Les « gilets jaunes », nombreux dans le cortège syndical du 1er-Mai qui a rassemblé entre 150 000 et 300 000 personnes, semblaient beaucoup moins présents dans la rue samedi 4 mai à l’occasion de leur acte XXV. Depuis l’acte XXII, à la mi-avril, les chiffres du ministère de l’intérieur, contestés par les « gilets jaunes », montrent un fléchissement du nombre des manifestants qui défilent chaque samedi.
Selon les chiffres du ministère de l’intérieur, 18 900 manifestants ont été recensés samedi en France, dont 1 460 à Paris. Le week-end dernier, lors de l’acte XXIV, 23 600 manifestants, dont 2 600 à Paris, avaient été recensés en France par les autorités. Le mouvement, lancé il y a près de six mois, comptabilisait de son côté « 60 132 manifestants minimum ». Il s’agit de la plus faible mobilisation depuis le début du mouvement (la dernière datait du 6 avril avec 22 300 participants).
Au-delà des rassemblements du samedi, le mouvement social entre en politique : sur les trente-trois listes validées vendredi pour les élections européennes, trois se revendiquent du mouvement des « gilets jaunes ».
Défilés dans le calme
Pour l’acte XXV, seules quelques centaines de personnes se disaient participantes à chacun des événements relayés sur Facebook partout en France.
A Paris, trois manifestations déclarées ont été autorisées par la préfecture, et se sont déroulées dans le calme :
• le cortège principal de plusieurs centaines de personnes s’est élancé à 13 heures de l’hôpital Lariboisière (10e) en direction de la place de la Nation ;
• comme samedi dernier, un tour des sièges des médias, dans les 15e et 16e arrondissements, dans l’ouest de la capitale, était également au programme à partir de 13 heures ;
• le troisième cortège est parti à 14 heures de Jussieu (5e arrondissement), jusqu’à la rue de Patay (13e).
Sur leur trajet, les manifestants sont passés à proximité de plusieurs centres hospitaliers de l’est de la capitale (Saint-Louis, Tenon, Saint-Antoine). « Pour l’hôpital public on veut du fric », ont repris en cœur les « gilets jaunes » passant l’hôpital Tenon. Aux fenêtres, des aides soignants les ont salués, d’autres sont sortis pour expliquer leurs revendications : parce que « le reste du temps on est invisible », a dit Nicolas, aide-soignant devant une banderole demandant plus de personnel et de moyens.
Par ailleurs, en fin de matinée, une vingtaine de « gilets jaunes » ont distribué des tracts à l’aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle pour protester contre la privatisation d’ADP. « On est là pour demander l’annulation de cette vente. Et un référendum pour demander la renationalisation des autres biens communs, aéroports, autoroutes… tout ce qui fait notre patrimoine », a déclaré à l’Agence France-Presse Guillaume, un Parisien de 29 ans.
La préfecture de police de Paris avait reconduit son arrêté d’interdiction de manifester sur les Champs-Elysées, et dans un périmètre incluant l’Assemblée nationale, le palais de l’Elysée, et le secteur de la cathédrale Notre-Dame, touchée à la mi-avril par un incendie. Le préfet, Didier Lallement, a également interdit deux rassemblements place de la République pour éviter la constitution de « cortèges sauvages ».
Des appels à manifester ont aussi été lancés dans plusieurs grandes villes de France, comme Lyon, Toulouse ou Montpellier.
Barbecues anti-Macron
A La Roche-sur-Yon, 500 personnes ont défilé, répondant à un appel à manifester interrégional. Quelques heurts ont éclaté dans l’après-midi et une manifestante, blessée au nez, a été évacuée par les pompiers.
A Montpellier, ils étaient près d’un millier à manifester, selon la préfecture, brandissant des pancartes « Castaner menteur » ou « Mon pote est interdit de manifester, pas grave je le remplace ».
Slogans similaires à Marseille, où plusieurs centaines de personnes ont défilé dans les rues.
A Toulouse, un petit rond-point du centre-ville a été décoré de ballons jaunes, « pour rappeler aux gens qu’il est important de revenir aux ronds-points, là où tout a commencé », a expliqué Annie, une retraitée.
Dans plusieurs villes, comme à Chateau-Thierry (Aisne) ou Castelnau-de-Médoc (Gironde), les ronds-points ont été réinvestis par des poignées de manifestants.
A Lyon, la manifestation des « gilets jaunes » s’est rattachée au cortège (déclaré) répondant à l’appel du mouvement « Youth for Climate ».
A Montluçon (Allier), 400 personnes ont participé à un rassemblement contre les violences policières, à l’appel de « street medics ».
Des « gilets jaunes » avaient également appelé à « reprendre » les ronds-points qu’ils occupaient au début du mouvement. Des « barbecues anti-Macron » doivent se tenir sur plusieurs d’entre eux, partout en France, à l’initiative du député de La France insoumise François Ruffin, qui devait y projeter son film sur le mouvement social, J’veux du soleil.
Le 1er-Mai dans les esprits
Ces rassemblements ont lieu trois jours après les heurts entre manifestants et forces de l’ordre dans la fumée des gaz lacrymogènes, à Paris. Le défilé du 1er-Mai a été notamment marqué par l’irruption de plusieurs dizaines de personnes dans l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, après un mouvement de panique.
Le ministre de l’intérieur, Christophe Castaner, sous le feu des critiques après avoir parlé à tort d’une « attaque », a reconnu vendredi qu’il n’aurait pas dû employer ce mot. Les 31 personnes placées en gardes à vue après cet incident, et libérées depuis, ont tenu une conférence de presse samedi après-midi à Paris pour livrer leur version des faits.
Dans une tribune intitulée « Gilets jaunes : Nous ne sommes pas dupes ! », publiée sur le site de Libération, des comédiennes comme Juliette Binoche ou Emmanuelle Béart, des écrivains comme Edouard Louis ou Annie Ernaux ainsi que 1 400 autres acteurs du monde de la culture ont apporté samedi leur soutien au mouvement.
Le Monde avec AFP