Comme pour toutes les grosses journées de manifestations parisiennes, les points de rendez-vous fixés par avance étaient nombreux pour ce mercredi 1er Mai. Le secrétaire général de la CGT Philippe Martinez devait se livrer à son traditionnel point presse d’avant défilé vers 13 h 30 non loin de la place du 18-Juin-1940, au début du parcours à Montparnasse ; Attac avait fixé comme point de rencontre le cinéma UGC du boulevard du Montparnasse pour son ironique « Benalla Bloc » ; d’autres devaient se retrouver près du métro Vavin un peu avant que s’ébranle le cortège syndical, vers 14 h 30.
Tous ces repères tranquillement fixés ont volé en éclats en quelques minutes. Dès 12 h 30, un immense cortège mêlé de gilets jaunes, de militants syndicaux et de membres du black bloc, qui patientait à Montparnasse, parfois depuis plusieurs heures, s’est placé devant les camions et les ballons géants syndicaux en train de s’installer. Et a lancé de fait la manifestation, semant la confusion dans les habitudes bien installées de cette « journée des travailleurs ».
Pendant deux heures, sur à peine plus de 300 mètres, des milliers et des milliers de manifestants ont piétiné, fait des allers-retours dans un espace réduit, se sont affrontés avec la police ou ont subi des nasses très compactes, et ont finalement reflué massivement vers la place Montparnasse sous les nuages nourris de gaz lacrymogènes et les grenades de désencerclement. Le tout sous les yeux impuissants de syndicats débordés par les événements malgré leur statut d’organisateurs du défilé.
Ce n’est que vers 14 h 30 que les policiers ont finalement laissé partir le cortège vers sa destination, place d’Italie, à moins d’une heure de marche. Un semblant de défilé traditionnel a eu lieu, réunissant 40 000 personnes selon le cabinet Occurrence, qui procède à un comptage indépendant pour un collectif de médias (dont Mediapart). C’est un chiffre supérieur aux 34 500 manifestants de l’an dernier, où le défilé avait été interrompu en raison de l’action du black bloc et des affrontements avec la police. La préfecture de police de Paris, elle, a communiqué le chiffre de 16 000 manifestants à 14 heures, heure où le cortège n’avait pas encore vraiment démarré, et la CGT en a compté 80 000. Pour toute la France, le ministère de l’intérieur a dénombré 151 000 manifestants, alors que la CGT en a compté 310 000.
À la fin du parcours et notamment lors du passage devant le commissariat du XIIIe arrondissement, à quelques centaines de mètres de la place d’Italie, la tension entre manifestants et policiers a repris le dessus, donnant lieu à des affrontements longs et violents, et à un nouveau déluge de lacrymos sur des manifestants nassés, empêchés de se dégager par les lignes de policiers et de gendarmes les encadrant.
Dès les premières heures de la matinée, il était aisé de comprendre que le défilé allait attirer des militants nombreux, et motivés. Vers 10 heures déjà, plusieurs milliers de personnes occupaient la place du 18-Juin-1940, beaucoup avec un gilet jaune sur le dos, d’autres tout de noir vêtus. Sur la place, on se retrouve, on se salue par des « bonne chance ! » Une femme, un drapeau corse à la main, discute avec un manifestant, son vélo surmonté d’une pancarte portant une citation de l’abbé Pierre. « Fais attention à toi Michaël, et bonne manif ! », lance la manifestante. Des gilets jaunes du Loiret rigolent en voyant un visage connu : « C’est nous, les gilets du rond-point cacahuète, toujours prêt pour la guerre ! » Un membre de leur groupe, monté en décembre mais interpellé à 100 mètres de l’Arc de triomphe à cause d’un casque et d’un masque à gaz est heureux, il a réussi cette fois à passer, et montre son visage enduit de Maalox, ce médicament efficace contre les gaz lacrymogènes.
Certains ont passé les barrages filtrants de policiers dans les gares et le métro, se voyant confisquer leurs casques, masques et lunettes de protection. D’autres sont venus en bus, de toute la France, comme ils l’avaient fait samedi 20 avril. Sur son fauteuil roulant, badge en faveur du référendum d’initiative citoyenne épinglé sur le gilet, Maxime arrive cette fois encore de Saint-Avold (Moselle), avec 70 camarades montés dans deux cars. « Aujourd’hui, on souhaite une convergence avec les syndicats et les militants du climat, qui ont annoncé qu’ils défileraient également, dit-il. Nous avons bien noté les annonces d’Emmanuel Macron, il a un discours empathique, il a entendu que nous demandions des choses, c’est bien. Mais ses annonces de jeudi [lire notre article] ne sont pas suffisantes, il nous en faut plus pour nous arrêter. »
Le jeune homme, qui a été militant chez Greenpeace et a défilé l’an dernier pour contester la réforme de la SNCF, confie qu’il a enduré un cancer à 12 ans et qu’il a dû être amputé d’une jambe. « Grâce à la Sécurité sociale, ma prothèse a été prise en charge à 100 %, mes parents n’ont pas eu à s’endetter, et je me bats justement pour que ceux qui viennent après moi aient encore droit à ce type de droit, qu’on ne nous l’ôte pas dans les années à venir », explique-t-il.
Quelques mètres plus loin, le discours est plus dur, et dit une fois de plus la défiance gigantesque qui oppose les gilets jaunes à l’exécutif, et au président en premier lieu. Julien et Julio arrivent de Montargis (Loiret) et viennent de faire la connaissance de Cécile et Michèle, tout juste arrivées du Mans (Sarthe) et de Chartres (Eure-et-Loire). Cela ne les empêche pas de tomber instantanément d’accord sur leur détestation d’Emmanuel Macron, « ce jeune président en qui on avait placé pas mal d’espoirs quand il a été élu, mais qui a tout gâché très vite », cet homme « qui n’a pas de cœur » et qui a « coupé le dialogue avec les gilets jaunes ».
« La colère est tellement montée qu’on n’en peut plus, qu’on ne veut plus le voir, c’est tout. S’il faut retourner à Paris pour lui faire comprendre, on le fera », tempête Julien, qui s’avoue heureux que le 1er Mai tombe un mercredi, lui qui est interdit par la justice de passer à Paris les vendredi, samedi et dimanche, après avoir dérobé un drapeau français sur le mur extérieur du Sénat en février.
Les annonces du président, qui se chiffrent à plusieurs milliards d’euros, sont démontées par le petit groupe, l’air désabusé. La réindexation des retraites sur l’inflation pour les petites pensions ? « Ça n’arrivera qu’en 2020 ou 2021, qu’il nous rende déjà ce qu’il nous a pris cette année ! Et il faut réindexer les retraites sur les salaires, pas sur les prix ! » La baisse promise des premières tranches de l’impôt sur le revenu ? « Pourquoi pas, mais beaucoup d’entre nous ne le paient pas, l’impôt sur le revenu, et ça ne règle pas la question de la justice fiscale ! Les très, très riches, les 0,1 %, eux, ne sont pas du tout menacés. »
Durant la matinée, tout le long du boulevard du Montparnasse, les préparatifs battent leur plein. Les postiers des Hauts-de-Seine, toujours en grève plus de 400 jours après avoir lancé leur mouvement, montent un stand où ils entendent vendre sandwichs et boissons pour alimenter leur caisse de grève. Une quinzaine de policiers viennent leur expliquer que « l’état-major » ne veut pas en entendre parler : laisser à disposition des manifestants des projectiles potentiels serait trop dangereux. Gaël Quirante, le leader du mouvement, licencié sur autorisation de la ministre du travail, grince : « Les corps intermédiaires, c’est bien seulement pour faire joli à la télé… »
Les camions de policiers s’alignent devant la célèbre brasserie La Coupole. En face, l’établissement jumeau de La Rotonde, où Emmanuel Macron a célébré par avance sa victoire le soir du premier tour de l’élection présidentielle, finit de se barricader derrière de grands panneaux de bois. Aucun des deux établissements ne sera finalement dégradé pendant la manifestation.
Pourtant, la tension est montée d’un coup sur le boulevard, deux bonnes heures avant le démarrage prévu officiellement. Peu avant 12 h 30, alors que le rassemblement syndical n’est pas encore formé, le coup d’envoi de la manif est donné par un cortège de plusieurs milliers de personnes, qui arrive depuis la place du 18-Juin-1940, en lançant le mot d’ordre : « Gilets jaunes, devant la CGT ! » Applaudissements de la foule devant ce cortège très fourni, où se mélangent membres du black bloc, gilets jaunes, et militants syndicaux, dont certains ont revêtu le gilet.
Trois cents mètres plus loin, ils sont bloqués au niveau de la station de métro Vavin par un cordon de CRS. « Je ne comprends pas, pourtant nous sommes sur le parcours officiel, non ? », demande une femme gilet jaune. Toutes les rues adjacentes sont déjà bouclées. Un black bloc d’au moins 200 personnes remonte à contre-courant, aux cris de « Révolution ! Ça va péter ! » Applaudissements toujours nourris.
Toujours à la station Vavin, des bouteilles de bière et des canettes volent en direction des forces de l’ordre. Des femmes et des hommes en noir détachent des morceaux de bitume pour les balancer sur les forces de sécurité. La réponse est immédiate, avec des tirs de gaz lacrymogène de part et d’autre du boulevard, rendant l’atmosphère vite irrespirable. La foule, compacte, commence à faire marche arrière. Certains en profitent pour monter sur des échafaudages, et réussissent à y accrocher une banderole clamant : « La répression en marche, soutien aux blessés et incarcérés. » À nouveau, des vivats.
Les palets de gaz lacrymogène sont lancés dans la foule, en tirs tendus, et tombent tout près des visages. Muriel et David ne sont pas passés loin du dernier, et suffoquent. Ces deux gilets jaunes sont arrivés du Havre le matin même. « Il y a de l’appréhension, bien sûr, confesse David, on sait qu’aujourd’hui comme tous les samedis, on peut prendre une balle, du gaz ou un bris de verre, mais on ne conteste pas pour autant le fait que des black blocs soient dans le cortège, chacun son mode d’expression. » Muriel renchérit : « On préférerait que ça se passe autrement, bien sûr, mais le gouvernement est sourd. »
Pour de nombreux gilets jaunes, c’est un premier 1er Mai. Lionel, habitant les Alpes et de passage à Paris, est venu les mains dans les poches, pour voir. Il discute le bout de gras avec un gilet jaune de l’Oise, vieil habitué des manifestations du samedi. « Tu vois, c’est à chaque fois le même scénario : il y a une bouteille qui vole, les flics balancent des lacrymos, nous encerclent, les gens s’énervent, deviennent fous ! » Lionel opine, et le gilet jaune continue : « Si tu n’as jamais fait de manifs ces derniers mois, tu ne peux pas comprendre les images que tu vois à la télé, faut le vivre pour le croire. » La fin de la conversation se déroule dans un nuage de gaz, qui laisse le novice stupéfait.
Les forces de l’ordre appliquent la nouvelle doctrine expliquée par le tout nouveau préfet de police Didier Lallement, fendant la foule, pour interpeller les manifestants cagoulés et vêtus de noir, en pleine rue. Une grenade de désencerclement vole en cloche, à plusieurs mètres de hauteur, et explose au-dessus des manifestants. La foule est dangereusement compacte, et ondule furieusement au rythme des charges policières. Le service d’ordre de Lutte ouvrière tente de se frayer un passage, bloquant une partie des trottoirs. Les manifestants se cognent aux gros bras du service d’ordre, et crient leur colère. Deux cultures se font face : « Les organisations qui manifestent doivent le faire protégées par un service d’ordre », explique un militant de LO.
« Ah oui, ils sont là les racailles », s’exclame un de ses collègues du service d’ordre de la CGT, qui encercle le carré officiel du syndicat, et observe, impassible, des milliers de personnes refluer vers lui, poussées par les policiers. Ce n’est qu’après avoir bloqué le passage aux personnes qui se cognent de plus en plus violemment à ce mur humain que le service d’ordre consent finalement à laisser reculer les manifestants vers la place du 18-Juin.
Quelques minutes plus tard, le carré officiel de la CGT est directement ciblé par les forces de sécurité, tout comme le camion du syndicat Solidaires. À notre connaissance, c’est une première. Selon des membres du service d’ordre de la CGT, deux charges distinctes les ont visées, déclenchant l’exfiltration de Philippe Martinez. Fait rarissime : en cours de manifestation, la confédération envoie un communiqué courroucé, dénonçant « une répression inouïe et sans discernement », déclenchée « suite aux actes de violence de certains [manifestants] ».
« Nos camarades présents, y compris notre secrétaire général, se font gazer et reçoivent des grenades. Ce scénario en cours, scandaleux et jamais vu, est inadmissible dans notre démocratie », dénonce le syndicat. « La CGT n’a jamais été la cible des policiers et gendarmes qui ont assuré leur mission avec détermination face à des casseurs violents », a très vite rétorqué la préfecture de police sur Twitter.
Pourtant, Mediapart est témoin que le service d’ordre de la confédération s’est à nouveau retrouvé sous les lacrymos au moins à deux reprises sur la fin du parcours. « La police a chargé la CGT, ceux qui étaient devant moi l’ont senti », a déclaré Philippe Martinez lorsqu’il s’est finalement exprimé, en queue de cortège vers 15 h 45. Pour le reste, il s’est félicité de la « volonté de convergence » exprimée un peu partout dans la manifestation : « On apprend à se connaître, on a les mêmes revendications : hausse du Smic, justice fiscale. C’est bien et il faut que ça continue. »
À 14 h 15, pour les manifestants repoussés par vagues successives à coups de gaz et de charges, c’est le retour au point de départ, à nouveau au pied de la tour Montparnasse. Sur la place, les gaz se mêlent à la fumée des merguez, et envahissent la terrasse d’un café ouvert, pleine de badauds. Les « medics » courent dans tous les sens. Les seuls espaces un peu respirables se trouvent là où ils interviennent, derrière des gilets jaunes qui forment de petites chaînes humaines. Un manifestant est pris en charge, sur les escaliers d’une bouche de métro, le visage en sang.
Une fois le cortège de tête éparpillé, scindé en plusieurs morceaux, la police décide vraisemblablement de laisser enfin partir la manifestation, à l’heure qui était prévue officiellement. « On n’a pas voulu lâcher, souligne Magalie, Parisienne syndiquée Sud à Pôle emploi. C’est notre manif, pas question d’abandonner. Je suis solidaire du reste du cortège, les black blocs, les gilets jaunes, qui ne sont pas forcément syndiqués, mais dont les revendications rejoignent les nôtres. »
Les différents groupes se mettent en branle, y compris les manifestants pour le climat, dont le défilé, qui devait se tenir plus tôt dans la matinée près du Panthéon, a été interdit sur ordre préfectoral. « On navigue à vue, là… », souffle une organisatrice. « On s’est repliés ici, mais j’ai eu du mal à suivre, parce qu’en plus je ne suis pas sur les réseaux sociaux, explique Thibaut, du mouvement Alternatiba. Mais si ça chauffe, on va se replier, on n’est pas là pour ça. » Le jeune homme, même s’il participe aux marches de « démonstration », de plus en plus nombreuses pour le climat, croit surtout aux actions locales et concrètes. « Quand une majorité de gens seront vraiment engagés dans la transition, dans leur mode de vie, les politiques et les gouvernants seront obligés de nous entendre. »
Les manifestants avancent, pendant une bonne heure, plutôt sans accroc, dans une ambiance totalement nouvelle pour un 1er Mai, coloré en jaune. Certains camions syndicaux crachent encore les chants classiques, rap politique, couplets espagnols, L’Internationale, mais les bataillons syndicaux officiels se retrouvent repoussés en fin de défilé, derrière les dizaines de milliers de manifestants, en « jaune » ou non, syndicalistes ou non, ne souhaitant pas défiler sous leur tutelle. Les slogans les plus entendus et repris sont ceux des gilets jaunes, ou des militants anticapitalistes les plus radicaux. Et le mot d’ordre assez clair : « Révolution ! »
Un photographe s’approche d’une petite troupe venue de Tours, menée par la dynamique Élodie, son gilet jaune couvert des dates de manifestations et d’opérations menées depuis le 17 novembre : « Heureusement que vous êtes là, parce que sinon on aurait encore fait de la balade… » Élodie et David sont alors pris à partie par un autre manifestant, qui leur demande : « Vous êtes gilets jaunes ? Vous me couvrez ? » Ni une, ni deux, il part taguer à la bombe le mur d’une banque de ces mots : « Appauvrir les pauvres. »
« Non à la benallisation des violences policières », clame malicieusement une banderole, un an pile après les agissements d’Alexandre Benalla, le 1er Mai dernier, qui ont déclenché la première réelle crise politique du quinquennat. Derrière la banderole se cachent des militants d’Attac, qui tiennent à rappeler « que l’histoire n’est pas finie, qu’il n’est toujours pas condamné alors qu’il y a des manifestants qui passent des nuits au poste pour pas grand-chose ».
Leur appel à former un « Benalla bloc » a séduit dans le cortège. Venus de Toulouse, Strasbourg et Paris, un groupe d’amis paradent derrière un masque à l’effigie du célèbre ex-collaborateur de l’Élysée. « Nous sommes là pour reprendre la rue, en espérant que le nombre permettra de faire bouger les choses », revendique Damien, aux côtés de Sophie, Maud et Faïrouz. Son ami Claude déclare défiler au nom de sa grand-mère, « qui s’est fait gazer il y a deux ans et qui ne vient plus dans les manifestations ».
Le défilé de ce 1er Mai, même dans ses moments apaisés, n’a rien de familial, une tendance depuis 2016 et la loi sur le travail. Dans la rue, un jeune homme pourtant, à la tête d’enfant, venu de Valenciennes. À 18 ans, salarié du nettoyage, il est arrivé ce matin dans le car loué par 75 gilets jaunes de Cambrai, Maubeuge, Somain. « On défile à Lille, à Valenciennes, à Paris, et on est même de retour sur les ronds-points depuis trois semaines, jour et nuit, sept jours sur sept. Pourquoi Macron ne comprend pas qu’on n’accepte pas de vivre comme aujourd’hui ? Qui veut vivre à 18 ans, chez ses parents, avec un crédit voiture sur le dos, payé au Smic pour toujours ? » Un gilet jaune normand, devant lui, se retourne : « Sur le rond-point des Vaches à Rouen, il y a même une chèvre maintenant, on construit une mini-Zad ! »
Rares sont les encartés CGT qui, comme Sonia, tordent encore le nez devant les militants en jaune qui défilent à leurs côtés. « Bien sûr, nous ne sommes pas propriétaires de cette journée des travailleurs, mais quand je vois certains slogans sur les gilets jaunes, je ne m’y reconnais pas, dit cette téléconseillère dans les Yvelines. Les quenelles, les appels en faveur du “Frexit” ou les slogans sexistes qui traitent Macron de pute, ça me dérange. » Elle estime aussi que les « demandes et les attentes » des gilets jaunes sont différentes des siennes : « Eux sont beaucoup plus sur une demande politique, avec le RIC, la démission de Macron. Nous, nous avons surtout des revendications sociales, pour améliorer immédiatement la vie des gens. »
Ses camarades du syndicat rencontrés dans le cortège sont souvent en désaccord. « S’il n’y avait que les syndicats, on se serait sentis un peu seuls, analyse Didier, membre de la fédération parisienne des services publics. Là, avec les gilets jaunes en masse, il y a un côté revendicatif beaucoup plus fort. » Il esquisse aussi une autocritique : « À la CGT, on a loupé le mois de décembre. On n’a pas pris la mesure des événements. On aurait dû y aller, et ça aurait pu être très fort, remettre en cause le système… » Quant à Alain, de la CGT Énergie, il rappelle que sa fédération « a été partie prenante du mouvement depuis le départ », et attend toujours « un appel franc à l’union venant de Martinez, même si la confédération est évidemment obligée de prendre le train en marche ».
Tout à l’avant, les gilets jaunes et membres du black bloc tiennent à montrer leur indépendance : ils coupent par la rue Jeanne-d’Arc au lieu de poursuivre sur le tracé prévu, et se retrouvent sur le boulevard de l’Hôpital plus tôt que prévu. Juste avant d’arriver place d’Italie, la tête du cortège passe devant le commissariat du XIIIe arrondissement. Celui-ci est protégé par une flopée de barrières où campent des membres des forces de l’ordre. Les manifestants commencent soudain à charger les barrières. Les forces de l’ordre répliquent dans tous les sens : le cortège est de nouveau morcelé.
À l’avant, certains manifestants ont atteint la place d’Italie mais ne sont pas au bout de leur peine : ils font face à des charges massives, la place est couverte de lacrymogène. De l’autre côté, le cortège reflue vers le bas du boulevard de l’Hôpital. Le gaz lacrymogène bouche l’horizon. Au croisement avec le boulevard Saint-Marcel, le cortège est désœuvré. Régulièrement, des manifestants redescendent de la place d’Italie, les yeux rougis, certains en larmes, du Maalox badigeonné sur le visage.
Certains décident de s’échapper dans les rues laissées ouvertes, en manifestation sauvage, ou simplement de quitter les lieux, lassés et fatigués. Ceux qui restent se retrouvent à nouveau nassés au niveau de Saint-Marcel. Une mère et sa fille, des colliers de fleurs artificielles autour du coup, commencent à sérieusement s’affoler : « Mais on va être étouffées si on reste là ». Les gendarmes mobiles laissent, vers 17 heures, sortir au compte-gouttes les manifestants vers la gare d’Austerlitz.
Une banque Caisse d’épargne est sérieusement attaquée par des membres du black bloc. Les protections en bois volent en éclats, les vitrines aussi. Un feu est allumé devant la banque. La préfecture de police twitte : « Des groupes violents se sont constitués dans le secteur du boulevard de l’Hôpital, désolidarisez-vous de ces groupes, laissez les forces de secours et de l’ordre intervenir. »
Sauf que personne ne peut vraiment partir. La nasse est de plus en plus compacte et subit les assauts des forces de l’ordre dans tous les sens. Soudain, une ligne de forces de l’ordre fait face à une ligne de manifestants, toujours boulevard Saint-Marcel. Jets de lacrymos, puis la police recule. Les manifestants restés en retrait découvrent alors effarés que ces manifestants n’étaient autres que le service d’ordre de la CGT.
Bon gré mal gré, ce cortège finit par parvenir place d’Italie. Sur cette fin de manifestation le black bloc est devenu invisible, dissous aussi vite qu’il était apparu. Les gens commencent à souffler puis s’enquièrent de la façon de sortir. Les seules possibilités se trouvent au sud de la place, mais les autorités ne laissent sortir qu’au compte-gouttes, avec fouille des sacs et confiscation des gilets jaunes…Des manifestants, les yeux rougis, pestent. Un drone survole la zone. Le reste de la place est encore sporadiquement arrosé de gaz lacrymogène. Les derniers camions syndicaux sont encore présents. La foule crie « Et la police déteste tout le monde ». On aperçoit au loin les motards quitter la place. Peut-être pour se rendre place de la Contrescarpe, dans le Ve arrondissement, où rendez-vous avait été donné pour fêter « l’anniversaire » des exactions d’Alexandre Benalla.
Christophe Gueugneau, Mathilde Goanec et Dan Israel
• MEDIAPART. 1 MAI 2019 :
https://www.mediapart.fr/journal/france/010519/le-defile-syndical-du-1er-mai-dynamise-par-les-gilets-jaunes?onglet=full
La Roche-sur-Yon, les « gilets jaunes » refusent pour l’instant « la stratégie du choc »
Ils ont été un millier de manifestants à avoir répondu à l’appel interrégional de La Roche-sur-Yon, pour l’acte XXV des « gilets jaunes » ce samedi 4 mai. Entre tirs de lacrymos et barbecue géant sur un rond-point, étrange ambiance dans un cortège qui légitime verbalement la violence, mais la réprouve dès qu’elle se manifeste physiquement.
La Roche-sur-Yon (Vendée), envoyé spécial. - Il est peu avant 15 h, ce samedi. D’un coup, le ciel se charge au-dessus de la ville. Aux pieds de la statue de l’empereur, un bon millier de « gilets jaunes ». « Ça y est ! lance un jeune homme dans la foule, on est dans le périmètre interdit. » Par un arrêté préfectoral, pris la veille au matin, le Pentagone (nom du cœur de ville) et plus encore la place Napoléon sont interdits à toute forme de rassemblements et de manifestations, ce 4 mai entre midi et 22 h.
Face à la masse, un cordon de CRS composé d’une dizaine d’hommes. Les deux groupes se toisent. L’espace d’un instant, la sono se tait. Avant que ne retentisse, entre les bassins d’apparat de la place, un « La rue est à qui ? À nous ! Waouh ! » Puis, le gros de la troupe se dirige vers la rue Clemenceau, artère centrale de la ville-préfecture de Vendée.
Comme si de rien n’était, les gilets jaunes suivent un tracé que seuls eux semblent connaître. Tous, sauf une poignée qui décide d’aller chanter face aux forces de l’ordre qui campent rue Joffre. L’un d’entre eux s’avance : « Qu’est-ce que vous faites encore là ? On ne vous paie pas vos heures sup’, vous n’êtes pas près de partir en vacances et vous êtes encore là, face à nous… » Pour toute réponse, un homme cagoulé lance : « Ne joue pas à ça avec moi, Yohan. Calme-toi et traverse la rue. »
L’homme qui vient de parler s’appelle Laurent Dufour. « C’est le nouveau commissaire de La Roche, expliquait à Mediapart une heure auparavant James, gilet jaune de la première heure. « Il a découvert les gilets jaunes en même temps que la ville et il est venu nous voir dès le début du mouvement, reprend le quinqua qui rentre juste d’un déplacement professionnel à Atlanta. En retour, il a toujours été accueilli avec du café et quand, en décembre, il y a eu les premières pressions venues de la préfecture pour nous déloger des ronds-points, il a temporisé jusqu’à ce qu’on finisse, comme partout, par se faire dégager. »
Depuis le 17 novembre, c’est une des spécificités du mouvement vendéen. « Lors de toutes nos actions, confirme Gaëlle, elle aussi gilet jaune historique de La Roche-sur-Yon, la police a compris que nous étions plus dans la revendication festive et pacifique que dans l’action violente. Sauf à de rares moments de crispation, nous n’avons jamais eu de réels problèmes avec elle. » À tel point que l’appel interrégional à se rassembler, ce samedi à La Roche-sur-Yon, n’a pas plu à tout le monde, dans les rangs vendéens.
Tous ont en souvenir ce 9 février, où le centre-ville était pour la première fois devenu l’épicentre d’une contestation d’ordinaire plus habituée à résonner dans les rues de Nantes ou d’Angers. En fin de cortège, les lacrymos avaient volé. En réponse, du matériel de chantier avait été incendié, des vitrines de banques vandalisées. Beaucoup étaient donc réticents à renouveler l’appel du jour même. D’autres ont estimé que dans « le contexte de montée de la violence et, notamment des violences policières, la donne a changé et qu’il faut apprendre à résister et à se défendre ».
C’est le cas de ce groupe d’une cinquantaine de manifestants, venus de la Charente-Maritime et des Deux-Sèvres. « J’étais déjà là le 9 février, explique Franklin, 30 ans. Pourquoi ? Parce qu’ils nous gazent pour un rien. Parce que l’unique réponse de Macron à nos revendications est d’envoyer ses policiers. Parce que nous devons rester solidaires entre régions. »
Cette montée de tension chez des manifestants, au départ et encore majoritairement pacifistes, James finit par la justifier à demi-mot. « C’est un mal nécessaire. Ce qu’on a obtenu, c’est malheureusement à cause des affrontements. Cela fait vingt-cinq week-ends que l’on marche pacifiquement dans les principales villes de Vendée. Et pour quoi ? Croyez-vous qu’on aurait obligé Macron à ses deux prises de paroles si nous avions continué à tourner en rond ? » L’interrogation posée, James laisse un silence, avant de répéter : « Le black bloc est un mal nécessaire et, vous savez quoi, je préfère même que ce soit des professionnels de la violence qui fassent le sale boulot que de voir des mamies se faire matraquer au sol. »
Ils n’étaient pourtant pas nombreux, les membres du Bloc à défiler ce samedi, dans les rues de La Roche-sur-Yon. Plutôt désorganisé et peu suivis par les manifestants, en chasuble ou non. « J’y vois une raison toute simple, anticipait ce matin celui qui se fait appeler Camille, un ancien black bloc vendéen, cheville ouvrière des mobilisations anti-G8 des années 2000 comme au début de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes. Il y a vingt ans, notre mot d’ordre et nos objectifs étaient clairs : nous voulions abattre le système et les dominants qui le servent et le protègent. Même si j’ai pris un peu de recul, de ce que je vois des blacks blocs dans les mobilisations de gilets jaunes, c’est une faiblesse et une désorganisation du mouvement. »
Camille voit une explication principale à cela : « Alors que nous détruisions un modèle pour en construire un nouveau, aujourd’hui, nous n’avons même plus cette vision possible de la “stratégie du choc” en ligne de mire. Nous n’en sommes plus à vouloir construire un autre modèle, mais à devoir atténuer l’effondrement. Stratégiquement, casser ne sert plus à rien. Laissons cela à nos politiques. Les citoyens ne sont plus dupes. Ce ne sont pas de supposés casseurs qui mettent la Pitié-Salpêtrière en danger, mais bien les attaques ultralibérales contre les services publics qui vont finir par casser l’hôpital. »
En attendant, les premiers tirs de gaz lacrymogène retentissent aux environs de 15 h 15, rue Haxo, l’une des voies d’accès hyper protégée qui mène à la préfecture. « Alors même que le 9 février dernier, la manif était passée devant le bâtiment sans que rien ne se passe, raconte Franklin. C’est clair, aujourd’hui, les flics ne sont là que pour protéger l’État et ses institutions, pas les citoyens. Vous allez même voir qu’ils vont laisser les casseurs dégrader le quartier des Halles, avant de lancer une nouvelle offensive. »
Une grosse demi-heure après ses premiers tirs, et alors que le cortège s’étend calmement à l’intérieur du Pentagone, une dizaine de jeunes en cagoule fait bifurquer le mouvement en direction desdites Halles, quartier en travaux où grilles métalliques et grosses pierres sont à portée de mains. « Les gars, regardez ça, c’est cadeau, ça a été laissé pour nous », se marre un des jeunes en noir qui renverse une à une les grilles, sous les réprobations d’une partie du cortège. Pendant que d’autres remplissent leurs poches de futurs projectiles.
« Si la préfecture avait réellement voulu interdire l’accès au centre-ville, elle aurait dû mobiliser une dizaine de compagnies de CRS, croit savoir Pierre Regnault, ancien maire socialiste, battu en 2014 et aujourd’hui “macron-compatible”. En tout cas, je ne sais pas comment le gouvernement va pouvoir se dépêtrer de ça. Cela semble parti pour durer. » Alors qu’il finit sa phrase, une succession de charges repousse les casseurs et les centaines de manifestants encore présents aux abords de la place Napoléon.
Un moment de tension de même pas dix minutes, qui se soldera par trois blessés (un nez cassé, une oreille déchirée et une brûlure), immédiatement pris en charge par les street medics puis les pompiers, notamment pour une sérieuse brûlure au troisième degré.
« Aux Flâneries ! On va tous aux Flâneries ! » Il est prêt de 16 h 30, et environ cinq cents gilets jaunes et quelques dizaines de black blocs se dirigent à pieds vers la zone commerciale la plus importante de La Roche-sur-Yon. Finalement, les velléités s’arrêteront au niveau du rond-point du KFC, en travaux. Les dizaines de plots de protection sont anarchiquement dégommés à coups de pied ou servent de combustibles pour l’allumage d’un énorme feu dont les épais effluves noirs rendent l’air irrespirable.
S’ajoute à la suffocation des jets de plus en plus nourris de lacrymos. « Je pense bien que, là, c’est l’attaque finale, tousse Gaëlle. Il y a six camions de CRS qui quadrillent la zone pour bien vérifier que nous enlevons bien nos gilets jaunes avant de partir. Même si c’est un peu la panique, encore une fois, il faut reconnaître que les flics sont plutôt cool avec nous. Ils auraient pu procéder à des interpellations, pour l’instant, ils ne le font pas. »
Probable que l’indulgence soit moindre de la part des officiers de la brigade anticriminalité vis-à-vis des jeunes blacks blocs qui les affrontaient en toute fin d’après-midi, dans une atmosphère de plus en plus irrespirable.
PIERRE-YVES BULTEAU
• MEDIAPART. 4 MAI 2019 :
https://www.mediapart.fr/journal/france/040519/la-roche-sur-yon-les-gilets-jaunes-refusent-pour-l-instant-la-strategie-du-choc
A Toulouse, un 1er Mai sur la ligne jaune
Le 1er Mai toulousain a donné à voir un mouvement serein et déterminé, au sein duquel les convergences entre mouvement social, climatique et gilets jaunes continuent de se construire.
Toulouse (Haute-Garonne), de notre correspondant. - Il était 13 h 20 cet après-midi quand l’hélicoptère de la gendarmerie a fait son apparition dans le ciel toulousain, sous les huées goguenardes des quelques milliers de manifestants demeurant dans le secteur Saint-Cyprien / Pont Saint-Pierre. Des consignes passées au téléphone – « Ne vous embarquez surtout pas sur les quais, là-bas on va se faire déboîter… » – et des masques à gaz accrochés en tours de cou, comme autant de marques de ce que sont devenues les manifestations toulousaines depuis cinq mois. Des policiers en civil, masqués pour la plupart d’entre eux, et des CRS bloquent les accès au centre-ville. Quelques premiers tirs de lacrymos vers 13 h 30 augurent de la séquence « tension » d’un 1er Mai qui, jusque-là, s’était passé sans heurts, mais avec une belle intensité politique.
L’intersyndicale CGT-FSU-Solidaires, les gilets jaunes et les militants climat s’étaient donné rendez-vous à 10 heures sur la place Esquirol. La manifestation, dense, a rassemblé selon nos estimations plus de 10 000 personnes, 20 000 selon la CGT. Un cortège déterminé autant que pacifique, donnant à voir un mouvement qui semble très loin de « l’essoufflement » régulièrement annoncé. Et une convergence toujours plus aboutie des différents secteurs mobilisés.
« C’est le 1er Mai, c’est normal qu’on soit là. Les syndicats sont à nos côtés tous les samedis, alors on est là aussi, l’union fait la force, résumait, à l’heure du départ, Christophe, l’une des figures des gilets jaunes toulousains, un brin de muguet dans une main, un mégaphone dans l’autre. Avant de poursuivre : « Ce qu’il a sorti Macron l’autre soir, on s’y attendait un peu à vrai dire. Alors, même s’ils emploient de plus en plus la force, on va continuer. On va travailler sur le terrain, s’organiser petit à petit, faire des propositions, construire… » Depuis des semaines, tous les mardi soirs, les gilets jaunes se retrouvent pour travailler en atelier.
Non loin de là, Mathilde, collégienne de 13 ans, est venue « pour défendre le climat », une question dont, selon elle, « on ne se rend pas assez compte ». Elle regrette qu’il n’y ait pas plus de jeunes comme elle. « C’est tombé pendant les vacances, résume lucide, son père. La manif précédente, ils étaient nombreux, ça leur avait fait sécher les cours. »
Au pied du camion de la CGT, Cédric Caubère, le secrétaire départemental de l’UD-CGT 31, a pris le micro : « Emmanuel Macron ne sera jamais l’antidote contre l’extrême droite ; le seul antidote contre le fascisme, c’est la conscience des travailleuses et des travailleurs de former une classe, et de la nécessité de s’organiser. » Il invite à « créer les conditions d’une grève générale massive et interprofessionnelle ».
Une intervention aux accents révolutionnaires de nature à donner des frissons d’angoisse au maire Jean-Luc Moudenc qui, dans un entretien accordé à Actu Toulouse, a fait part de ses inquiétudes. L’édile y dénonce « cette porosité et cette complicité entre le mouvement des gilets jaunes, tel qu’il est aujourd’hui, et l’extrême gauche ». Mardi 30 avril, des gilets jaunes se sont rassemblés place du Capitole, parvenant à accrocher des banderoles en façade de la mairie : « Justice sociale », « Justice climatique », « Reprenons le pouvoir ».
Sur un coin de la place, des militants de la Fédération anarchiste vendent leur dernier ouvrage, tout fraîchement édité, Les Gilets jaunes : points de vue anarchistes. Dans le cortège, les femmes en lutte, les Kurdes, les antifas, Act-up, ou le nouveau collectif Palestine vaincra, tractent, échangent, tendent leurs banderoles entre les arbres. Le collectif AutonoMIE est aussi de la partie.
Cela manquait un peu à Toulouse, c’est une première et elle est saluée comme il se doit par de nombreux manifestants qui se massent autour d’eux, sourire aux lèvres : La Manifanfare, regroupant une bonne vingtaine de musiciens, prend sa place dans le cortège. Pas aussi affûtée politiquement que la « fanfare invisible parisienne », mais assumant une tonalité « funk » : « On a un répertoire plutôt New Orleans que chants de lutte, résument Lorraine et Jimi, leurs cuivres en bandoulière. Mais on veut être dans les manifs du mouvement social, et suivre tout ça, désormais… »
Il est 12 heures et « Le chiffon rouge » de Fugain retentit alors que les syndicalistes invitent à la dissolution du cortège et convient les manifestants à prendre « le pot de l’amitié » à la Bourse du travail. Une partie d’entre eux s’y rend, une autre poursuit la manif vers le Bazacle, qui accueille traditionnellement des rencontres le 1er Mai. Sous la bannière Greenpeace, Justine, Caroline, Hélène, Éric et Aurore sont satisfaits de la journée et ne s’étonnent plus de la convergence observée : « Les gilets jaunes défendent aussi la cause climatique », assure Justine, militante climat dont le fils et la fille « ont un gilet jaune ». Pour elle, « aucun gouvernement, pas plus que Macron ou l’UE n’est à la hauteur des enjeux, ça c’est clair. Mais la société civile se mobilise, c’est bien, on avance, il faut le relever et le dire. »
Emmanuel Riondé
• MEDIAPART. 1er MAI 2019 :
https://www.mediapart.fr/journal/france/010519/toulouse-un-1er-mai-sur-la-ligne-jaune