqu’à la fin de février.
On craint un risque sanitaire majeur dans cette énorme agglomération initialement construite sur une zone de marais par le Hollandais Jan Pieterszoon Coen, à partir de 1619, sous le nom de Batavia. La quasi-totalité des 10 millions à 12 millions d’habitants de la conurbation s’approvisionnent en eau potable à partir de puits de quartier désormais infectés par des eaux malsaines, tandis que les eaux usées ne sont plus évacuées.
Un responsable du centre de crise du ministère de la santé, Rustam Pakaya, a reconnu auprès de l’agence Associated Press qu’il existait une forte possibilité d’épidémies : « diarrhées, dysenterie et autres maladies colportées par des rongeurs... »
FAIBLESSE DES INFRASTRUCTURES
En 2002, un pic de pluviométrie de 109 mm par jour avait causé plusieurs dizaines de morts et contraint 100 000 personnes à fuir leurs logis. La réhabilitation urbaine avait coûté plus de 57 millions de dollars. La présente inondation résulte de pics de 235 mm par jour en milieu de semaine écoulée.
La catastrophe - une de plus à frapper l’Indonésie ces derniers temps - souligne, au cœur de sa capitale, la faiblesse des infrastructures à l’heure où le gouvernement tente d’attirer les investissements étrangers. Alors que la ville a plus que décuplé sa population en quelques décennies, la régulation hydraulique a été laissée à un unique canal creusé en 1930 par les Hollandais, alors puissance tutélaire.
La réalisation d’un deuxième canal (450 millions de dollars) fait l’objet de tergiversations depuis les années 1970. L’idée d’une planification urbaine « ferait ici l’effet d’un OVNI », dit un résident. Fait nouveau, toutefois, les quartiers de privilégiés - y compris les bureaux de certains ministères et ambassades étrangères - ne sont pas épargnés.