La une d’El Nuevo Día, le quotidien le plus lu de Porto Rico, a donné le ton lundi matin. En grandes lettres, on y lit : “Gouverneur, il est temps d’écouter le peuple : il faut démissionner”. L’île a connu quelques heures plus tard ce qui serait, selon le quotidien, “la manifestation la plus importante” de son histoire. Au moins 500 000 personnes, d’après l’estimation d’un géographe interrogé par le journal, ont demandé au gouverneur Ricardo Rosselló Nevares de quitter ses fonctions.
“La musique hurlait pendant que les manifestants s’exprimaient en chansons, certains dansant dans les rues”, décrit le Washington Post. Le slogan “Ricky renuncia’ [Ricky – surnom du gouverneur – démissionne !] était partout : dans les hashtags et sur les casquettes, sur les pancartes, sur les trottoirs et sur toutes les lèvres”, ajoute le quotidien.
Vers midi, l’autoroute Las Americas, l’une des plus importantes de la capitale, San Juan, était bloquée par le cortège, accompagné de camions. Le plus grand centre commercial de l’île a dû fermer et des navires de croisière ont renoncé à leur escale sur l’île, note la radio publique NPR.
“Quand la foule sur l’autoroute a commencé à diminuer, des gens sont retournés occuper la rue en face de la résidence du gouverneur”, raconte le New York Times, évoquant une capitale “paralysée”. Le quotidien de la Grosse Pomme, où vit une forte communauté portoricaine, a remarqué la présence de membres de la diaspora mais surtout de “retraités, d’étudiants, de serveurs, d’électriciens, de chauffeurs routiers, des groupes qui manifestent rarement ensemble”.
“C’était un acte sans précédent. […] Aucune idéologie politique n’a prévalu. Personne n’a arboré de badges partisans, mais des drapeaux de Porto Rico, certains en noir et blanc”, observe de son côté El Nuevo Día.
Plusieurs personnalités locales ont rejoint le mouvement, le chanteur de reggaeton Daddy Yankee, par exemple. On a aussi vu Ricky Martin tenir un drapeau arc-en-ciel et s’adresser à la foule, signale CNN. La star a été moquée pour son orientation sexuelle dans le groupe de discussion auquel appartenaient le gouverneur et onze de ses collaborateurs. Hit cent quatre-vingts pages de messages postés par ce groupe ont fuité le 13 juillet, rappelle la BBC. Les propos homophobes, sexistes et insultants pour les victimes de l’ouragan Maria qui y sont exprimés ont provoqué les manifestations des dix derniers jours.
Un problème plus profond
“En plus d’être offensants, les messages ont révélé une relation privilégiée entre le gouverneur et d’anciens membres de son staff qui représentent désormais des intérêts privés”, précise le Times. Le gouverneur se refuse pour l’instant à démissionner. Il a toutefois prévenu dimanche qu’il ne briguerait pas de second mandat. “L’annonce n’a rien fait pour apaiser les Portoricains”, constate le Post.
Alors que des élus de l’île envisagent une procédure de destitution, Ricardo Rosselló a accordé lundi une interview à la chaîne Fox News. “Je me suis excusé pour tous les commentaires que j’ai faits sur les chats”, a-t-il déclaré. “Mais nous devons avancer sur un autre sujet : la lutte contre la corruption.”
Dans son analyse du mouvement populaire qui secoue Porto Rico, NBC News insiste sur le rôle de l’ouragan Maria, en septembre 2017. La catastrophe a “mis en évidence la dure vérité sur la façon dont la colonie américaine a été détruite politiquement et économiquement par Washington et ses propres administrateurs corrompus bien avant que ne frappe l’ouragan de catégorie 5”.
“Les manifestations sont passées du rejet ciblé d’un leader à l’expression de tous les griefs que les Portoricains accumulent depuis des années : la dette ; l’économie ; un comité chargé des finances du territoire qui n’a pas été élu ; le manque de perspectives pour les jeunes”, confirme le Washington Post.
Courrier International
Click here to subscribe to our weekly newsletters in English and or French. You will receive one email every Monday containing links to all articles published in the last 7 days.