“Les responsables politiques et la police tirent un bilan positif de ce dernier 1er mai. La stratégie de la police a parfaitement fonctionné”, relate la Berliner Zeitung. D’année en année, la violence a reculé dans les défilés à Berlin, comme le prouvent les chiffres : le bilan de cette année est de 39 arrestations, 85 inculpations, 39 policiers blessés, tandis qu’il y a 30 ans, on comptait seulement 16 interpellations, mais 350 policiers blessés. Deux raisons à cette évolution : à la fois le comportement de la police et la socialisation des manifestants, résume le quotidien berlinois.
Question de tactique et communication
Fini le temps où la police sortait immédiatement les canons à eau (eau mêlée à un gaz), allait au contact avec les manifestants à coups de matraques et sortait manu militari les “cagoulés” de la manifestation, au risque de graves troubles. Il y a 16 ans, la police a changé de tactique – avec succès, comme en attestent tous les partis politiques.
Aujourd’hui, elle n’utilise plus ces boucliers en plastique qui entravent la mobilité, elle n’extirpe plus les individus en infraction au milieu de milliers de manifestants pacifiques, elle se contente de les “repérer preuves à l’appui”, détaille le journal. “La priorité est que la manifestation atteigne son but. Ceux qui ont enfreint la loi sont alors interpellés – même si cela semble arbitraire et provoque encore des troubles.” À cela s’ajoutent l’évolution des mentalités chez les “agents lambda” et le fait que “la police berlinoise a acquis de l’expérience et sait rester calme. À raison de plus de 5 000 manifestations – petites ou grandes - par an dans la capitale, elle a un certain entraînement.”
Mais surtout la police mise sur la communication, pointe le journal. Ce 1er mai, par exemple, elle a clairement fait savoir qu’elle laisserait défiler les manifestants dans Friedrichshain (arrondissement rattaché à Kreuzberg, jadis haut lieu des violences), bien que la manifestation ne fût pas déclarée. Au lieu d’y voir une “capitulation de l’État de droit”, elle fait un “calcul d’intérêt” : une interdiction ou un blocus policier aurait pour effet une bataille de rue. “La communication signifie aussi, ne pas empêcher les manifestations, mais les faciliter, même si elles ne sont pas déclarées.” Ainsi a-t-elle indiqué aux manifestants, dans des quartiers pourtant sensibles de l’arrondissement, les détours à emprunter en raison des travaux.
Des manifestants plus bobos
Enfin, la deuxième raison qui explique le recul des violences tient au fait que “les autonomes, jadis très durs, se sont adoucis”, poursuit la Berliner Zeitung. Les anciens squatters et militants chevronnés d’antan ont fait place à un Schwarzer Block (Black Bloc) de quasi bobos, qui sont “seulement agressifs verbalement” (scandant par exemple “Tout Berlin déteste la police”). Ils craignent les sanctions pénales et la présence massive de la police et préfèrent incendier les voitures à la faveur de la nuit ou de manière anonyme sur Internet.
“Ainsi, la tactique policière mise en œuvre à Berlin pourrait être un modèle d’exportation”, conclut le journal. A la différence des vieilles méthodes (matraques et canons à eau) – telles qu’elles ont été pratiquées par la police de Hambourg lors du G20 de juillet 2017. Avec 23 000 policiers mobilisés, le bilan s’était soldé, selon les chiffres officiels, par près de 600 blessés parmi les forces de l’ordre et des centaines d’interpellations et mises en garde à vue. Un “usage disproportionné de la violence” par la police avait été dénoncé, et l’opposition avait appelé – sans succès - à la démission du maire de la ville, Olaf Scholz (SPD), l’actuel vice-chancelier du gouvernement Merkel. “À Berlin, donne à réfléchir la Berliner Zeitung, les choses se seraient possiblement passées différemment.”
Andreas Kopietz
Berliner Zeitung
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