Changement climatique : 10 mesures prioritaires à intégrer dans les programmes électoraux pour 2007.
Les réponses de la LCR au Réseau Action Climat (http://www.rac-f.org/)
Suite aux débats que nous avons déjà menés ensemble sur les réponses à apporter aux changements climatiques, nous avons étudié avec soin et débattu collectivement du document du Réseau Action Climat « 10 mesures prioritaires à intégrer dans les programmes électoraux pour 2007 ». Nous souhaitons vous faire part de nos remarques à propos de ce document, présenter les quelques axes que nous défendrons lors des échéances électorales de 2007 et poursuivre ainsi le débat sur la stratégie à mettre en œuvre ; en ayant bien conscience que cette stratégie ne peut se limiter aux actions mener le temps d’une mandature, mais doit articuler réalisations immédiates et changements à moyen et long terme. Car nous sommes convaincus que pour freiner, sinon mettre un terme, à la catastrophe annoncée, et souvent déjà présente, on ne peut que défendre des changements profonds des modes de transports, des choix de production, des orientations énergétiques... bref, défendre une rupture radicale avec un système capitaliste énergivore, qui gaspille, et dont le seul but est la création de profit, en contradiction flagrante avec le maintien des équilibres écologiques.
Nous sommes globalement d’accord avec les termes de votre discours de politique générale, hormis sur l’analyse uniquement positive que vous faites du protocole de Kyoto sur lequel nous reviendrons. Pour le reste, le triple objectif de sobriété énergétique (qui doit se traduire par une décroissance de la production de la consommation d’énergies), d’efficacité et de développement des énergies renouvelables est aussi le notre. Par contre, s’il est vrai que la question des changements climatiques est devenue un problème de société sur lequel s’interrogent nombre de citoyens, il nous semble exagérément optimiste de considérer que les entreprises ou les acteurs économiques réunis lors de conférences internationales souhaitent agir sérieusement dans le sens qui est le notre. Or vous semblez avancer l’idée que le principe d’un prix du carbone accepté par les entreprises soit une avancée. Mais un tel prix, qui servirait à mettre en œuvre une taxe ne peut être une alternative aux obligations de diminutions des émissions de GES. Pour qu’une taxe dissuade d’émettre du carbone il faut qu’elle coûte beaucoup plus cher que les mesures de réduction des émissions. Les partisans de cette taxe plaident pour une libéralisation du marché du carbone qui, à travers les délocalisations des réductions des émissions vers les pays en développement, ne peut que baisser le prix du CO2. La régulation par le marché libre ne peut être efficace. Dans le même sens, on ne peut faire réellement confiance aux négociations internationales, malgré de nombreuses déclarations d’intention. Ainsi le communiqué publié à l’issue du sommet du G8 de Gleneagles insiste avant tout sur la sécurité de l’approvisionnement énergétique et incite à « nous mettre sur une voie permettant de freiner, d’arrêter et ensuite de réduire la croissance des gaz à effet de serre ». Au vu des urgences, de telles déclarations nous semblent incompatibles avec une amélioration de la situation actuelle.
Il faudra plus que du bon sens et une conscience des enjeux pour imposer aux gouvernants et aux tenants du pouvoir économique une réduction conséquente des émissions de gaz à effet de serre. En même temps on ne peut se contenter d’attendre des bouleversements d’ampleur et des ruptures radicales avec le système en place pour apporter des réponses. Il nous faut donc porter des revendications et proposer des mesures immédiates mais qui nécessairement dessineront des ruptures avec les modes actuels de transports, de logement, avec l’industrie ou l’agriculture ; ces mesures devront répondre à des objectifs d’égalité climatique et d’égalité sociale. C’est à l’aune de ces principes que nous souhaitons débattre de vos propositions et présenter les nôtres.
Mesure 1 : réglementation thermique dans les bâtiments neufs et anciens pour la chauffage et l’eau chaude sanitaire.
En matière de réglementation thermique et d’isolation, il y a beaucoup à faire, comme le montre une étude européenne de 2003 qui estime que l’isolation des bâtiments anciens de l’UE permettrait de réduire les coûts énergétiques et les émissions de CO2 de 42 %, soit 353 Mt éq CO2 par an. Or la France est très en retard, puisque encore aujourd’hui près de la moitié des logements ne sont pas équipés en double vitrage. En adoptant les normes en vigueur au Danemark, la consommation énergétique dans les logements pourrait presque baisser de moitié. Pour la LCR, il faut donc agir dans deux directions :
– La sobriété énergétique des bâtiments : nous proposons que concernant les bâtiments anciens, chaque transaction (achat ou nouvelle location) soit l’occasion d’une rénovation, en commençant par les murs et les toitures, et que les bâtiments neufs répondent à la norme thermique. Celle-ci doit être renforcée au fur et à mesure, son application bien plus contrôlée qu’aujourd’hui et elle doit s’étendre aux bâtiments rénovés. En effet, l’actuel étiquetage énergie des bâtiments anciens n’est pas une garantie suffisante pour instaurer des normes réellement efficaces. Ces mesures doivent concerner bien entendu aussi le tertiaire et les bâtiments qui sont à la charge de l’Etat et des collectivités locales ; mais un effort particulier doit être fait concernant le logement social pour lequel les responsabilités sont du domaine de l’Etat et des collectivités locales. L’objectif est de parvenir à une consommation de 50 kwh/m2/an et de bâtir à moyen terme 500 000 nouveaux logements sociaux.
– Parallèlement, le développement des énergies renouvelables doit s’adapter à la politique du logement. Il est nécessaire de systématiser l’installation de nouveaux modes de production de chauffage et d’électricité : filière bois, solaire thermique et photovoltaïque, géothermie... mais aussi d’installer des systèmes de cogénération. Nous proposons d’équiper les surfaces nouvellement bâties de panneaux solaires. Cela nécessite des investissements importants, mais les installations se font à différentes échelles, de la maison individuelle jusqu’aux grands ensembles. Les énergies propres ne peuvent être cantonnées au dépassement des seuils autorisés. Nous sommes effectivement pour que des seuils soient fixés et que l’isolation des bâtiments permette de ne pas les dépasser ; mais l’énergie nécessaire à la consommation courante doit à terme ne plus être d’origine fossile. Ces projets nécessitent d’articuler politiques urbaines et politiques du logement, avec la création d’un service public du logement à même de définir et de faire appliquer ces normes. De même qu’il sera nécessaire d’organiser la formation de salariés et de lancer une production massive et planifiée de technologies énergétiques propres. Enfin, l’Etat devrait lancer rapidement une campagne d’information et de sensibilisation sur les économies d’énergies et les énergies propres.
Mesure 2 : Baisse généralisée des vitesses sur les routes
Mesure 3 : Transférer les recettes du stationnement payant aux collectivités locales pour financer les modes de transports sobres en carbone
Mesure 4 : Réduire la consommation unitaire des véhicules
Nous avons regroupé ces trois mesures car elles concernent toutes la politique des transports. C’est dans ce domaine que nous estimons particulièrement que les mesures que vous proposez ne sont pas à la hauteur des enjeux actuels et qu’elles ne ciblent pas les réels problèmes. Il est vrai qu’il s’agit là de mesures qui peuvent sûrement être mises en œuvre par n’importe quel gouvernement, mais elles ont assez éloignées du volontarisme nécessaire pour modifier les modes de transports actuels, non seulement polluants mais aussi fatigants tant pour les usagers que pour les salariés du secteur routier. Or, une majeure partie de l’économie, mais aussi l’aménagement du territoire, les pratiques individuelles sont basées sur l’usage de véhicules émetteurs de CO2. C’est donc à des changements en profondeur qu’il faut s’atteler, et nos revendications immédiates doivent s’inscrire dans la perspective d’une rupture nécessaire avec le tout-routier. La baisse de la vitesse sur les routes et une législation sur la construction de véhicules sont certes nécessaire. Concernant une telle législation, elle doit être réellement contraignante : les constructeurs ne doivent pas pouvoir mettre sur le marché des véhicules qui émettent plus de 120 g de CO2 par km, et cela sans qu’aucune compensation ne soit autorisée, ni que ne soit permis un échange de droits d’émissions comme le propose l’Union Européenne, ce qui atténuerait fortement une telle mesure. Au-delà de ces mesures, c’est bien à la question des flux de transports routiers qu’il faut s’attaquer. On doit proposer des réponses différenciées selon qu’on parle des voitures ou du transport de marchandises mais qui doivent toutes viser la diminution de ces flux. Un gouvernement réellement écologiste devrait proposer un plan d’investissement national et européen massif pluriannuel permettant la construction de liaisons tram ou train de banlieue à banlieue dans les très grandes agglomérations, une meilleure desserte de la banlieue par les transports en commun, la mise en place de lignes de train entre villes moyennes, intra-régionales et interrégionales, le développement massif du ferroutage et donc des capacités de fret ferroviaire, le développement du cabotage maritime et du transport par voie navigable, l’aménagements de pistes cyclables et piétonnières dans les villes mais aussi dans les zones d’activités pour le déplacement des salariés (ZI, ports, aéroports, etc...). Cela ne peut que faire dans le cadre de services publics rénovés et développés à l’échelle européenne, tant pour le transport des marchandises que des personnes. Avec ces investissements, il devient envisageable de :
– interdire le transport routier longue distance et international
– interdire le transit routier via la France
– interdire sauf cas particuliers le transport aérien courte distance.
– limiter drastiquement le trafic automobile en ville et en agglomération,
– arrêter de construire des autoroutes
– rendre gratuits les transports en commun, en priorité aux moins polluants
Toutes ces mesures n’auront pas la même facilité d’application et des lobbys puissant s’y opposeront, mais certaines d’entre elles, comme l’arrêt de la construction des autoroutes ou la gratuité des transports en commun sont du domaine de la puissance publique et peuvent être appliquées rapidement.
Le bilan des Plans de Déplacement Urbains reste à tirer, mais ils doivent être systématisés et leur cohérence doit être renforcée, notamment dans les rapports entre différentes communes dans les grandes agglomérations, dans les choix urbanistiques, dans l’articulation entre différents types de déplacement. En particulier ils doivent faciliter les alternatives à la voiture lors des transports courts, avec des facilités offertes aux piétons, aux rollers et aux cyclistes, ce qui peut se concrétiser par des services municipaux de prêt et d’entretien de vélos.
Mesure 5 : Pour des appareils électriques économes en énergie
Il est en effet urgent de mettre en place une réglementation contraignante sur les appareils ménagers, car c’est bien l’ensemble de la consommation énergétique qu’il s’agit de faire baisser. Or, on constate qu’aujourd’hui, le système d’étiquetage sur la consommation des appareils, s’il est nécessaire, n’est pas suffisant puisqu’il laisse au consommateur le « choix » d’acheter des appareils énergivores et au constructeur la possibilité de fabriquer de tels appareils. Tant que seront proposés sur le marché des appareils à la consommation différente et aux prix bien entendu aussi différents, le problème demeurera. Il est donc nécessaire d’articuler l’obligation d’atteindre un seuil minimal d’efficacité énergétique de la part des constructeurs et une limitation de la hausse des prix pour que l’achat des appareils ne pèse pas sur le consommateur.
Mesure 6 : réglementation sur les excédents azotés
S’il est nécessaire de s’attaquer à l’usage des engrais azotés dans l’agriculture, la mise en place d’une taxe (ou un système de bonus-malus) en fonction de la quantité d’azote utilisé pose un problème déjà soulevé : dans quelle mesure une taxe est-elle capable de diminuer la production de gaz à effet de serre ? Les gros agriculteurs, les plus consommateurs d’engrais, ne peuvent-ils pas se permettre de payer des taxes tout en continuant de polluer ? Le système des subventions à l’agriculture doit être revu pour favoriser une agriculture respectueuse de l’environnement et des paysans. Ces subventions doivent donc aider en priorité les exploitations qui limitent drastiquement l’usage des engrais azotés. A coté de ce système d’aides, on doit établir au niveau européen une réglementation limitant l’usage des engrais, proportionnellement aux surfaces cultivées et au type de cultures. Au-delà de la limite réglementaire, les exploitations seraient fortement taxées, avec une taxe exponentielle. Par ailleurs, le ministère de l’agriculture devrait se fixer comme mission de promouvoir d’autres méthodes agricoles, tant pour préserver les sols que pour utiliser l’eau plus rationnellement : suppression du labour destructeur des sols, utilisation de semis sur couverture végétale en équilibre écologique (équilibre hydrique et azoté), réduction de l’irrigation par utilisation de semis adapté au conditions locales, réduction massive des intrants, etc..
Mesure 7 : Réglementation sur les publicités énergivores
Nous sommes d’accord pour que la publicité intègre une dimension environnementale et que le caractère économe en énergie des produits devienne un critère prépondérant dans le choix des consommateurs. Cependant, on voit déjà aujourd’hui comment des entreprises soignent leur image écologiste dans la publicité sans que cela ne corresponde à la réalité ; ainsi d’EDF qui semble être devenu grand défenseur des énergies renouvelables. Même si cela peut jouer sur une partie des consommateurs, il faudra beaucoup plus pour que les modes de consommation en soient profondément modifiés. Jusqu’à preuve du contraire, la publicité n’a jamais eu de dimension informative
Mesure 8 : Former les professionnels aux enjeux du changement climatique
Là aussi, cette mesure ne peut avoir d’impact direct sur la réduction de gaz à effet de serre, mais elle est nécessaire pour mettre en œuvre l’ensemble des mesures qui permettront cette réduction.
Mesure 9 : Arrêter les financements publics des énergies fossiles au profit des projets sobres en carbone
Contrairement aux deux mesures précédentes, cette proposition ambitieuse s’attaque à aux moins deux piliers du capitalisme :
– la place du pétrole dans l’économie mondiale et les soutiens dont il bénéficie ;
– le rôle des institutions financières internationales, leur autonomie de plus en plus poussée et l’absence de contrôle citoyen dont elles bénéficient. Certaines de ces institutions, comme l’organisation mondiale du commerce, ont avant tout pour fonction de déréguler les marchés et d’ouvrir les marchés locaux, notamment ceux du Sud, sur le marché mondial, provoquant ainsi des crises dans de nombreux pays. D’autres, comme les banques régionales, les banques de développement pourraient être réorientées, pour répondre à des projets de développement, respectant des normes sociales et environnementales. Pour qu’une telle réorientation ait lieu, qui est une véritable remise en cause de la logique libérale, un contrôle citoyen est nécessaire, tant sur la définition des projets de développement que sur leur réalisation. Une telle intervention citoyenne doit permettre des collaborations entre peuples des pays industrialisés et des pays en voie de développement. Les critères mentionnés par le RAC nous semblent pertinents : donner la priorité aux investissements et aux financements pour les projets bénéfiques au climat (développement des énergies renouvelables), stopper les subventions à l’industrie pétrolière et permettre une décrue de la consommation de charbon.
Mesure 10 : Réforme fiscale écologique
Le problème avec le principe de la taxe sur le carbone, ou de la suppression de toutes les subventions à la pollution telles que vous les décrivez, c’est que tous acteurs (transporteurs, industriels, usagers individuels) sont mis sur le même plan, au même niveau de responsabilité. Pourtant, supprimer l’exonération de TVA sur le kérosène du transport aérien et supprimer le remboursement des frais pour les parcours domicile-travail, ce n’est pas la même chose. Dans le premier cas, l’exonération bénéficie aux entreprises de l’aérien, et leur ajouter une TVA sur le prix du carburant peut être nécessaire. Dans l’autre cas, il s’agit de faire payer des salariés qui ont bien souvent la voiture comme unique moyen de transport. La situation serait différente si des transports en commun efficaces, agréables et gratuits pouvaient conduire les salariés sur leur lieu de travail ; en attendant, on ne peut proposer une telle mesure qui diminuerait le revenu des salariés. Par contre, la taxe au km pour le transport routier de marchandises, si elle est assez élevée pour être dissuasive, peut être mise en place à condition que parallèlement soient proposées et développées des solutions alternatives à la route pour le transport de marchandises. De même que des incitations fiscales pour l’usage de transports propres peuvent être envisagées, mais elles n’auraient de sens que si les infrastructures (aménagement urbain, transports en commun...) permettent un usage systématique de ces transports. Autrement dit, étant donné la nature structurelle, sociale des changements climatiques, il est nécessaire de créer les moyens collectifs permettant aux citoyens d’avoir un comportement « climatiquement responsable » avant d’établir des mesures qui apparaîtraient d’abord comme contraignantes et risqueraient ainsi de délégitimer l’action contre les changements climatiques.
Néanmoins, cette dixième mesure présente un aspect qui nous semble dangereux. Vous proposez en effet de combiner taxation des émissions de gaz à effet de serre et baisse des cotisations sociales assises sur le travail. D’un coté les entreprises paieraient pour leurs émissions de GES, de l’autre elles seraient exonérées de cotisations sociales. Les deux s’équilibrant, elles ne seraient jamais menacées de diminution de leurs profits et ces mesures auraient alors peu de portée incitative. Mais surtout, la conséquence d’une telle mesure serait de mettre en péril le financement de la sécurité sociale ou d’entraîner une augmentation des inégalités de revenus en remplaçant des cotisations patronales ou une imposition progressive des citoyens par une imposition proportionnelle qui traiterait chacun indépendamment de ses revenus. Plus généralement, nous pensons que la solution des problèmes écologiques ne saurait passer principalement par la fiscalité dédiée (une taxe carbone, etc...) mais que les mesures fiscales doivent s’inscrire dans une politique globale (nouvelles politiques sectorielles, mesures réglementaires, plan d’investissement massif, etc...) qui garantisse que les bouleversements nécessaires se fassent non seulement sans détérioration de la situation des salariés et des plus pauvres mais en induisant une amélioration de leurs conditions de vie. Cela nécessite une réforme fiscale générale qui rime avec justice sociale (instauration d’un impôt sur le revenu vraiment progressif, suppression de la TVA, taxation des capitaux, taxation de la spéculation, etc...).
Pour conclure
Comme nous avons essayé de le démontrer, nous nous retrouvons avec le réseau action climat sur l’évaluation de la situation présente et sur l’objectif de réduction par 4 d’ici 2050. Cet objectif ambitieux nécessite de prendre immédiatement des mesures immédiates. Notre différent porte d’une part sur le peu de portée de certaines propositions et d’autre part sur la confiance accordée à certains mécanismes de taxes et d’échanges de droits à polluer, qui sont non seulement pernicieux d’un point de vue social mais aussi peu efficaces sur le plan environnemental. Comme nous le disions en introduction, des mesures immédiates doivent dessiner un changement profond dans les choix politiques et économiques, pour
– réhabiliter le principe d’une planification à différents niveaux, portant sur les ressources, leur utilisation, l’aménagement du territoire...
– sortir des mécanismes de marché et de leur corollaire néolibéral du « tout au privé »
– réorienter et augmenter les investissements publics, par exemple en matière d’infrastructures ferroviaires ou de développement des énergies renouvelables.
Effectivement, chacune des mesures qu’on doit avancer dès aujourd’hui n’a de sens que si elles s’inscrivent dans un plan d’ensemble, une révolution énergétique à l’échelle mondiale, qui modifiera nos manières de nous déplacer, de consommer, de produire, de nous chauffer, d’aménager le territoire...
Par ailleurs, nous nous étonnons qu’aucune des mesures que vous proposez ne soit centrée sur les énergies propres. Or on constate que la part de la consommation de renouvelable dans la consommation d’énergie globale progresse à vitesse d’escargot. Un gouvernement se préoccupant de la question climatique pourrait rapidement effectuer un transfert d’une partie importante des fonds de la recherche pour les énergies renouvelables. Il devrait aussi programmer, dans le cadre d’un service public de l’énergie, la construction de panneaux solaires, l’installation d’éoliennes... Un tel service public aurait pour mission de centraliser l’évaluation des potentiels d’économies énergétiques et de mise en place d’énergies renouvelables, grâce à l’embauche de conseillers « info énergie » travaillant auprès des collectivités et des particuliers pour leur proposer les solutions correspondant à leurs possibilités et leurs besoins. Une coopération au niveau européen (vers un service public européen...) doit par ailleurs permettre une mutualisation des productions (éolien dans la Manche et au sud de la France, géothermie dans le nord de l’Europe, solaire dans le sud...) afin d’assurer un approvisionnement constant. Défendre cette perspective de service public n’est pas une question pour plus tard mais bien un choix politique pour aujourd’hui, contre toutes les mesures de privatisation. Car nous estimons que la concurrence inhérente à l’existence de plusieurs entreprises privées est contradictoire avec les nécessaires planification et collaboration permettent d’économiser de l’énergie et d’en produire harmonieusement à partir de sources propres.
Pour terminer, quelques mots sur le cours actuel des négociations internationales, ce qui dépasse le cadre de vos dix propositions. Bien que marqué par des insuffisances, le protocole de Kyoto a eu le mérite de poser le principe de « responsabilité commune mais différenciée », impliquant que l’effort de réduction des émissions de gaz à effet de serre devait avant tout reposer sur les pays industrialisés. Nous craignons que ce principe soit, sinon dans les termes du moins dans les faits, remis en cause, et ce par une extension des mécanismes de développement propre et par la mise en place d’un marché mondial du carbone. A partir du moment où ces options, issues de Kyoto, priment, l’effort de réduction des pays industriels se reporte sur les investissements que les industries de ces pays riches peuvent effectuer dans les pays en voie de développement. C’est alors sur ces derniers que repose l’effort de réduction, et non plus sur les premiers responsables.
Nous comprenons votre souci de voir les mesures du réseau action climat intégrables par tous les partis politiques. Mais pour notre part, nous estimons qu’une ambition écologiste sérieuse n’est pas compatible avec les programmes des partis qui gèrent l’économie libérale de façon plus ou moins accentuée. Il nous faut poursuivre notre travail en commun, nos débats et nos actions, car au-delà de nos désaccords, qui ne sont peut-être que tactiques, l’urgence commande une unité qu’il s’agit de faire perdurer.
Veuillez recevoir nos salutations écosocialistes.
Editorial de Rouge n° 2191 du 1er février 2007.
Face à la menace climatique
Les travaux du Groupe d’experts internationaux sur l’évolution du climat (Giec) le rappellent opportunément : il y a péril en la demeure ! Si cette prise de conscience est bienvenue, il est à craindre qu’au niveau des gouvernements, elle ne débouche à nouveau sur des mesures de faible portée ou aux effets pernicieux. C’est le cas, en particulier, des propositions de fiscalité dédiée, de « taxe carbone » ou de « droits à polluer ». Elles sont peu efficaces sur le plan environnemental et socialement injustes, puisqu’elles reviennent à pérenniser les activités et les pratiques polluantes... de ceux qui en ont les moyens financiers !
Donner des réponses à la hauteur de la menace passe par la réorientation et l’augmentation des investissements publics en matière d’infrastructures ferroviaires, de recherche en matière d’énergies renouvelables, d’équipement et de transport (chemin de fer, voies d’eau ou mer).
Ainsi, la création d’un service public du logement pourrait, lors de la construction de bâtiments neufs ou la rénovation de bâtiments anciens, imposer le développement de l’isolation avec des normes thermiques renforcées permettant de réduire considérablement les coûts énergétiques et les émissions de CO2. Dans le domaine des transports aussi, des mesures comme l’interdiction du transport routier longue distance, la limitation du trafic automobile en agglomération, la gratuité des transports en commun auraient des effets significatifs et immédiats. Enfin, un service public de l’énergie devrait impulser la substitution de la consommation d’énergies propres et renouvelables à celle d’énergies fossiles, par la construction de panneaux solaires et l’installation d’éoliennes.
Ces mesures doivent s’intégrer dans un plan d’ensemble, une véritable révolution énergétique à l’échelle mondiale, qui permette de modifier radicalement nos manières de nous déplacer, de consommer, de produire, de nous loger et de nous chauffer, d’aménager le territoire. Autant de solutions qui impliquent de sortir des mécanismes de marché et du « tout au privé ».
François Duval